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Le recours aux intérimaires extra-européens n'a pas fait recette

Les pratiques | publié le : 17.02.2009 |

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Le recours aux intérimaires extra-européens n'a pas fait recette

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Votée fin 2007, la loi donnant possibilité de recourir à des travailleurs intérimaires étrangers hors UE avait suscité la satisfaction du Prisme, le syndicat patronal de l'intérim. Mais, en raison du retournement de la conjoncture, cette nouvelle offre de main-d'oeuvre tarde à se développer, faute de rencontrer une demande.

Pallier la pénurie de main-d'oeuvre dans les secteurs en tension par le recours à une immigration «choisie» était l'un des buts affichés par la loi Hortefeux du 20 novembre 2007 sur la «maîtrise de l'immigration». Si cette loi a fait couler beaucoup d'encre, un amendement est passé presque inaperçu, qui répondait à une demande de longue date des entreprises de travail temporaire (ETT). Il abroge l'article L. 341-3 du Code du travail interdisant de faire venir en France des salariés provenant de pays situés en dehors de l'espace économique européen (1) sur la base d'un contrat de travail temporaire. Avant la loi, les salariés de l'espace économique européen n'avaient déjà pas besoin d'autorisation de travail, et pouvaient être recrutés par des ETT. « Il était possible de faire venir des salariés étrangers avec d'autres types de contrats. Nous demandions simplement l'alignement », explique François Roux, délégué général du Prisme (Professionnels de l'intérim, services et métiers de l'emploi), l'organisation professionnelle de l'intérim.

Une mesure sans conséquences

Mais, plus d'un an après l'ouverture de cette nouvelle possibilité d'offre de main-d'oeuvre, le recrutement hors de l'espace économique européen ne fait pas recette : « Pour le moment, nous n'avons eu aucune demande pour des recrutements hors Union européenne », note Michael Voirin, directeur des marchés BTP d'Adia. Cette mesure de la loi Hortefeux, réclamée depuis des années par le Prisme, n'a donc, en réalité, pas eu de conséquences. Dans les faits, ce sont les ressortissants des pays de l'espace économique européen, n'ayant pas besoin d'autorisation de travail, qui ont les faveurs des recruteurs. Pour ces salariés, en effet, une simple carte d'identité en cours de validité suffit. « Quand la loi a été adoptée, nous étions confrontés à une pénurie dans plusieurs secteurs, dont le BTP. Mais, dès mars 2008, les entreprises de l'intérim ont été frappées par le retournement de la conjoncture », explique François Roux. Compte tenu du ralentissement économique, ces besoins risquent de se tarir encore en 2009.

L'offre d'impatriation des ETT est donc, pour le moment, limitée à ce qui existait auparavant. Adecco-Adia ouvre cette possibilité aux salariés intérimaires en provenance du sud et de l'est de l'Europe. « Depuis deux ans, nous avons mis en place cette offre d'impatriation en provenance du Portugal. En juillet 2008, elle a été élargie à la Pologne et à la Slovaquie », précise Michael Voirin. Le nombre de salariés concernés reste toutefois faible : au cours de l'année 2008, seuls 150 intérimaires ont été recrutés. Ils proviennent très majoritairement du Portugal (80 %) et de la Pologne (15 %). Quelques intérimaires viennent également de Slovaquie.

Le BTP emploie près de 85 % de ces intérimaires étrangers ; viennent, ensuite, la chaudronnerie et la métallurgie. De son côté, l'industrie agroalimentaire recherche des découpeurs de viande. Contactés, Manpower et Vedior préfèrent ne pas communiquer sur le sujet.

(1) Les pays concernés sont l'Allemagne, l'Irlande, l'Autriche, l'Italie, la Belgique, le Luxembourg, le Danemark, les Pays-Bas, l'Espagne, le Portugal, la Finlande, le Royaume-Uni, la France, la Suède, la Grèce. Depuis le 1er juillet 2008, cette liste a été étendue à l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie.

Un lourd dispositif d'intégration chez Adecco-Adia

Pour recruter ses intérimaires, Adecco-Adia a recours, dans les pays sources, à des prestataires appartenant à son réseau. Une présélection sur CV est réalisée. « Un opérationnel de l'entreprise utilisatrice se rend ensuite sur place pour effectuer les recrutements », explique Mickaël Voirin, directeur des marchés BTP d'Adia. Selon lui, « les trois premières semaines sont primordiales pour éviter la démotivation ». Il est donc impératif d'assurer à ces salariés étrangers un minimum de garanties. « Dans le cadre d'une charte unilatérale, nos membres se sont imposé de ne faire venir des intérimaires étrangers que pour une durée d'au moins un mois, et de les aider à trouver un logement », assure François Roux, délégué général du Prisme.

Un coordinateur bilingue

Adecco-Adia va plus loin. « Nous nous engageons sur des missions de trois mois minimum, nous leur trouvons un logement et assurons un véritable accompagnement pour faciliter leur adaptation à la France », déclare Mickaël Voirin. Ainsi, pour une prise de poste le lundi, ils arrivent le mercredi ou le jeudi précédents. Un coordinateur d'Adia, bilingue, les accueille, loue pour eux une voiture, et les conduit sur leur lieu de vie (un gîte ou une résidence hôtelière). Suit une visite du quartier. Les intérimaires sont ensuite conduits à l'agence, où ils signent avec le directeur un contrat bilingue.

Après la visite médicale à la médecine du travail, l'accompagnateur Adia leur montre le trajet entre le domicile et le lieu de travail et les aide à se repérer dans ce nouvel environnement. En outre, rendez-vous est pris dans une banque pour une ouverture de compte. Le lundi, la prise de poste est également un moment important. « En présence du directeur de l'agence et du coordinateur, les intérimaires visitent le chantier et sont informés des règles de sécurité », explique Mickaël Voirin. Le coordinateur reste très facilement joignable, et il revient visiter le chantier une ou deux semaines plus tard.

Reste que cet accompagnement a un coût et que, dans un contexte où la pénurie de main-d'oeuvre est moins importante, les entreprises clientes seront sans doute encore moins nombreuses à l'accepter.

M. M.

L'essentiel

1 La loi de 2007 sur la «maîtrise de l'immigration» autorise l'intérim de salariés hors Union européenne.

2 Cette mesure, réclamée depuis longtemps par les entreprises de travail temporaire, devait permettre de faire face à des pénuries de main-d'oeuvre.

3 Faute de demande, l'offre ne s'est finalement jamais développée.

Une ouverture pour les salariés hors UE

L'article L 341-3 abrogé par la loi Hortefeux stipulait : « Le contrat de travail temporaire [...] ne peut pas être assimilé au contrat de travail [...] qui permet l'entrée en France d'un étranger pour exercer une activité salariée. »

Les salariés de l'espace économique européen pouvaient déjà, toutefois, circuler et travailler sans restriction. Pour un contrat d'une durée comprise entre trois mois et un an, ces salariés doivent demander une carte de séjour délivrée automatiquement sur présentation de la déclaration d'engagement de l'employeur. Sa durée de validité sera équivalente à la durée de l'emploi envisagé.

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