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Ces SSII qui savent gérer leurs salariés en régie

Les pratiques | publié le : 17.03.2009 |

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Ces SSII qui savent gérer leurs salariés en régie

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Dans le secteur de la prestation informatique, les missions d'assistance technique n'ont pas bonne presse auprès des salariés. Cependant, certaines SSII s'efforcent de gérer au mieux les collaborateurs en poste chez les clients.

Difficile, pour les directions informatiques des entreprises, de se passer de cette main-d'oeuvre flexible que représentent les salariés en régie. Un vivier de ressources qualifiées mises à disposition par les prestataires de services informatiques (SSII) dans les locaux du client pour une durée déterminée. Et généralement facturées en fonction d'un tarif journalier. Mais cette offre historique des SSII, qui flirte avec les délits de prêt de main-d'oeuvre illicite et de marchandage*, est loin de faire l'unanimité dans la profession.

Pour de nombreux informaticiens, qui la qualifient d'ailleurs « d'intérim de luxe », l'assistance technique est surtout un terrain propice aux dérapages en termes de gestion des ressources humaines. Fréquemment mis en cause, l'isolement des collaborateurs en mission longue durée (jusqu'à trois ans), dont le seul lien avec la SSII est un commercial qui n'a guère le temps de s'occuper d'eux. En corollaire, un manque d'encadrement technique du prestataire, qui laisse la main au client, une difficulté d'accès à la formation continue, et une carrière qui stagne.

On relève aussi des pratiques beaucoup plus douteuses telles que la présentation au client de candidats non encore recrutés, les CV «gonflés» ou la sous-traitance en cascade. « Globalement, le suivi des collaborateurs détachés s'est quand même amélioré ces dernières années », tempère Régis Granarolo, président du Munci (Mouvement pour une union nationale et collégiale des informaticiens). De fait, certaines SSII font aujourd'hui leur possible pour concilier le «business» et un réel management RH de leurs salariés en régie.

Un besoin de souplesse de la part du client

« Nous nous sommes rendu compte qu'il fallait valoriser ce type de mission, dont la mauvaise réputation suscitait, chez nos collaborateurs, la crainte que ce poste soit un placard », convient Lise Bohrer, responsable RH de Smile. L'intégrateur de solutions open source, qui compte 270 collaborateurs en France, réalise environ 35 % de ses activités en régie. « Ce n'est pas un choix, insiste-t-elle. C'est une réponse à un besoin de souplesse de la part du client, en fonction du contexte économique. » Dans cette entreprise, tous les informaticiens sont susceptibles d'intervenir sur des missions en régie, qui dépassent rarement trois mois. Chaque intervention fait l'objet d'un bilan qui alimente l'entretien annuel du collaborateur avec le directeur de sa «business unit», chargé des relations RH. « Nous avons un système de primes trimestrielles exceptionnelles, dans une fourchette de 150 à 300 euros, complètement déconnecté du mode de réalisation de la mission », ajoute Lise Bohrer.

Un suivi régulier

Dûment doté d'un ordre de mission, le collaborateur en clientèle est suivi de manière régulière. A la fois par son commercial, qui gère le contrat et la relation client, et par son manager RH, qu'il rencontre une fois par mois. Autre élément charnière du dispositif RH : la formation, en grande partie basée sur le transfert d'expertise des consultants en interne. Avec des sessions proposées de 18 h 30 à 20 heures pour les collaborateurs en clientèle. Une organisation que Smile compte renforcer par un dispositif de e-learning.

Des processus RH intimement liés au modèle économique

Chez D2-SI, tous les consultants - ils sont 25 - font de la régie longue durée. Ce cabinet de conseil en nouvelles technologies, créé en 2006 et spécialisé dans les marchés financiers, a cependant une particularité. Celle d'avoir placé le développement durable au coeur de sa stratégie de développement (lire Entreprise & Carrières n° 944). Impensable donc, pour le cofondateur et directeur associé Laurent Hinault, de démarrer l'activité sans asseoir, d'emblée, la fonction RH. Une exception dans le secteur, où un poste dédié est généralement créé lorsque l'effectif atteint 150 à 200 salariés. L'objectif de Katell Ferec, responsable RH de D2-SI : « Mettre en place un suivi intelligent et efficace des salariés. »

Tout est fait pour développer le sentiment d'appartenance (adhésion au projet d'entreprise responsable, déjeuners mensuels dans les locaux, soirées, newsletter...). Mais les processus RH restent intimement liés au modèle économique de l'entreprise. A commencer par la sélection draconienne des candidats à l'embauche pour répondre aux exigences des clients - et limiter les intercontrats. Tout comme chez Smile, la gestion RH est clairement dissociée de la relation entretenue avec le commercial. A charge, pour ce dernier, de proposer à son poulain une mission qui lui convienne. Et de l'entraîner à réussir son entretien avec le client pour décrocher la prestation. « Cette préparation nous donne l'occasion de vérifier que le profil du consultant convient bien à la mission. De son côté, le collaborateur sait exactement à quoi s'attendre », justifie Laurent Hinault. Parfaitement légitime pour les SSII, la sélection des informaticiens par les clients n'en est pas moins dénoncée par le Munci (lire ci-dessus).

La GPEC, une démarche compliquée en SSII

Le consultant bénéficie, par ailleurs, de deux entretiens par an avec la responsable RH. « J'interroge aussi le responsable d'équipe de l'entreprise cliente : intégration, déroulement de la mission au quotidien, comportement... Ce qui me permet d'évaluer les collaborateurs de manière concrète », précise Katell Ferec. A quand une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ? « La démarche est très compliquée à mettre en oeuvre en SSII, concède Laurent Hinault. Mais nous avons établi une cartographie de nos métiers qui permet aux consultants de se projeter sur les deux ou trois prochaines années. »

* Le délit de marchandage (article L. 125-1 du Code du travail) concerne une opération à but lucratif de fourniture de main-d'oeuvre qui s'avère préjudiciable pour le salarié en éludant l'application à son profit de dispositions légales ou issues d'une convention ou d'un accord collectif de travail. Le prêt de main-d'oeuvre illicite (article L. 125-3 du Code du travail) concerne une opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre, dès lors qu'elle n'est pas effectuée dans le cadre des dispositions du travail temporaire.

Le prêt de main-d'oeuvre en question

Si la régie, autrement appelée assistance technique, tend à perdre du terrain au profit des prestations au forfait avec engagement de résultats, elle constitue encore une part significative - jugée parfois excessive - de l'activité informatique de certaines entreprises, notamment dans la banque ou l'assurance. Selon Régis Granarolo, président du Munci et vice-président du Specis-Unsa (Syndicat professionnel des études, du conseil de l'informatique, de l'ingénierie et des services), « la régie regroupe environ les deux tiers des informaticiens de SSII en clientèle ».

Les jeunes informaticiens y voient l'occasion de se frotter directement à un environnement métier, de gagner en autonomie et de se faire, à terme, embaucher par le client. Mais nombreux sont les professionnels à exposer, sur les forums de discussion spécialisés, une vision beaucoup moins reluisante du métier. Pour Régis Granarolo, une chose est sûre : « La régie est une activité illégale », avance-t-il. Et d'exhumer une réponse très détaillée du ministère de l'Emploi et de la Solidarité à un parlementaire qui demandait, en 1999, un éclaircissement des règles de recours à la sous-traitance (réponse publiée au Journal officiel, le 20 mars 2000).

Mieux encadrer la prestation

Le Munci a, pour sa part, publié une série de propositions visant à mieux encadrer la prestation de service. Si l'interdiction pure et simple des contrats en régie fait débat, Régis Granarolo reste particulièrement critique vis-à-vis du «double recrutement» - entendez la sélection, par le client, du prestataire en régie. « Dans une prestation de service informatique, le client ne recrute pas du personnel, mais achète le savoir-faire de la SSII. Il appartient donc à celle-ci de déterminer l'adéquation des compétences du collaborateur avec le contenu de la mission », soutient-il.

Le rapport Chaudron sur les tiers employeurs, remis à Brice Hortefeux en février dernier, apporte de l'eau au moulin du président du Munci (d'ailleurs auditionné pour l'occasion). Il préconise, entre autres, de « réserver la possibilité de prêt de main-d'oeuvre aux entreprises justifiant d'une expertise et d'une politique de développement des compétences ».

H. T.

L'essentiel

1 Toujours prisée des directions informatiques en quête de flexibilité, la régie reste sur le fil de la légalité.

2 En dépit de pratiques douteuses toujours d'actualité, le suivi des informaticiens en assistance technique tend à s'améliorer.

3 Certaines SSII cherchent résolument à concilier les besoins des clients et une meilleure gestion RH de leurs collaborateurs.

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