Selon les astrophysiciens, l'Univers est en expansion, mais, vu de notre petite planète, le temps se rétrécit. Ou plutôt, les disparités augmentent : il y a ceux qui ont trop de temps (chômage, maladie, solitude..) et ceux qui en manquent cruellement. Pour les plus actifs, la situation empire. Chacun jongle avec ses e-mails, son téléphone, ses réunions, ses déplacements, bref, dix mille choses à mener de front. Les mères de famille qui travaillent s'occupent en plus de leurs enfants, des repas, de l'organisation familiale... La disponibilité devient un rêve.
A bien des égards, nous avons le sentiment que le temps s'accélère. C'est parfaitement justifié : vivant dans un monde en réseau avec de multiples interactions, nous recevons chacun davantage de sollicitations, auxquelles nous voulons répondre avec réactivité. Si le temps semble plus contraint, c'est aussi que nous faisons tous beaucoup plus de choses. Pourtant, même les champions du multitâche peinent : ils ne veulent pas faillir, ils aimeraient faire face, mais rien à faire, tout ne rentre pas dans la boîte. Combien peuvent surfer sur la vague sans plonger régulièrement dans le stress ou la frustration ?
Comment faisait-on avant les mails ? « C'était différent », vous raconteront les baby-boomers. On travaillait beaucoup par téléphone ou en réunion, on traitait davantage de choses en face à face, le courrier et le fax laissaient un temps de réflexion. Le monde était moins complexe, le périmètre des échanges plutôt national que mondial. Les équipes étant fréquemment sur le même lieu, le foisonnement d'idées et l'élaboration rapide de solutions étaient à portée de main. C'est sûr, le nombre d'interactions était moindre, mais le tri des priorités avait le temps d'exister.
Priorités, voilà le vrai challenge. Plus on fait de choses à la fois, moins on a le temps de trier. On passe 5 à 10 minutes sur chaque sujet, rarement plus, et les activités s'enchaînent, toujours en flux tendu. En utilisant la métaphore du filet de pêche, disons qu'on prend certainement beaucoup plus de poissons qu'avant, mais ce ne sont pas toujours les bons éléments. Autrement dit, certaines demandes ne sont pas prioritaires et, néanmoins, on y répond sans trop réfléchir. Imaginez un concours de vitesse consistant à remplir au maximum une valise avec des vêtements et des objets posés en vrac. La valise la plus remplie sera-t-elle le meilleur bagage pour partir en voyage ? Pas sûr... Il manque l'intelligence du tri.
Les solutions pour ce monde ultrarapide et complexe consistent à se doter d'un «centre de pilotage» intérieur plus fort. Bien connaître ses priorités, se les rappeler souvent, savoir dire non, proposer d'autres solutions pour éviter de partir en vrille et de terminer satellisé à l'extérieur de soi-même. Oh, je n'ai pas vu l'heure passer... J'aurais bien aimé terminer cette chronique, mais, désolée, il faut que j'y aille !
Meryem Le Saget est conseil en entreprise à Paris. <
