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« La loi sur les 35 heures est un formidable amortisseur social »

Enquête | L'entretien avec | publié le : 17.03.2009 |

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« La loi sur les 35 heures est un formidable amortisseur social »

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E & C : Qu'est-ce qui a changé depuis la crise de 2003 en termes de restructurations ? Est-ce plus difficile de licencier aujourd'hui ?

M. R. : La loi de cohésion sociale de 2005 a introduit une nouvelle obligation pour les entreprises, la négociation triennale sur la GPEC. Cette dernière n'a malheureusement pas rencontré un franc succès. La jurisprudence, notamment celle concernant Nextiraone, a poussé les employeurs à lancer ce type de négociation juste avant une restructuration : la GPEC est souvent assimilée, dans certains cercles syndicaux, à la GPSE.

Sur le terrain, pourtant, on se rend compte qu'une bonne gestion prévisionnelle a des avantages indéniables. Une connaissance détaillée des métiers menacés par les évolutions technologiques ou économiques permet de lancer sans attendre des reconversions. Des accords signés hier, c'est-à-dire il y a deux à trois ans, auraient ainsi pu éviter à des entreprises de licencier aujourd'hui. Et ce, malgré la violence de la crise actuelle. Elles n'ont tout simplement pas réussi à mettre en place des indicateurs de surveillance permettant de les alerter le moment venu. Leurs erreurs ? Elles ont négligé les investissements dans l'outil industriel, occulté leur problème de pyramide des âges, ou encore reporté la transmission de compétences d'une génération à l'autre. La formation n'a pas non plus joué pleinement son rôle d'ascenseur social. Les personnels d'exécution ayant été laissés de côté.

E & C : Quels sont les leviers d'action pour les DRH ? Faut-il relancer la RTT défensive ?

M. R. : Le premier amortisseur concerne l'emploi précaire. Les salariés en intérim ou en CDD servent de variable d'ajustement à la crise. Ce sont eux les premières victimes de la récession. D'autant qu'ils sont beaucoup plus nombreux que par le passé. C'est la grande différence par rapport à la crise précédente. En 1991, on comptait 300 000 intérimaires sur le marché du travail. En 2008, ils étaient 700 000. Sur le dernier trimestre 2008, 100 000 emplois temporaires ont été détruits. De même, les CDD se sont multipliés. En 1993, 30 % des contrats de travail étaient d'une durée de moins d'un mois. Aujourd'hui, ce chiffre a doublé. La réduction du temps de travail n'a pas, en revanche, les mêmes effets. Cette mesure irait, d'ailleurs, à l'encontre de l'orientation donnée actuellement par le gouvernement avec la loi Tepa. Les DDTE et les préfets découragent, de fait, les entreprises tentées par ce type de dispositif. Pour autant, la loi sur les 35 heures est un formidable amortisseur social. Les entreprises utilisent à plein leur volant de jours RTT pour repousser le recours au chômage partiel. Les comptes épargne temps se gonflent ou se dégonflent au gré des carnets de commandes. De même, l'annualisation du temps de travail permet d'enchaîner actuellement les périodes basses et de limiter la casse sociale. Ce système est, par exemple, largement utilisé dans le BTP. La RTT opère donc un effet positif pour contrer les effets violents de la crise.

E & C : Que faut-il attendre du plan de relance ?

Parmi les mesures annoncées, le fonds d'investissement stratégique est une bonne chose car il permet aux entreprises en mal de trésorerie d'apporter du cash flow. De même, le contrôle des aides publiques par les comités d'entreprise et leur association à la gouvernance de l'entreprise constituent des mesures utiles, alors que les conseils d'administration n'ont pas joué leur rôle de contre-pouvoir. A l'instar des agences de notation, qui ont montré, avec la crise, leurs limites.

Le fonds d'investissement social, actuellement en gestation, constituera, espérons-le, une concrétisation de la sécurisation des parcours professionnels. Par ailleurs, on n'a pas utilisé tous les leviers publics. Les contrats aidés auraient pu être développés plus massivement. Ils ont plusieurs mérites. Primo, ils permettent de relancer le pouvoir d'achat ; secundo, ce sont des jobs non délocalisables. Tertio, ils permettent d'éviter le drame des moins de 25 ans fortement touchés par la crise. On est en train de fabriquer une génération sacrifiée. Enfin, est-ce également raisonnable de maintenir un départ sur deux dans la fonction publique, notamment dans les hôpitaux, alors que les besoins en personnel sont criants ?