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Les entreprises tentent d'amortir la crise

Enquête | publié le : 17.03.2009 |

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Les entreprises tentent d'amortir la crise

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A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. En ces temps de crise, les alternatives au licenciement se multiplient : baisse de salaire, chômage partiel, aménagement du temps de travail, mobilité interne... Mais pourra-t-on éviter le tout-licenciement ?

Valeo, Continental Automotive, Caylon, Conforama, Total, Capgemini, HP, Les 3 Suisses, La Redoute... Les réductions d'effectifs se succèdent depuis novembre. Le mouvement s'est même accéléré en début d'année. En janvier, 17 600 demandeurs d'emploi se sont inscrits à Pôle emploi en raison d'un licenciement économique. Sur les trois derniers mois, les plans de sauvegarde pour l'emploi ont bondi de 23,5 %, et chacun, y compris l'exécutif, prévoit une aggravation du chômage pendant « plusieurs mois ». Car, à chaque crise, le premier réflexe est de privilégier la mobilité externe. Un terme politiquement correct pour évoquer les licenciements.

Dans l'esprit des entreprises, l'emploi reste non seulement la variable d'ajustement la plus rentable, mais aussi la plus rapide. A tel point que le Medef plaide pour un nouvel assouplissement des procédures collectives.

Existe-t-il des alternatives au licenciement ? Les entreprises ont-elles tout tenté ? Le gouvernement a pris le dossier en main en organisant, le 18 février, un sommet social. Les mesures annoncées - meilleure indemnisation du chômage partiel ; fonds d'investissement social - devaient permettre d'amortir les secousses. Entre 200 000 et 300 000 emplois pourraient ainsi être sauvés, selon les premières estimations de Laurent Wauquiez, le secrétaire d'Etat à l'Emploi. Mais, pour les syndicats, les annonces ne sont pas à la hauteur des problèmes.

Limiter la casse sociale

Sur le terrain, toutefois, quelques entreprises remettent en question la logique du tout-licenciement. Elles ont décidé de limiter la casse sociale en tentant de recourir à des dispositifs d'amortissement interne. Elles savent que les plans sociaux coûtent cher. Les procédures ont tendance à s'allonger par le recours plus fréquent des comités d'entreprise aux experts-comptables et aux tribunaux. De plus, la législation a changé. En 2009, la loi exige de tout faire pour sauvegarder l'emploi. « Elle impose, par exemple, aux entreprises ou groupes d'au moins 300 salariés, d'engager, tous les trois ans, une négociation sur la GPEC, souligne Sylvain Niel, dans Les cahiers du DRH (1). Celle-ci devait être engagée pour la première fois au plus tard le 19 janvier 2008. A défaut, l'employeur serait bien en peine de démontrer qu'il a accompli tous les efforts de formation et d'adaptation qui étaient en son pouvoir. » Autrement dit, les entreprises doivent, désormais, veiller à maintenir l'employabilité de leur personnel.

Atteinte au moral

Les directions des ressources humaines s'aperçoivent aussi que les coupes brutales dans les effectifs finissent par dégrader leur image et, en interne, par saper le moral des rescapés. D'autant que les entreprises, échaudées par les crises de 1993 et de 2001, lorsqu'elles avaient dégraissé en masse, n'ont pas envie d'être démunies en cas de reprise.

Très tôt, elles ont décidé de proposer des solutions qui ne pénalisent pas leur personnel. Le premier réflexe a consisté à réduire la voilure. Manpower, par exemple, a allégé ses structures. Le nombre d'agences va être ramené de 838 à 635. Cette mesure s'est accompagnée du non-renouvellement de 350 CDD en 2008 et du départ volontaire de 125 personnes en 2009-2010. Renault Trucks, de son côté, a mis un terme au recours à ses 2 500 intérimaires.

Eventail de mesures

Dès le dernier trimestre 2008, les DRH ont, également, essayé de limiter le chômage partiel en jouant sur un éventail de mesures : ils ont liquidé les stocks de RTT, de congés payés, ou utilisé les jours inscrits sur les CET. Les directions ont multiplié les incitations à poser tout ce qui pouvait l'être en congés. Autre mesure radicale : Faurecia a imposé 15 jours de congés pendant la période de Noël à tout le personnel de son siège basé à Nanterre (92). Des congés payés pour les salariés qui avaient encore des jours à prendre ; des congés sans solde, en revanche, pour les autres.

La formation, solution alternative

La formation a également permis de limiter l'impact du chômage partiel. C'est l'option choisie par ArcelorMittal, Michelin, ou encore Bosch, qui ont mis à profit les heures non travaillées pour organiser des formations à la sécurité ou aux risques incendie. Les salariés sont également encouragés à liquider leur DIF, soit un peu plus de 70 heures depuis la création du dispositif, en 2005.

Par ailleurs, le recours au chômage partiel a été assoupli. « Tous les dogmes de l'administration du travail ont sauté, observe Pierre Ramain, directeur de projet chez Altédia, ancien chef de la mission FNE (Fonds national de l'emploi) à la DGEFP (Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle). D'ailleurs, une instruction de la DGEFP du 25 novembre 2008 appelle, ainsi, à « une application dynamique » du dispositif. Les sommes dépensées par l'Etat au titre de l'indemnisation sont parlantes : en 2008, la dépense a représenté 50,5 millions d'euros, dont 30 millions uniquement pour décembre dernier.

Aménagement du temps de travail

Autre solution envisagée : l'aménagement du temps de travail. Déjà, la plupart des entreprises ont supprimé leurs équipes de nuit et de week-end. Elles réfléchissent, aujourd'hui, à une diminution du temps de travail ou à une annualisation. D'autres ont misé sur la réduction des salaires. A l'instar d'IBM, le voyagiste Donatello, spécialiste de l'Italie, a mis en oeuvre une baisse des salaires et du temps de travail.

PSA a, lui, actionné le levier de la mobilité interne. Le groupe automobile a annoncé le redéploiement de 500 personnes des sites de production de Sochaux, Mulhouse, Poissy, Rennes, mais aussi de Trémery ou d'Aulnay vers le centre mondial de logistique et de pièces de rechange de Vesoul (Haute-Saône), qui se porte plutôt bien. De même, 329 postes de Faurecia, à Auchel (Pas-de-Calais), seront transférés vers les sites voisins, Marles-les-Mines ou Hénin-Beaumont, spécialisés dans la fabrication des équipements de la Renault Kangoo, de la Toyota Yaris ou du monospace des constructeurs Fiat, Lancia, ou encore Citroën.

Expérience innovante

Le prêt de main-d'oeuvre fait également son chemin. Schneider Electric tente une expérience innovante. Un avenant à l'accord de GPEC, signé le 30 janvier dernier, a notamment permis de mettre en place des mesures spécifiques permettant aux seniors de prolonger leur activité dans ou hors de l'entreprise, alors même que le poste est supprimé. Concrètement, « les personnes d'au moins 56 ans titulaires d'un emploi menacé, peuvent faire le choix de quitter l'entreprise dans le cadre d'un congé de mobilité de 24 mois. Ce congé permet ainsi aux personnes volontaires de terminer leur carrière en alternant des périodes d'activité et des périodes de non-activité, indique Laurent Haguenauer, directeur de la stratégie sociale France de l'entreprise. L'idée étant de créer un sas de sécurité leur permettant de continuer à exercer une activité jusqu'à la retraite. » Environ 600 personnes pourraient être concernées par ce dispositif, baptisé Dams (Dispositif d'activité missions seniors). Les postes menacés concernent, notamment, les fonctions commerciales, qui voient leurs contours se modifier au profit de davantage de conseil et d'audit.

Ces nouvelles logiques feront-elles école ? Jusqu'où tiendront-elles ? A Auchel, chez Faurecia, les propositions de mobilité intersites sont critiquées. Pour les syndicats, elles ne représentent nullement une garantie d'emploi à long terme. Le 5 mars, les salariés ont cessé le travail et décidé de bloquer l'usine. A Clairoix (60), chez Continental, l'augmentation de la durée du travail n'a pas apporté les résultats escomptés : un an et demi après la signature de l'accord, le groupe a annoncé la fermeture du site pour mars 2010. Mais, dans la plupart des cas, les dispositifs anticrise sont plébiscités. Les salariés de Continental Automative, prêtés à Thales Alenia Space, ont, aujourd'hui, le sentiment d'avoir échappé au pire. Comme ceux de STX, à Saint-Nazaire, ou de Lohr, en Alsace, qui profitent des formations dispensées tous azimuts dans l'entreprise pour gagner en employabilité.

(1) Les Cahiers du DRH, n°150, janvier 2009.

L'essentiel

1 Les entreprises tentent de limiter la casse sociale en proposant des mesures alternatives au licenciement.

2 Car les PSE coûtent cher. Et les procédures sont longues. En 2009, la loi exige de tout faire pour sauvegarder l'emploi. De plus, les entreprises veulent être prêtes pour la reprise.

3 Plusieurs options existent : baisse des salaires, prêt de main-d'oeuvre, chômage partiel, aménagement du temps de travail, suppression du recours aux CDD et aux misions d'intérim, voire, au compte-gouttes, préretraites.

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