Aux lendemains supposés chanter de l'après-guerre, ont succédé ceux qui déchantent. Le pouvoir d'achat des Français a, certes, continué d'augmenter au cours de ces dernières années, mais ils sont nombreux à penser que demain sera pire qu'aujourd'hui. Après une période de mobilité ascendante, nous voici entrés dans une «dynamique de mobilité descendante», selon les termes du sociologue Robert Castel. En trente ans, le régime du capitalisme a connu une mutation, passant de l'industriel à de nouvelles formes d'organisation et de production.

Si la misère a régressé, l'insécurité sociale est devenue la règle, et chacun, dans le jeu de la concurrence entre individus, sent la possibilité d'en être exclu. Après la montée de la dimension collective qui a accompagné la généralisation du salariat, voici venu le temps des dérégulations du travail et de la fragilisation de la protection sociale.

En reprenant des analyses publiées entre 1995 et 2008, pour certaines réécrites, Robert Castel dresse un tableau assez sombre. Il laisse cependant la porte entrouverte à l'espoir et refuse de se laisser enfermer dans le catastrophisme, persuadé que la nécessité de régulation contre l'anomie sociale pourrait bien émerger du capitalisme lui-même, qui commence à réaliser le prix exorbitant au long cours d'une logique du profit à court terme.

Robert Castel est sociologue, directeur d'études à l'EHESS.