Les trajectoires socialement descendantes sont de plus en plus fréquentes dans la France des années 2000. Ce sujet, pour lequel certains ont même inventé le nom de «descenseur social», est cependant difficile non seulement à mesurer mais tout simplement à appréhender. Camille Peugny, sociologue, présente deux grands types de déclassés : les enfants de cadres, eux-mêmes issus d'un milieu populaire, et ceux venant de familles de cadres depuis plusieurs générations. Ces déclassements intergénérationnels sont peu décrits par les chercheurs, car, dans une société qui célèbre en permanence les valeurs de la réussite, construire un discours là-dessus va à l'encontre de nos certitudes progressistes.

Les explications en termes d'accidents individuels ou de défaillance personnelle sont un peu courtes. Les «déclassés» ne sont pas seuls responsables de leur trajectoire. Il faut interroger le rôle de l'école et de la formation, marquée par la massification de l'enseignement supérieur. Comment faire pour éviter un trop grand décalage entre l'évolution de la structure des diplômes et la structure sociale ? Les réponses ne sont pas évidentes, mais il faudra repenser l'articulation entre formation et marché du travail.

Par ailleurs, ce déclassement induit un certain nombre de remaniements concernant les valeurs et les positionnements politiques. Camille Peugny y voit la raison de la «droitisation» de la société française, née d'un sentiment profond de frustration, ou encore le succès du fameux «travailler plus pour gagner plus».

Camille Peugny, sociologue, est enseignant à l'université de Bourgogne.