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Plans de départs... en formation, en attendant la reprise

Enquête | publié le : 17.03.2009 |

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Plans de départs... en formation, en attendant la reprise

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La formation est aussi une solution alternative aux licenciements et au chômage partiel. Les industriels, qui n'ont pas envie d'être démunis en cas de reprise, en profitent pour faire des mises à niveau, voire anticiper une reconversion partielle sur une nouvelle activité. Seul obstacle : le financement, alors que tous les budgets sont fortement revus à la baisse.

Limiter le recours au chômage partiel est devenu l'obsession des industriels. Une des solutions consiste à envoyer les salariés en formation. « Nous réduisons ainsi le nombre de jours de chômage partiel, a priori d'une à deux semaines par salarié, et nous positivons la crise en renforçant les compétences et, par conséquent, la performance de l'entreprise demain », analyse Frantz Bléhaut, directeur du service du personnel de Michelin, où 3 200 des 14 000 salariés ont déjà connu, en moyenne, quatre jours de chômage partiel en novembre et décembre 2008. Même credo chez Lohr, qui fait notamment du transport d'automobiles. « Nous devons garantir une continuité dans le développement des compétences de nos salariés pour être prêts au moment de la reprise », estime Camille Higel, responsable de la formation dans cette entreprise qui emploie 1 200 personnes sur son site alsacien.

A Saint-Nazaire, suite à l'annulation d'une commande de 750 millions d'euros qui devrait entraîner 100 000 heures de chômage partiel en mars et avril, STX en profite pour former ses salariés à sa future activité. Le chantier compte, en effet, se positionner sur la construction de navires off-shore pour compenser le ralentissement du segment croisière.

Nouvelles compétences

« Pour pénétrer ce nouveau marché, nous avons besoin de nouvelles compétences. Par exemple, nous allons engager quelques-uns de nos 3 000 salariés sur un CQP d'animateur «lean production». C'est une formation de 350 heures. Nous créons aussi des parcours de formation courte en interne, qui, sans déboucher sur une certification, feront l'objet d'une évaluation finale validant la montée en compétences du salarié, par exemple sur les métiers de soudeur-tuyauteur », explique le DRH, Eric Breux.

Anticiper l'avenir des métiers

De son côté, Lohr a adapté son plan de formation 2009 à la nouvelle réalité économique ; 300 personnes vont bénéficier de mesures de formation exceptionnelles. « Nous programmons des modules de développement des compétences d'une durée de 21 heures à 35 heures, mais aussi des formations de reconversion de six à neuf mois. Cela permettra des transferts de personnel depuis des métiers qui resteront durablement en sous-activité vers des métiers en tension. Il s'agit aussi d'anticiper l'avenir de ceux qui devront peut-être quitter la société, si, malheureusement, la crise s'installe pour longtemps », explique Camille Higel.

L'ambition n'est pas la même partout. Chez Renault Sandouville, en Normandie, où la direction propose aux volontaires d'alterner semaines de chômage partiel et semaines de formation, le plan de formation, dit «renforcé», finance des formations plus classiques, comme, par exemple, des permis de conduire de véhicules légers ou lourds ou des permis de cariste. En moyenne, chaque semaine, 150 salariés sont en stage. « L'entreprise rattrape son retard sur son plan de formation 2008. Elle avait encore 40 000 heures à dépenser », affirme Jean-Luc Lefrançois, délégué syndical CFDT.

Formations-actions

Les formations sécurité, santé au travail et qualité sont également monnaie courante. On en trouve chez Michelin. Le fabricant de pneus en profite aussi pour améliorer l'efficacité de ses opérateurs et de ses techniciens sur leur poste de travail, avec des formations-actions. « Dans la formation-action «bib» standard, les opérateurs apprennent à réorganiser leur poste de travail ou leur ligne de production de manière à ce que chacun travaille en sécurité, le plus efficacement possible », explique Frantz Bléhaut. Quant aux formations métier, il s'agit pour l'opérateur, par exemple, de « développer la polyvalence et d'acquérir des compétences de maintenance de premier niveau sur son installation ».

Ascométal, qui vit mal l'effondrement du marché de pièces pour l'automobile, fait partir son personnel en formation sur « des modules difficiles à mettre en oeuvre en période de pleine activité, faute de temps », raconte Denis Lesserteur, délégué syndical CFDT du site d'Hagondange, en Lorraine, qui emploie 700 des 3 200 salariés du groupe. « Nous avons proposé de programmer des modules de formation de 16 à 40 heures par personne, sur les semaines 5, 8 et 13 du premier trimestre 2009, pendant lesquelles la production est arrêtée. » Le syndicaliste évalue entre 100 et 200 le nombre de bénéficiaires de ces formations hydraulique, électrique, mécanique, ou encore sécurité. Ils ont également demandé à Aforest, le centre de formation avec lequel travaille le site, de leur proposer des modules de formation de 16 heures, 24 heures ou une semaine, éligibles au DIF conformément aux dispositions de l'accord de branche de la métallurgie. A charge pour les salariés volontaires d'en faire la demande auprès de la direction.

Préférence pour les formateurs internes

Majoritairement, cependant, les formations sont réalisées en interne, pour un coût moins élevé que celui d'un prestataire externe. Chez Renault, en janvier, sur 1 150 personnes formées, 150 seulement ont été prises en charge par un organisme de formation externe. Michelin fait appel à ses équipes de formation internes, une par site, et à ses collaborateurs experts. « Ce sont des techniciens ou des managers qui viennent en renfort des formateurs internes sur les sites qui en ont besoin », explique Frantz Bléhaut.

Lohr, qui n'a pas d'équipe de formation dédiée, confiera ses formations de reconversion aux organismes avec lesquels elle travaille régulièrement. Pour le reste, l'industriel mobilise une dizaine d'experts, qui, pour la plupart, vivront là leur baptême du feu. « Nous avons demandé à ces collaborateurs, dont l'expertise est reconnue, de créer des contenus pédagogiques et d'animer les modules. »

Car la question cruciale, c'est bien le coût. « Tous les budgets sont serrés, y compris celui de la formation», relève Eric Breux, qui a fait « des demandes à la direction du travail et au conseil régional pour obtenir un financement. Nous espérons aussi que l'Opcaim, notre Opca, fera un effort de financement pour les gros donneurs d'ordre comme nous, qui employons 3 000 personnes et en faisons vivre 10 000 autour. »

Incitation financière

Certains Opca font effectivement des efforts. En Alsace, devançant ses instances nationales, Agefos-PME a estimé qu'une incitation financière serait utile pour « contrer la tendance naturelle à restreindre les départs en formation en période de ralentissement économique ». Il se focalise, essentiellement, sur les entreprises de moins de 50 salariés, et double la prise en charge des frais annexes, jusqu'à 8 euros de l'heure, dans le cadre des formations collectives. Les entreprises de 10 à 50 salariés, identifiées comme les plus fragilisées par la crise, bénéficient, quant à elles, de la prise en charge de la perte de salaire, ainsi que des dépenses annexes aux frais réels.

Prise en charge de 80 % du coût de la formation

Les règles de l'Opcaim, quant à elles, prévoient déjà une prise en charge de « 80 % du coût réel de la formation plafonné à 40 euros de l'heure. Mais nous pourrions revoir ce montant à la baisse si les demandes explosaient, pour en satisfaire davantage », rapporte Henri de Navacelle, responsable formation de l'Opcaim. Il évoque une autre piste à explorer : « On peut aussi réfléchir aux possibilités de partenariat avec les régions. »

Des interventions exceptionnelles des régions

Plusieurs conseils régionaux ont voté des aides exceptionnelles. Leur compétence de formation professionnelle s'exerce classiquement à destination des demandeurs d'emploi. Mais, dans le contexte actuel, certaines ont décidé d'étendre ces interventions aux salariés, généralement ceux de PME-PMI, et autour de projets de formation à forte valeur ajoutée pour les entreprises.

Ainsi, la Franche-Comté, sur une idée du conseil économique et social régional, débloque 1,5 million d'euros en 2009 pour financer « 25 % à 30 % des coûts pédagogiques des formations prévues au plan de formation d'entreprises en phase de réorientation de production ou de baisse d'activité, explique Pascale Schmidt, directrice de la formation. Nous travaillerons avec les Opca afin de vérifier la validité du plan. Pour être éligible, il doit s'agir de formations qui permettent aux salariés d'adapter leurs compétences aux évolutions techniques de l'entreprise ». Sept entreprises ont été retenues pour une première mise en oeuvre expérimentale auprès de 536 salariés, soit 28 126 heures de formation, en partenariat avec l'Opcaim. « Les modules de formation vont de 21 à 140 heures pour un CQPM usinage à commande numérique. »

Accroître les compétences

La région Alsace lance, elle aussi, une aide immédiate d'un million d'euros destinée à la formation des salariés de bas niveau de qualification en chômage partiel, de 3 à 5 euros par heure et par salarié, plafonnée à 150 000 euros par entreprise. Les formations éligibles sont celles visant à accroître les compétences professionnelles, les formations qualifiantes, les actions collectives inter ou intra-entreprises, l'ingénierie de projet, et l'organisation du tutorat. Lohr sera l'une des premières à en bénéficier, avec une prise en charge conjointe région et Opca. « Les formations seront réalisées dans le cadre d'une période de professionnalisation », explique Camille Higel.

M.-P. V.