Dix jours après les attentats du 11 septembre 2001, l'annonce d'une puissante explosion à l'usine AZF de Toulouse peut-être due à un attentat était alors impensable pour le président de la République Jacques Chirac. L'éventualité de cette attaque terroriste était tellement insupportable pour les conséquences financières et sociales qu'elle risquait d'entraîner, que l'enquête fut, pour ainsi dire, close avant même d'être commencée. Ainsi, trois jours après l'explosion de l'usine - c'est-à-dire au tout début de l'enquête -, revenant non pas d'une séance de travail, mais de week-end, le procureur de la République assurait déjà qu'il privilégiait la piste accidentelle « à plus de 90 % ».

L'enquête s'oriente donc vers la négligence humaine et la responsabilité de Total auquel appartient AZF. La catastrophe, qui a causé la mort d'une trentaine de personnes, blessé des centaines d'autres, et dont Toulouse finit à peine de réparer les derniers stigmates, a peut-être, en effet, été provoquée par la vétusté du site chimique. Mais il semble acquis pour les deux auteurs, journalistes d'investigation, qu'elle ne s'y réduit pas. Après leur enquête, qui aura duré sept ans, ils constatent un certain nombre d'éléments troublants ne rendant pas déraisonnable l'hypothèse de l'attentat, à tout le moins, celle d'un sabotage : enquête bâclée, écartant d'emblée certaines hypothèses, enquêteurs ayant quitté la police de crainte de représailles s'ils parlaient... Une seule chose semble acquise pour les deux journalistes : la piste officielle de l'accident ne tient pas devant les faits et les témoignages. De quoi alimenter le débat autour du procès AZF qui vient de s'ouvrir.

Franck Hériot est journaliste d'investigation.

Jean-Christian Tirat est journaliste toulousain. Il suit le dossier AZF depuis septembre 2001.