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Comment font nos voisins européens ?

Les pratiques | publié le : 24.02.2009 |

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Comment font nos voisins européens ?

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Meilleure indemnisation du chômage partiel, coup de pouce à la formation et primes à la création d'emplois... Partout en Europe, les plans de relance proposent, outre des aides au niveau macroéconomique, des mesures plus ciblées sur l'emploi pour contrer l'envolée du chômage.

Partout en Europe, les gouvernements tentent d'endiguer la montée grandissante du chômage. La Commission européenne prévoit, en 2010, un taux de chômage au-delà de la barre des 10 %, pour la première fois depuis dix ans. Les mauvaises nouvelles se sont accumulées ces dernières semaines. En Grande-Bretagne, le grand magasin Woolworths, qui vient de fermer, a laissé sur le carreau plus de 22 000 personnes. Chez Barclays, plus de 4 000 emplois ont été supprimés. En Espagne, les mastodontes industriels Sony, Pirelli, Roca, Nissan, ou encore Renault, ont tous licencié massivement. Au total, ce sont 200 000 emplois espagnols qui ont été détruits en janvier dernier. En Italie, la crise pourrait entraîner la suppression de 600 000 à 900 000 emplois, selon les sources, au cours des prochains mois. Côté français, le nombre de chômeurs en catégorie 1 est repassé, en octobre, au-dessus de la barre symbolique des deux millions, pour la première fois depuis avril 2007. Pour tenter de contrer la récession, les gouvernements ont largement joué sur tout un éventail de mesures : aides directes à l'embauche ; meilleure indemnisation du chômage partiel et extension du nombre d'heures indemnisées ; coup de pouce pour la formation et la réinsertion.

Pas de miracle attendu

Quel sera l'impact de ces plans de relance ? Une enquête de BPI, «Les managers face à la crise» (1) lancée avec l'Institut BVA, vient de sonder l'état d'esprit de 8 000 managers dans quatorze pays. Dans leur majorité, ils estiment que les politiques menées au niveau de leur Etat ne feront pas de miracle. Ce sont les Espagnols qui sont les plus pessimistes, avec 74 % d'avis négatifs, suivis de près par les Français (70 % d'avis défavorables), contre 60 % en moyenne. A l'inverse, les Anglais et les Allemands croient davantage à leur politique gouvernementale. Toutefois, le renforcement du rôle de l'Etat apparaît légitime, malgré la relative prudence affichée sur l'efficacité économique. Dans tous les pays, ce renforcement du rôle de l'Etat (durable ou temporaire) est accepté sans réticences par plus de trois managers sur quatre.

A la question : «La crise va-t-elle entraîner des changements ?», les managers répondent par l'affirmative. 90 % estiment que la crise va changer les règles de fonctionnement de l'économie de marché et les modes de régulation de la finance internationale. A noter, également, que 25 % des managers pensent qu'elle va modifier de manière durable les méthodes et outils de management dans l'entreprise ainsi que les pratiques de consommation.

(1) Enquête internationale réalisée dans 14 pays du 8 au 17 décembre 2008.

Allemagne : une stratégie centrée sur le chômage partiel

A environ huit mois des élections législatives fédérales, le gouvernement d'Angela Merkel, qui lutte pour sa réélection, est plus déterminé que jamais à aider au maximum les entreprises allemandes à maintenir leurs effectifs en dépit de la crise économique mondiale et à lutter contre toute remontée massive du chômage. Il faut dire que le nombre de chômeurs avait, jusqu'en décembre 2008, reculé d'une façon impressionnante, passant de 5 millions fin 2005 à moins de 3 millions fin 2008.

Préserver l'emploi

Dans le cadre de son second plan de relance, d'une ampleur historique, voté le 13 février par le Bundestag, la grande coalition a, ainsi, adopté une série de mesures pour préserver l'emploi qui visent essentiellement à rendre les mesures de chômage partiel encore plus attractives. Car, selon la chancelière, le chômage partiel présente un double avantage : il permet aux salariés de conserver leur emploi et aux entreprises de garder leur personnel déjà formé, un avantage concurrentiel de taille dans le contexte de pénurie croissante de main-d'oeuvre qualifiée. « Le personnel qualifié se fera de plus en plus rare. Il serait hasardeux que les entreprises licencient aujourd'hui les spécialistes dont elles auront besoin une fois la crise achevée », a souligné Angela Merkel. La grande coalition poursuit également un autre but : le temps libéré par les mesures de chômage partiel doit être mis à profit par les entreprises pour des efforts de formation. Objectif : que l'Allemagne ressorte « plus forte de la crise qu'elle ne l'était auparavant ».

Première mesure déjà prise dans le premier plan de relance : la durée légale du chômage partiel a été portée de 12 mois à 18 mois au 1er janvier 2009. Pendant cette période, l'Agence fédérale pour l'emploi (BA) indemnise le salarié au chômage partiel à hauteur de 60 % du salaire net (et de 67 % avec au moins un enfant).

La moitié des cotisations sociales prises en charge

Dans son second plan de relance, la grande coalition est allée plus loin : l'Agence fédérale pour l'emploi prendra en charge, en 2009 et 2010, la moitié des cotisations sociales payées jusqu'alors uniquement par l'employeur dans le cas des mesures de chômage partiel. Il s'agissait là de l'une des principales revendications de la Fédération des employeurs allemands (BDA), qui avait averti que le dispositif du chômage partiel sous sa forme actuelle revenait trop cher aux entreprises.

Pour promouvoir la formation continue, le gouvernement Merkel a également décidé que l'Agence fédérale pour l'emploi rembourserait à l'employeur l'intégralité des cotisations sociales contre un engagement de formation de l'entreprise. Ces mesures, qui devraient coûter à la BA environ 2,1 milliards d'euros en 2009 et 2010, s'adressent à toutes les entreprises indépendamment de leur taille, ainsi qu'aux intérimaires.

Enfin, la grande coalition s'est engagée à ramener, au 1er juillet prochain, à 14,9 % le taux de cotisation maladie (qui avait été relevé, au 1er janvier, à 15,5 %) et à stabiliser à 2,8 % le taux de cotisation chômage au moins jusqu'à fin 2010. Si l'Agence fédérale pour l'emploi n'arrivait pas à tenir ce dernier engagement, elle bénéficierait automatiquement d'un prêt de l'Etat fédéral.

MARION LEO, À BERLIN

Pays-Bas : mesures sociales en faveur des entreprises en difficulté

Echaudé par les licenciements subis, annoncés coup sur coup à l'automne dernier par les constructeurs DAF et NedCar, La Haye a, depuis, pris des mesures concrètes pour limiter la casse sociale au sein des entreprises néerlandaises fragilisées par le ralentissement économique. Inquiet face à la prévision d'un taux de chômage susceptible d'augmenter de 2 % pour atteindre 4,8 % d'ici à la fin de l'année, voire 6,5 % en 2010, au moment où une récession de l'économie batave se profile, le gouvernement néerlandais a mis en place un système d'indemnisation du chômage partiel pour une période temporaire. Le principe est d'autoriser les entreprises en difficulté à réduire le temps de travail de leurs salariés à temps plein, qui pourront bénéficier ipso facto d'allocations chômage sans perdre leur emploi. Au niveau des conditions, seules les entreprises accusant une chute de 30 % de leur chiffre d'affaires en l'espace de deux mois sont autorisées à mettre en place cette réduction de temps de travail encadrée. Par ailleurs, elle ne peut concerner au maximum qu'un tiers des employés. La durée de cette mise au chômage partiel ne peut excéder six mois.

Pour preuve des difficultés grandissantes touchant le tissu des entreprises néerlandais, le système, qui ne devait fonctionner que jusqu'au 1er janvier, a été prolongé jusqu'en mars. De fait, l'enveloppe de 200 millions d'euros qu'avait réservée le gouvernement pour cette mesure, sera largement dépassée.

Surtout dans l'industrie

Fin janvier, le système d'assurance chômage avait déjà réglé 454 950 heures de travail à des salariés tombés sous ce régime de chômage partiel. Au total, 422 entreprises ont, jusqu'à présent, demandé à bénéficier de ce régime. Le gros d'entre elles relève du secteur industriel, comme les entreprises métallurgiques Corus et Stahl Europe, ou du secteur chimique (filiales néerlandaises de Sabic et de DuPont).

Ce système de mise au chômage partiel est la seule mesure concrète spécifique prise par La Haye au niveau de l'emploi pour lutter contre les effets de la conjoncture adverse. Aucune aide de nature fiscale ou autre n'a, par ailleurs, été débloquée en faveur des entreprises.

DIDIER BURG, À AMSTERDAM

Espagne : 3 000 projets pour 280 000 emplois

En Espagne, le gouvernement a surtout lancé des mesures pour réactiver l'économie. La mesure phare, dont le président du gouvernement, José Luis Rodriguez Zapatero, attend beaucoup, concerne un plan de 8 milliards d'euros, destinés aux mairies. Pour l'instant, 8 107 communes se sont inscrites pour lancer 30 000 projets. Le gouvernement estime que ces projets pourraient générer 280 000 emplois. Cela peut paraître beaucoup mais, au regard de la vitesse de destruction des emplois (près de 200 000 en janvier dernier), ces aides seront probablement une goutte d'eau.

Les autorités réfléchissent en tout cas à d'autres mesures pour encourager la création d'emplois. Le gouvernement étudie une mesure plutôt originale : transformer l'indemnité que reçoit un chômeur en une bonification pour une entreprise qui l'embaucherait. Concrètement, le demandeur d'emploi devrait être au chômage depuis trois mois et les entreprises devraient s'engager à maintenir le poste de travail.

Reste à savoir si le patronat et les syndicats seront d'accord ou non. Car, pour l'instant, chacun y va de sa proposition. Le patronat, secondée par la Banque d'Espagne, a remis sur la table l'une de ses revendications historiques : la création d'un contrat «de crise», où l'indemnisation de fin de contrat coûterait moins cher, 20 jours environ contre 45 actuellement. Mais José Luis Rodriguez Zapatero a été très clair, il n'est pas question d'imposer une telle mesure.

Protection sociale des chômeurs

En attendant, le chef du gouvernement, très préoccupé par la situation des plus de trois millions de chômeurs, s'est engagé à approuver une réduction des dépenses courantes de l'Etat en 2009 de 1,5 milliard d'euros pour augmenter la protection sociale des sans-emploi. Pour l'instant, il bénéficie d'un calme relatif. Aucune grève générale n'a eu lieu ni n'est prévue dans les semaines à venir.

VALÉRIE DEMON, À MADRID

Grande-Bretagne : Londres parie sur la création d'emplois

La multiplication des faillites outre-Manche ces derniers mois, dont celle de la chaîne de magasins Woolworths (22 000 salariés), a lourdement impacté l'emploi dans ce pays. A tel point que les experts s'attendent désormais à dépasser la barre des 3 millions de chômeurs d'ici à 2010, soit l'équivalent des taux de chômage enregistrés outre-Manche à l'occasion des précédentes récessions, au début des années 1980 et 1990.

Formation et retour à l'emploi

Face à la montée du chômage qui concerne, d'ores et déjà, 1,97 million de personnes, le gouvernement britannique a annoncé une série de mesures. Alors qu'il s'était jusqu'à présent concentré sur le sauvetage du secteur bancaire moyennant une enveloppe de 41 milliards d'euros, Gordon Brown a annoncé, en début d'année, un plan en faveur de la formation et du retour à l'emploi pour les chômeurs de longue durée. Cette initiative, d'un montant de 560 millions d'euros, se traduit notamment par le versement d'une prime de 2 800 euros à tout employeur britannique embauchant une personne sans emploi depuis plus de six mois, et vise à aider en tout 500 000 personnes. A l'heure actuelle, 262 000 personnes tombent dans la catégorie des chômeurs de plus de six mois, mais la plongée du Royaume-Uni en récession devrait rapidement faire grimper ce chiffre.

Ce plan, qui entrera en vigueur en avril prochain, devrait également s'accompagner d'une enveloppe budgétaire de 158 millions d'euros destinée à former 35 000 apprentis supplémentaires en 2009-2010 et à garantir des stages de formation pour les étudiants.

Cette série de mesures vient compléter un plan de relance annoncé le 4 janvier dernier et consistant à créer 100 000 emplois. Le gouvernement a, en effet, décidé d'allouer une enveloppe de 11,3 milliards d'euros d'investissement à la construction d'écoles, aux industries vertes ou encore aux technologies numériques. Elle vient s'ajouter aux 22,6 milliards d'euros déjà dégagés par le récent prébudget, dont 14,1 milliards étaient affectés à une baisse de la TVA.

Relancer le crédit

L'ensemble de ces mesures, accueillies favorablement par les observateurs, ne seraient cependant pas suffisantes à protéger l'emploi : « Ces mesures pour aider les chômeurs sont bienvenues et importantes, mais nous avons également besoin d'initiatives qui permettent aux salariés de ne pas se retrouver au chômage », a ainsi déclaré John Cridland, vice-directeur général auprès de la Confédération patronale britannique, le CBI. « Le meilleur moyen de protéger les emplois est de viser le resserrement des conditions de crédit. Si nous ne parvenons pas à relancer le crédit, les entreprises saines feront faillite et causeront des pertes d'emplois et des dommages durables à l'économie », a-t-il conclu.

STÉPHANIE SALTI, À LONDRES

Italie : vers une cassa integrazione pour les salariés précaires

Très endettée, l'Italie a de faibles marges de manoeuvre pour entamer des réformes structurelles. Mais elle est l'un des premiers pays de l'Union européenne à avoir adopté des mesures anti-crise, dès la mi-novembre : aides aux familles les plus pauvres ; réductions sur les factures de gaz et d'électricité ; accès au crédit facilité pour les PME et les PMI... Autant de mesures complétées par un accord entre l'Etat et les régions, présenté le 13 février, et destiné à financer des amortisseurs sociaux, à hauteur de 8 milliards d'euros sur deux ans.

Chômage technique

Ce nouveau plan est particulièrement attendu. Point fort : il permettra de financer l'indemnisation des salariés en chômage technique jusqu'ici exclus des dispositifs existants. Autrement dit, il vise les précaires ou les salariés employés dans de petites structures. De fait, actuellement, seuls les salariés en CDI travaillant dans des entreprises de plus de 15 salariés sont couverts en cas de réduction ou d'arrêt de la production. Ils perçoivent une indemnité correspondant à 80 % du salaire, versée par la Cassa integrazione ou caisse spéciale d'indemnisation du chômage technique, alimentée essentiellement par les entreprises.

Principal amortisseur social, ce système, surtout utilisé dans l'industrie, s'articule en deux mesures : une cassa integrazione ordinaire (avec un plafond d'indemnisation de 12 mois sur deux ans) et une cassa integrazione extraordinaire (avec un plafond d'indemnisation pouvant aller jusqu'à 24 mois consécutifs). Désormais, grâce à cet accord, tous les salariés vont pouvoir bénéficier de mesures de soutien au chômage technique obligatoirement assorties de stages de formation. Reste à établir, région par région, les modalités pour mettre en oeuvre ces amortisseurs sociaux.

ANNE LE NIR, À ROME

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