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Essai demande transformation

Enquête | publié le : 17.03.2009 |

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Essai demande transformation

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Expérimenté ici ou là, le prêt de personnel à but non lucratif peine encore à trouver son rythme de croisière. Malgré la souplesse de la formule et son coût dérisoire.

Gérard Bourguenolle est le responsable de la section CFDT de l'entreprise Bobcat, PME de fabrication d'appareils de levage de 350 salariés située près de Saint-Nazaire, en Loire-Atlantique. A l'instar de ses collègues de la CFDT métallurgie, il s'est mobilisé pour proposer des remèdes anticrise à des employeurs en proie à des difficultés économiques chroniques ou passagères. « Dans notre entreprise, le carnet de commandes avait fondu. Pour éviter les désagréments du chômage partiel - et des baisses de rémunération qui en résultent - et un PSE, notre section syndicale a incité notre employeur à prendre contact avec la chambre patronale UIMM (Union des industries et des métiers de la métallurgie) pour organiser du prêt de personnel. Sur notre bassin d'emploi, à proximité et dans un secteur d'activité assez proche, trois entreprises recherchaient du personnel », explique-t-il. Bilan : « La direction nous a promis qu'elle allait les contacter, mais, au final, elle a montré peu d'empressement à le faire alors même que cette pratique de prêt de salarié avait déjà été utilisée il y a quelques années sur notre bassin d'emploi », regrette le syndicaliste.

«Refacturation à l'euro près»

Parmi les méthodes imaginées depuis plusieurs années pour tenter de faire reculer le chômage, le prêt de main-d'oeuvre à but non lucratif, dit «refacturation à l'euro près» (1), tente de reprendre des couleurs ces derniers temps. Non sans difficultés. « La pratique est peu répandue en France, contrairement à d'autres pays, constate Thomas Chaudron, Pdg de l'entreprise Mecanalu (cloisons de bureau) et ancien patron du Centre des jeunes dirigeants (CJD), qui vient de remettre un rapport sur le sujet au ministre du Travail (2). La formule est peu connue et résiste, par ailleurs, à une conception assez franco-française de l'attachement presque familial à son entreprise et sans doute à un déficit d'esprit de mobilité. »

A l'appui de ce constat : le très faible nombre d'exemples concrets en provenance des entreprises des pôles de compétitivité (organismes de recherche, établissements d'enseignement supérieur...) qui, dans le cadre de la loi de finances 2005, ont le droit, jusqu'au 31 décembre 2010, de mettre leurs salariés respectifs à la disposition de chacun d'entre eux.

En réponse à la saisonnalité de l'emploi

Pourtant, les exemples existent. Il y a quelques années, une usine de la société Energizer, un groupe américain spécialisé dans la fabrication et le conditionnement des piles électriques, basée à Caudebec-lès-Elbeuf (l'usine a fermé puis délocalisé ses installations depuis), en Seine-Maritime, avait mis cette formule en place. Non pas pour favoriser des synergies avec les entreprises du territoire, mais pour amortir la saisonnalité de son activité. La DRH avait proposé ce dispositif aux salariés en lieu et place du chômage technique pendant les périodes basses, en janvier et avril. Un cabinet de conseil RH avait même été chargé de rechercher les entreprises intéressées. Concrètement, 25 salariés s'étaient portés volontaires pour des postes quasi similaires au sein de cinq entreprises environnantes (détachement de 2 à 6 mois).

Pour éviter tout souci, des garde-fous avaient été posés : le salarié «prêté» devait percevoir le même salaire et bénéficier de conditions de travail satisfaisantes, Energizer facturant 80 % du coût du salaire, charges comprises, à l'entreprise d'accueil qui avait accepté de prendre en charge les frais supplémentaires de déplacement et d'offrir aux salariés «prêtés» la possibilité de bénéficier d'avantages sociaux. Résultat : lors du PSE suivant, 10 des 25 salariés concernés avaient intégré leur entreprise d'accueil.

Mutualisation de l'expertise

Plus récemment, des initiatives de ce type ont vu le jour dans le bassin d'emploi toulousain, à l'initiative du Réseau d'emploi durable (RED) qui fédère une quarantaine d'entreprises de la région en mutualisant expertises et innovations afin de développer les compétences de leurs collaborateurs (pépinière de seniors). « Des prêts de personnels se sont déroulés entre les sociétés Alcatel et Freescale il y a deux ans, entre Kodak et Areva et, aujourd'hui, entre Continental Automotive et Thales Alenia Space », explique fièrement Corinne Cabanes, directrice du réseau.

Démarche pertinente

DRH de Continental Automative (fournisseur d'électronique et de mécatronique embarquée, 3 700 salariés en France dont 2 500 sur la région toulousaine), Bruno David confirme la pertinence de la démarche. « Nous avons récemment prêté 22 opérateurs sur ligne à la société Thales Alenia Space, qui avait des besoins en la matière, car nous constations une baisse de notre carnet de commandes, explique-t-il. Cela s'est fait tout naturellement dans le cadre du réseau. Je connaissais bien mon homologue et le directeur d'usine. La dimension interpersonnelle - donc la confiance - me semble capitale pour la réussite de ce type d'initiative. Le fait de connaître un autre environnement, d'autres méthodes d'organisation ne peut que renforcer, in fine, leur employabilité et leurs compétences. »

Effort de communication

Selon les spécialistes, les conditions de réussite du prêt de personnel sont les suivantes : déterminer minutieusement le besoin en compétences de l'entreprise receveuse ; communiquer de manière efficace auprès des instances du personnel, des salariés et des managers afin de dissiper toute forme d'inquiétude. « Et, surtout, préparer les salariés au détachement, à la découverte d'un nouvel environnement de travail et aux bénéfices qu'ils vont en retirer », précise Corinne Cabanes.

« Le prêt de personnel me paraît parfaitement adapté à la situation actuelle de menace sur l'emploi. En tout cas, il s'agit d'un outil supplémentaire, souligne Thomas Chaudron, convaincu de la nécessité de poursuivre le développement du concept. En la matière, la logique territoriale me semble plus pertinente que la logique sectorielle. Last but not least, cette démarche ne coûte rien à l'Etat et permet aux salariés des entreprises concernées de développer leurs compétences. »

(1) Le prêt de main-d'oeuvre à but lucratif est illicite lorsqu'il n'est pas effectué dans le cadre du travail temporaire. Il s'agit alors d'un délit pénal (marchandage), sanctionné de deux ans d'emprisonnement et/ou de 30 000 euros d'amende.

(2) Les tiers employeurs, ou comment conjuguer compétitivité et responsabilité dans la France du XXIe siècle.

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