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Les entreprises mettent leurs salariés au vert... pâle

Enquête | publié le : 03.03.2009 |

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Les entreprises mettent leurs salariés au vert... pâle

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Après s'être saisies des enjeux sociaux de la RSE - diversité et égalité notamment -, les entreprises commencent à mettre leurs salariés au vert. La plupart en sont au stade de la sensibilisation aux enjeux environnementaux : challenges internes, communication, écogestes... Quelques pionnières vont plus loin avec des plans de déplacement, un intéressement vert, un bilan carbone et, parfois, revisitent leur modèle économique.

Garer sa voiture de fonction à moteur hybride sur le parking de l'entreprise ; prendre garde durant la journée à limiter sa consommation de papier et d'énergie - des stickers collés près des interrupteurs sont là pour rappeler ces écogestes - en outre, c'est l'un des critères collectifs de la prime d'intéressement ; rédiger une note de frais en double comptabilité - euros et carbone ; assister à la demijournée de formation aux enjeux environnementaux prévue pour les nouveaux embauchés ; renseigner les volets de l'évaluation annuelle qui portent sur le développement durable ; revoir avec les managers concernés le dossier de l'écoconception pour l'ensemble de la gamme et les opportunités de marché pour des produits verts... Ah ! oui ! Ne pas oublier l'écochantier prévu avec les collègues volontaires et organisé par l'entreprise ce week-end au profit d'une association. A peine un an après le Grenelle de l'Environnement, toute ressemblance avec la semaine de travail d'un cadre supérieur d'entreprise française est encore bien peu probable.

Le volet «vert» ignoré

Rendez-vous dans quelques années ? En effet, le volet «vert» de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) ne fait pas, pour l'heure, l'objet d'une vaste mobilisation des salariés, ni d'une réflexion stratégique des entreprises. « Pour une très grande majorité des sociétés du CAC 40, la sensibilisation et la formation des salariés ne sont toujours pas présentées comme stratégiques dans le déploiement de leur politique de développement. L'intégration du développement durable aux systèmes de management reste rare et ne concerne que les entreprises les plus matures dans leur stratégie », constatent Novethic et le cabinet spécialisé Des enjeux et des hommes, après avoir analysé les rapports de développement durable 2007 des plus grandes entreprises françaises cotées (*).

Début de prise de conscience

Sylvie Padilla, responsable du département activités économiques de l'Ademe, se montre un peu plus optimiste : « Une prise de conscience citoyenne a commencé dès avant le Grenelle de l'Environnement. Des actions ont été multipliées dans les écoles, des informations ont été dispensées aux particuliers sur le changement climatique et le coût de l'énergie. Cette sensibilisation peut se croiser avec celle que mettent en oeuvre des entreprises de plus en plus nombreuses. » Le site de l'Ademe, qui informe les entreprises sur les modalités de réduction de consommation d'énergie et met à leur disposition ses délégations régionales, recense, d'ailleurs, un nombre croissant de pratiques.

Futurs écocitoyens

Certes, en ordre dispersé et en intégrant rarement les pratiques à leur stratégie, certaines entreprises s'efforcent, ainsi, de faire de leurs salariés des écocitoyens. Diverses approches sont privilégiées dans ce cas :

> la sensibilisation aux économies d'énergies et aux «éco-gestes» quotidiens (éteindre son ordinateur, la lumière, limiter l'utilisation du papier...) ;

> des challenges et appels à l'initiative, boîtes à idées, comme aux premiers temps de la démarche qualité. Cette chasse au gaspi est parfois ancienne, à l'instar de l'entreprise Yves Rocher, où des groupes de progrès mesurant l'implication des collaborateurs dans la réduction des consommations énergétiques ont été mis en place dans les usines et les sites administratifs dès 1990 ;

> réflexion sur les déplacements des salariés, qui se traduit par la promotion de moyens de transports alternatifs : vélos électriques, covoiturage, flotte d'entreprise moins polluante, aides aux transports publics, voire mise en oeuvre plus globale d'un plan de déplacement des salariés (PDE, lire p. 31). Le covoiturage peut aussi être appliqué à grande échelle. BNP Paribas propose à ses 60 000 salariés français un site dédié depuis le 19 janvier.

Critères de développement durable

Les entreprises pionnières dans ces domaines sont parfois allées plus loin, en traduisant, par exemple, les objectifs d'économies d'énergie en critères de l'intéressement des salariés, comme Bruneau ou Sojinal (lire Entreprise & Carrières n° 925 et n° 931). EDF a aussi signé un accord, en juin dernier, qui privilégie des critères de développement durable, notamment environnementaux (économies d'énergie, mise en oeuvre de PDE sur les sites, taux de valorisation des déchets, connaissance des valeurs éthiques du groupe...).

Concernant l'empreinte écologique, en particulier pour les entreprises du secteur tertiaire, où les déplacements du personnel sont déterminants, quelques avant-gardistes ont anticipé sur l'obligation de réaliser un bilan carbone, à dater de 2011 pour les entreprises de plus de 500 salariés, telle qu'elle apparaît dans le projet de loi Grenelle 2, qui sera discuté en mars au Parlement.

Prise en compte des rejets de CO2

C'est le cas de Nature & Découvertes, dont le souci de l'environnement fait presque partie de la raison sociale. Un outil Excel de réalisation des notes de frais est paramétré pour traduire les trajets effectués en rejets de CO2, selon le mode de transport utilisé. « Il s'agit d'une sensibilisation, mais elle a permis de réduire significativement notre CO2 », explique Anne- Laure Marchand, responsable du bilan environnemental de l'enseigne, qui, contrairement à quelques autres, n'a pas imposé de contraintes sur les modes de transport utilisés en fonction des distances. Sensibilisation encore, par l'exemple cette fois, avec des dirigeants et des chefs de service qui disposent pour véhicules de statut, non pas de puissantes et gourmandes allemandes, mais de Toyota Prius hybrides (fournies par GE Fleet, société qui, pour une part de son activité, prospecte depuis quelques années le petit marché des flottes vertes).

Réseau vert

Par ailleurs Nature & Découvertes a mis en place un «réseau vert», constitué de salariés volontaires, dans les magasins, au siège, dans les entrepôts, pour sensibiliser tout au long de l'année clients et collègues. Ils sont aussi responsables des visites aux différents projets de la Fondation de l'entreprise et des contacts avec les associations partenaires. Une responsabilité primée. La société décline aussi des formations en interne sur le sujet et a associé, en partie, une prime d'intéressement au renouvellement des certifications ISO 14001, de management environnemental, sur tous ses sites.

Patrons «éclairés»

Ce type d'approche globale, qui fait de la préservation de l'environnement un axe de la stratégie de l'entreprise, reste l'apanage de quelques patrons «éclairés». La démarche globale peut être complétée de façon spectaculaire dans des structures modestes, plus réactives. C'est ainsi qu'une SSII d'une trentaine de personnes, D2SI (lire p. 29), peut travailler sur son bilan carbone, former ses consultants, s'investir dans des écochantiers, et même s'efforcer de faire un peu de prosélytisme auprès de ses clients. De la même façon, le magasin franchisé Leclerc de Pont-Labbé (29) emploie tous les leviers à sa disposition (vélos électriques pour les salariés, producteurs locaux et bios, déplacements professionnels privilégiant les modes de transport les moins polluants...).

Sauf exception, le changement de culture sera bien plus long dans les grandes entreprises. « Le travail de sensibilisation est loin d'y être achevé, constatent Agnès Rambaud et Thierry Marneffe, du cabinet Des Enjeux & des Hommes. La formation des managers et des collaborateurs est encore insuffisante, peut-être par mésestimation des enjeux du changement des pratiques professionnelles, peut-être également par manque d'implication des directions des ressources humaines... »

Logique d'opportunité

Si elles ne sont pas seules en cause, les DRH seront déterminantes pour aider l'entreprise à sortir d'une simple gestion du risque environnemental, pour se diriger vers une logique d'opportunité liée à la transformation des métiers. Soit à « sortir du rouge par le vert », selon une formule qui a fait florès. Chez Philips, par exemple, on a décidé de réaliser près du tiers du chiffre d'affaires grâce à des produits verts d'ici à cinq ans.

(*) < www.novethic.fr/novethic/upload/etudes/CAC40_formation_RSE_2009.pdf >

L'essentiel

1 Même si quelques entreprises prennent des initiatives en matière d'environnement, peu d'entre elles en font un élément de leur stratégie.

2 Les RH sont peu mises à contribution, et le développement durable ne fait pas partie des critères de l'évaluation individuelle ou de l'intéressement.

3 Les pratiques les plus développées concernent les déplacements des salariés, leur sensibilisation aux enjeux du développement durable et aux écogestes. La réflexion stratégique sur l'évolution des métiers semble encore loin.

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