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L'outsourcing RH ne connaît pas la crise

Dossier | publié le : 10.03.2009 |

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L'outsourcing RH ne connaît pas la crise

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Aujourd'hui mature, le marché de l'externalisation des ressources humaines demeure centré sur la paie. La conjoncture morose ne semble pas remettre en cause cette tendance de fond. Délestées de tâches rébarbatives, les DRH peuvent se concentrer sur leur coeur de métier.

Erik Sabatier, directeur général de Cegedim SRH, en est persuadé : « L'externalisation RH va bénéficier de la crise. » Il n'est pas le seul à le penser. « Les demandes fusent dans tous les sens, y compris dans le secteur financier, on ne s'y attendait pas », rapporte Fabrice Bühler, directeur du développement du spécialiste de solutions RH NorthgateArinso France.

En 2008, 45 % des entreprises interrogées (1) par la société d'études et de conseil Markess International ont franchi le pas de l'externalisation RH, soit une croissance de 12 % du nombre d'adeptes par rapport à 2007. D'ici à 2010, parmi les entreprises qui en sont au stade de la réflexion, plus d'une sur deux devrait recourir à des prestations d'externalisation. La paie reste le premier domaine «outsourcé», devant l'administration du personnel, la gestion des temps et des activités, le recrutement et la formation.

Un niveau de pratique élevé

Selon l'enquête Grant Thornton/Ifop 2008 (2) sur l'externalisation des fonctions comptable et financière, paie et ressources humaines, 24 % des entreprises ont déjà externalisé ces deux dernières fonctions ou sont en train de le faire. « C'est un niveau de pratique qui demeure fort et qui concerne, en premier lieu, l'industrie et le BTP, et davantage les grandes entreprises que les petites », commente François Pons, directeur général de Grant Thornton.

60 % des demandes

« Le développement du marché de l'externalisation est une tendance continue depuis dix ans », affirme Thomas Chardin (3), responsable des offres externalisation d'ADP, le leader du marché français. Autre signe révélateur : « Il y a une dizaine d'années, nous recevions un appel d'offres sur dix qui traitait du sujet ; aujourd'hui, ce thème représente 60 % des demandes », souligne Yves Benezech, directeur outsourcing de HR Access Solutions.

Le marché français s'établit à 510,3 milllions d'euros en 2007, avec des perspectives de progression à 563 millions d'euros en 2008 et à 610 millions d'euros en 2009, d'après le cabinet Pierre Audouin Consultants (PAC). ADP représente 44 % du marché. Viennent, ensuite, IBM (5 %), Sopra Group (3 %), Logica (3 %), et Cegedim-SRH (2 %).

Pourquoi les entreprises franchissent-elles le cap ? L'objectif économique de baisse des coûts, sans cesse asséné par les directions générales, est bien sûr renforcé par la crise. En 2008, « la réduction des coûts est devenue le premier des avantages perçus, avant le respect de la réglementation et l'accès à des compétences spécialisées, un tiercé totalement inversé par rapport à 2007 », étaye François Pons. Le retour sur investissement (ROI) se situe dans une fourchette de 15 % à 30 %. L'économie est réalisée grâce à la mutualisation des moyens par un prestataire spécialiste du sujet.

Une maîtrise financière plus simple

Yves Benezech cite le cas d'un client qui a économisé 50 000 euros par mois grâce à l'externalisation de son processus de paie. Des erreurs de paramétrage, faute de bien maîtriser le dispositif Fillon d'allègement de charges sur les bas salaires, avaient été commises en interne. « Avec l'externalisation, la maîtrise financière est plus simple, abonde Véronique Montamat, directrice marketing de la division solutions ressources humaines de Sopra Group. Nous affichons un prix au bulletin de paie. Demain, si les effectifs gérés varient, l'entreprise sait à quoi s'attendre car le prix est corrélé au nombre de salariés. »

Réduction des coûts, certes, mais la transition vers l'outsourcing implique une mise financière initiale. A cet égard, la crise entraîne une pression sur les prix et un rallongement des cycles de décision. « Les entreprises ne veulent pas monter de dossiers d'investissement trop lourds, indique Fabrice Bühler. La moitié de nos clients nous demandent, d'ailleurs, de jouer les banquiers. Nous leur répondons au cas par cas. »

Toutefois, le facteur coût n'est pas explicatif à lui seul du choix de l'externalisation. Cesar Campana, responsable des services d'externalisation des processus RH chez IBM GTS, relativise : « Je n'ai jamais vu un projet d'externalisation se faire uniquement pour des raisons d'économies. Nos clients souhaitent, avant tout, améliorer le pilotage d'un processus partout dans le monde avec la même plate-forme technologique. » En effet, le bénéfice opérationnel est largement mis en avant par les entreprises. Elles se débarrassent de tâches administratives, répétitives et chronophages, et délèguent à leur prestataire le suivi d'un contexte législatif mouvant. « Plus de 200 évolutions légales par an impactent la paie, c'est difficile à suivre ! », a calculé Thomas Chardin. « De plus en plus d'entreprises nous confient, avec la paie, la gestion des temps, car les compteurs deviennent trop complexes à gérer », indique Véronique Montamat.

Recentrage

Grâce à cette délégation, les DRH se recentrent sur des missions à plus forte valeur ajoutée et peuvent utiliser des outils décisionnels leur fournissant des indicateurs sociaux. « Nous préparons pour nos clients les données sociales qui leur sont nécessaires pour dialoguer avec les syndicats », avance David Thirache, directeur de la stratégie et de l'offre chez Cegedim SRH. Ils disposent, ainsi, d'outils de reporting qui leur permettent d'identifier les postes qu'il faut supprimer en cas de plan social, mais aussi d'anticiper sur l'évolution future de l'organisation.

En matière de recrutement, par exemple, Bruno Demarquay, directeur général de RH Facilities, filiale d'Adecco spécialisée dans l'externalisation du recrutement, de la gestion de l'intérim, de l'évaluation des candidats et de la mobilité interne, considère qu'elle permet aux DRH d'avoir une vue globale de ce processus, afin de l'homogénéiser.

Enfin, « avec les outils dédiés à la gestion des talents - qui regroupe le recrutement, la mobilité, les objectifs, les évaluations, les plans de succession, la gestion des carrières, la formation -, le DRH peut savoir sur quel poste un salarié pourra évoluer », explique Stéphane Amiot, directeur France de Taleo, éditeur spécialiste du sujet. « Nous sentons un engouement pour le «talent management» et la gestion des compétences, confirme Fabrice Bühler. Même si ce sujet passe au second plan avec la crise. »

Des retours en arrière

Pour autant, les entreprises sont-elles prêtes à aller jusqu'à l'externalisation totale d'une fonction métier ? Sont-elles adeptes du BPO (Business Process Outsourcing) ? « De plus en plus d'offres se mettent en place, mais le mouvement est lent », observe Eric Ménard, directeur Business applications du cabinet Pierre Audoin Consultants (PAC). C'est une tendance forte aux Etats-Unis, mais en France, très peu de groupes y sont passés, sauf en matière de paie. D'ailleurs, certains parmi ceux qui s'y étaient essayés sont revenus en arrière, comme Michelin, Carrefour, ou la ville d'Issy-les-Moulineaux. La difficulté étant d'adapter le curseur de la délégation de responsabilité.

Conserver l'expertise

« Certaines entreprises se sont rendu compte de la nécessité de garder une partie de l'expertise en interne, notamment pour la négociation avec les partenaires sociaux et la maîtrise du climat social. Ainsi, le BPO total paraît peu adapté au marché français. Le risque est de laisser partir leur savoir », souligne encore Véronique Montamat.

L'externalisation poussée à l'extrême peut aussi être source de dégâts sociaux. Alors, quid des équipes en place ? « L'externalisation s'accompagne d'une réaffectation des ressources humaines, explique Philippe Adalbert de Martaizé, associé de la société de conseil KSA (Kurt Salmon Associates), soit vers le fournisseur, soit en interne. » Quand les personnels sont repris par un prestataire, « ils ont des opportunités d'évolution de carrière plus grandes, car ils se retrouvent dans une structure dédiée à leur métier », ajoute Stéphane Adnet, directeur associé du cabinet de conseil en ressources humaines Merlane.

En interne, un collaborateur pourra évoluer sur des tâches à plus haute valeur ajoutée, à condition d'y être formé, participer au contrôle de la fonction externalisée et à la rédaction du cahier des charges. Il est aussi possible que la démarche coïncide avec des départs en retraite. Le papy-boom est un autre facteur favorable à l'externalisation.

(1) Echantillons cumulés de 860 entreprises interrogées depuis 2006, dont 240 en 2008.

(2) Enquête Ifop menée du 26 juin au 7 juillet 2008 sur un échantillon de 703 dirigeants d'entreprise.

(3) Auteur, avec Patrick Bouvard, de l'ouvrage Externalisation RH, guide pratique et questions clés, éditions d'Organisation, 2008.

L'essentiel

1 Le marché français de l'outsourcing RH s'établit à 510,3 millions d'euros. Dominé par la paie, il s'ouvre à la formation, au recrutement et à la gestion des compétences.

2 Les entreprises retirent de nombreux avantages de l'externalisation : gains financiers, veille sur les évolutions légales, accès à des compétences pointues et meilleur pilotage de leurs processus RH.

3 Elles n'en demeurent pas moins vigilantes quant au périmètre et aux responsabilités délégués. On externalise bien que ce que l'on maîtrise bien.

Externalisation, infogérance... De quoi parle-t-on ?

L'usage du terme d'externalisation ou outsourcing prête parfois à confusion. Pour la plupart des experts, l'externalisation consiste à recourir à un prestataire externe pour la prise en charge partielle ou totale d'une application, d'un processus ou d'une fonction.

Il existe donc différents degrés d'outsourcing, du simple outil à la fonction elle-même.

Panorama de ce que peut recouvrir ce terme :

> Les solutions en mode ASP permettent d'accéder à des applications RH via Internet.

> La tierce maintenance applicative (TMA) consiste à confier à une société extérieure la maintenance technique et évolutive d'une application.

> L'infogérance revient à confier la gestion des infrastructures techniques et applications RH (systèmes informatiques dédiés à la paie, au recrutement, à la gestion des temps et activités, à la formation, aux carrières, etc.)

> L'hébergement consiste à confier à un partenaire extérieur des machines sur lesquelles sera lancée, par exemple, la production des bulletins de paie.

> Les services de traitement sont des activités spécifiques confiées à un prestataire, comme, par exemple, la saisie des variables de paie, en incluant la veille légale.

> Le Business Process Outsourcing (BPO), ou externalisation totale, implique la délégation complète d'un ou de plusieurs processus. L'entreprise confie à son partenaire l'ensemble d'un métier.

Les différents degrés d'outsourcing

Externalisation totale

Externalisation partielle

Services de traitement

Infogérance d'applications

BPO

TMA

Hébergement externe d'application

Solution en mode ASP

Métier

Technique

La vogue du modèle SaaS

Les entreprises qui externalisent leur paie ou une autre fonction RH sont friandes de solutions en mode Saas (Software as a Service). Il s'agit d'applications en ligne à la demande. L'entreprise loue l'accès à un service et se libère, ainsi, de la contrainte d'une gestion d'un système informatique en interne.

Selon une étude de Markess International, présentée le 24 février dernier, 38 % des entreprises et administrations interrogées* indiquent que la crise économique actuelle devrait accroître leur recours à de telles solutions ; 66 % évoquent une augmentation du budget qui leur sera consacré d'ici à 2010.

Les atouts mis en avant le plus fréquemment sont :

> la facilité d'accès aux applications, le plus souvent via un simple navigateur web ;

> la possibilité d'accéder à distance aux données et la réponse à la dispersion géographique pour les organisations multi-sites ;

> un retour sur investissement rapide ;

> un temps d'implémentation réduit comparativement à d'autres solutions ;

> l'amélioration de la productivité ;

> la volonté de partage et de collaboration en réseau.

V. L.

*L'étude Atouts et bénéfices du modèle SaaS/on demand a été conduite en décembre 2008 et janvier 2009 auprès de plus de 270 entreprises et administrations et de 180 prestataires.

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