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Les pratiques

Le lean participatif reste un chantier chez Danone

Les pratiques | Retour sur... | publié le : 24.03.2009 |

En installant, en 2005, la méthode d'origine japonaise de réorganisation de la production, le géant agroalimentaire a voulu associer les opérateurs afin d'améliorer l'ergonomie des postes. Les avis syndicaux sont partagés.

Transformer un concept d'ingénieur (lire encadré) en un outil partagé : c'est ce qu'a voulu faire Danone lorsqu'il a introduit le lean manufacturing dans ses usines françaises de produits laitiers, en 2005. A partir du site pilote de Ferrières-en-Bray, en Normandie (Activia, Jockey, Gervita...), l'expérience s'est étendue aux quatre autres usines hexagonales de produits laitiers, à Saint-Just (Isère), Bailleul (Nord), Villecomtal (Gers) et Molay-Littry (Calvados), pour concerner un périmètre de 1 500 salariés. Le même scénario s'applique avec deux à trois ans de décalage aux sites d'eaux minérales. Pour l'accompagner dans sa démarche, Danone a fait appel au cabinet alsacien Lean Training.

Mauvaise réputation

Entre autres «mauvaises appréciations», le lean traîne celle d'une méthode qui descend du haut vers le bas avec une force de gravité telle qu'il n'est pas possible de la discuter. Les chantiers participatifs mis en place cherchent à modifier cette réputation. « La prise en compte du point de vue de l'utilisateur nous a parue nécessaire : une application unilatérale du lean présente le risque de l'inadaptation aux cas particuliers. L'opérateur constitue l'interlocuteur à même de nous y rendre attentifs », souligne Cyrille Tichy, le responsable du projet au sein de la branche produits laitiers de Danone France.

Diffusion

Des groupes de quatre à sept personnes se sont constitués. Ils réunissent opérateurs de production et chefs d'équipe autour du «manager Damaway» pour Danone Manufacturing Way, l'appellation maison de l'expérience lean. A raison de deux ou trois par usine, ces ingénieurs, membres de l'équipe locale de direction, sont chargés, à temps plein, de diffuser la méthode, notamment par l'animation des groupes. Ceux-ci déterminent les «chantiers», voies d'amélioration auxquelles ils vont consacrer, à chaque fois, plusieurs journées de travail étalées sur quelques mois.

« Les propositions sont travaillées avec le CHSCT, les ergonomes, le service santé au travail, qui participent aux chantiers. Concrètement, à Ferrières-en-Bray, elles ont abouti à rabaisser de quelques centimètres la hauteur de travail sur une machine, à adapter à un gaucher un poste à l'emballage pensé pour un droitier, et, plus généralement, à agir sur l'ergonomie. Ce dernier thème a impliqué 160 salariés, soit la moitié de l'effectif, et la totalité des postes a été revue en deux ans », relate Cyrille Tichy.

Le projet, selon son responsable, va, ainsi, plus loin que la classique boîte à idées, pour créer une implication à grande échelle sur des thèmes à fort enjeu.

La lecture n'est pas forcément la même côté syndical. Ni la forme ni le fond ne convainquent Denis Enfert, secrétaire (CGT) du CE de Ferrières. « Le lean, on ne l'a pas vu venir tout de suite. Il a avancé masqué, et c'est l'analogie de plus en plus notable avec ce que rapportaient des conjoints de salariés travaillant chez un équipementier automobile voisin qui a mis la puce à l'oreille, relate-t-il. La méthode confirme, ici, ce que nous en disaient nos recherches d'informations : elle engendre une productivité accrue, une hausse de la charge de travail par salarié, une perte d'autonomie devant la machine. Et, au final, des manifestations grandissantes de mal-être. » Quant à l'adjectif participatif, l'élu CGT l'estime galvaudé : « Les contraintes de départ sont telles que les modifications ne se font qu'à la marge. Le flux tendu, par exemple, ne se discute pas. »

Réticence syndicale

L'avis est moins tranché à la CFDT. « En ergonomie, le projet n'est pas allé aussi loin que nous le souhaitions, mais les chantiers participatifs ont au moins redonné la parole aux salariés pour la première fois depuis longtemps », juge Gabriel Tardy, délégué à Saint-Just, site qui introduit le lean depuis un an. Le syndicat pense qu'avec les années, la « réticence compréhensible au changement » fera place à une plus grande acceptation de la méthode. Du temps, celle-ci en requiert : pour en faire le tour, son précurseur, Toyota, a mis cinquante ans.

UNE CHASSE AU GASPI

Le lean (mince en anglais) consiste à traquer tous les éléments de gaspillage dans l'entreprise par une démarche de «progrès continu». Très répandue dans l'automobile, la méthode vise à éliminer les temps et les gestes inutiles dans un process de production, à optimiser les lignes de fabrication, à réduire les délais de sortie d'un produit, etc.

Le terme renvoie à des concepts tels que les 5S, le flux tendu, le TPM (Total Productive Maintenance) ou la méthode Kaizen - «zéro défaut». Selon Hubert Siegfriedt, dirigeant de Lean Training, le concept « implique d'être mis en place avec beaucoup de méthodologie pour réussir. Et, comme le fait bien Danone, de ne pas céder à la tentation de brûler les étapes ».