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Non, Sire, c'est une révolution

Enjeux | Chronique de Meryem Le Saget | publié le : 17.03.2009 |

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Non, Sire, c'est une révolution

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Certains pensent que l'on traverse une crise. Avec l'espoir qu'on en finisse vite et qu'advienne enfin la « post-crise », cette période qui permet de revenir à la situation précédente. Je crois que la rupture est plus profonde, elle sous-tend un véritable changement d'époque. Comme lorsque Louis XVI s'interrogeait en entendant les insurgés : « C'est une révolte » ? « Non, Sire, c'est une révolution », lui répondit le duc de Liancourt.

Observez ces signes qui ne trompent guère : aujourd'hui, tout ce qui n'est pas équilibré dans nos vies et dans le fonctionnement de la société remonte à la surface, comme des morceaux d'épave après une nuit de tempête. Il y a, bien sûr, la démesure du capitalisme financier et les excès des banques, mais s'y ajoutent tous les déséquilibres non résolus de nos vies personnelles et professionnelles : les problèmes enfouis pour avoir la paix, les frustrations en tout genre, les tiraillements relationnels, les conflits de valeurs qui nous sautent aux yeux maintenant, alors qu'on les avait tolérés jusqu'à présent... La réalité n'accepte plus les compromis médiocres, chacun se retrouve face à lui-même, en pleine interrogation, avec la soif d'un autre monde ou d'une nouvelle donne. Cette crise n'est pas comme les autres : elle cache une profonde redéfinition de soi et de notre société. En ce sens, elle est porteuse d'avenir.

Les consommateurs changent. Ils ne veulent plus consommer comme avant. Ils réfléchissent, équilibrent leur budget, se soucient du développement durable, évaluent les marques non plus seulement sur la qualité de leurs produits mais aussi sur leurs valeurs et leur engagement sociétal. Centrée sur ses profits, l'industrie automobile mondiale n'a pas vu venir cette révolution silencieuse, alors que tous les signes étaient déjà présents depuis plusieurs années... Les oeillères de l'automobile, chacun les porte peut-être dans son métier, son entreprise, son secteur professionnel, sa vie privée. La crise est une invitation à s'ouvrir, se remettre en cause, faire des choix différents.

En entreprise, les salariés bougent également. Ils veulent être respectés et traités en partenaires. Même s'ils courbent l'échine parce qu'ils ont peur pour leur emploi, ils prennent néanmoins des risques, répondent à leur manager, ne veulent plus accepter n'importe quoi comme de simples exécutants. Ils n'aiment ni se soumettre ni agir sans comprendre. Devant cela, l'autorité ou l'habileté du manager a ses limites : les collaborateurs attendent des actes, de la cohérence, des résultats. Vrai challenge pour le management ! Il faut davantage communiquer, partager, expliquer, faire de la pédagogie, transmettre du sens.

Derrière tout cela, une prise de conscience fondamentale s'éveille : l'importance de la dimension collective. L'ère du « Moi je, ma vie, ma carrière, mon bien-être, ma réussite » touche sa limite. Ce modèle fait deux erreurs : il est centré sur l'individu, dans le style «chacun sa vie», et il considère la personne séparée des autres, coupée de la nature, distincte du reste du monde. Progressivement, nous réalisons que nous faisons tous partie du tout, comme les cellules d'un organisme vivant. Le «moi je» n'est rien sans les autres, les familles, les communautés. Alors, que pouvons-nous construire ensemble ? Quand nos certitudes s'érodent, la place se libère pour l'émergence du nouveau.

Meryem Le Saget est conseil en entreprise à Paris. < lesagetconseil@wanadoo.fr >