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Enquête

Fin de mandat syndical : le casse-tête des DRH

Enquête | publié le : 17.02.2009 |

La réforme de la démocratie sociale va mettre fin au mandat de bien des délégués syndicaux. Il incombera aux entreprises de les accompagner dans leur retour en poste. La principale difficulté réside dans la valorisation de l'expérience acquise au cours du mandat.

A l'issue des prochaines élections professionnelles, les délégués syndicaux (DS) qui n'auront pas recueilli 10 % des suffrages perdront leur mandat. C'est l'une des innovations les plus spectaculaires de la loi du 20 août 2008 rénovant la démocratie sociale. Jusqu'à cette réforme, les DS tenaient leur mandat du seul syndicat. Ils doivent, désormais, passer sous les fourches caudines des électeurs.

Combien seront ainsi retoqués ? Impossible à dire. Toute projection est vouée à l'échec du fait des alliances, qui vont bon train, entre syndicats. En revanche, on sait qui sera chargé de les reclasser : les entreprises. C'est sur elles que la loi du 20 août 2008 fait peser cette charge. Ainsi, le législateur n'a pas repris l'idée de «Fondation du dialogue social» de la Position commune du 9 avril 2008, dont l'objet était de « faciliter le retour à une activité professionnelle » des militants, en « prenant en compte l'apport des responsabilités syndicales exercées ».

Accord prévu par la loi

La loi impose aux entreprises de se doter d'un accord sur les mesures à mettre en oeuvre pour « concilier la vie professionnelle avec la carrière syndicale et pour prendre en compte l'expérience acquise, dans le cadre de l'exercice de mandats, par les représentants du personnel désignés ou élus, dans leur évolution professionnelle » (article 7). Le même article prescrit d'inclure le déroulement de carrière des syndicalistes dans la négociation GPEC.

Ces deux thèmes de négociation « ne trouveraient-ils pas mieux leur place au niveau des branches, voire au niveau interprofessionnel plutôt qu'à celui de l'entreprise, dont, sauf exception, le cadre risque de s'avérer trop étroit pour un traitement efficace de ces problèmes ? », s'interrogent les avocats Henri-José Legrand et Gilles Bélier, dans La négociation collective après la loi du 20 août 2008 (éditions Liaisons).

Réintégration dans l'emploi précédent

Par ailleurs, l'article 10 de la loi précise qu'un salarié mis à disposition d'une organisation syndicale, « à l'expiration de sa mise à disposition, retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente ». Ces mises à disposition sont encadrées par un accord de branche ou d'entreprise.

Difficultés de reclassement

Le problème est que le législateur ne donne pas le mode d'emploi pour valoriser l'expérience d'un militant ni pour réintégrer un permanent éloigné de son métier et de son entreprise depuis parfois plusieurs années. Les entreprises et leurs syndicats vont donc devoir s'inspirer de ce qui existe déjà.

La CFE-CGC et la CFDT ont commencé à travailler sur la valorisation de l'expérience de leurs militants, en vue, notamment, de les aider à se reclasser, mais ils n'en sont qu'aux prémices et rencontrent de nombreuses difficultés (lire p. 26).

Attirer de nouveaux militants

Initialement, leurs dispositifs n'ont pas (pas encore ?) vocation à traiter les recalés du scrutin, mais à attirer de nouveaux militants. Les deux syndicats partent du constat que pour donner à ces derniers l'envie de s'engager, il faut répondre à une attente forte, que n'avaient pas leurs prédécesseurs, de ne plus couper les ponts avec l'employeur (lire p. 27).

Du côté des entreprises, le reclassement des mandatés prend principalement deux formes. La première : de nombreux syndicalistes retrouvent une place dans les entreprises de l'économie sociale, comme à la Macif, qui s'engage à accueillir des syndicalistes de chacune des cinq confédérations. Cependant, ces entreprises offrent aujourd'hui moins de débouchés.

Reclassement interne

L'autre voie est le reclassement interne. L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) pratique cet exercice avec bonheur dans un contexte, il est vrai, assez privilégié : moyens dédiés, débouchés multiples, culture de service public (lire p. 29). Certaines entreprises du secteur privé - en général les plus grandes - se sont dotées d'un accord de droit syndical incluant des dispositions sur le reclassement des mandatés, telles Generali, Nexter ou Renault Trucks (lire p.28 à 31). Une pratique qui devrait se développer sous l'effet de la loi du 20 août.

Bilan médiocre

Le bilan de ces accords est assez médiocre. Les reclassements effectifs restent finalement rares (Generali, Renault Trucks). Et, quand ils ont lieu, ils ne parviennent pas toujours à prendre en compte les compétences acquises pendant le mandat, ce qui, malgré les efforts de la DRH, suscite la déception des intéressés (Nexter).

C'est pourquoi François Fatoux, délégué général de l'Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (Orse), estime que le mieux est carrément de rompre avec la culture du permanent syndical en privilégiant l'articulation entre le temps professionnel et celui de l'engagement du salarié (lire p. 31). Un autre chantier.

L'essentiel

1 Le retour en poste des délégués syndicaux une fois leur mandat terminé est un problème pour les entreprises qui les emploient comme pour les syndicats.

2 La recherche d'une solution devient d'autant plus urgente que la réforme de la démocratie sociale entraîne, ipso facto, la fin du mandat des délégués n'ayant pas recueilli 10 % des suffrages.

3 Les expériences des entreprises et des syndicats en matière de reclassement des militants montrent que la principale difficulté réside dans la valorisation de l'expérience acquise.