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Enquête

« Les dynamiques de sécurisation des parcours s'enrichissent »

Enquête | publié le : 10.02.2009 |

Pour Jean-Pierre Willems (1), il est dommage que les partenaires sociaux n'aient pas abandonné l'aspect fiscal de l'obligation légale.

« Une pointe de déception ! Tout paraissait réuni pour que le système français de financement de la formation continue passe d'une obligation fiscale devenue obsolète et sclérosante à une obligation légale née d'une négociation mature, voire à un régime conventionnel. Au contraire, les partenaires sociaux actent la persistance du caractère fiscal de l'obligation de financement et ne posent pas les questions du montant de cette obligation et de sa répartition entre les entreprises et les salariés. On peut le regretter, car l'imputabilité est une notion fiscale restrictive par rapport aux pratiques de formation. Elle est aujourd'hui dépassée et ne permet pas d'avoir un véritable raisonnement économique et social sur la formation.

Faute d'avoir demandé dans le texte une suppression de l'obligation fiscale, les partenaires sociaux s'en trouvent réduits à demander l'élargissement des critères d'imputabilité sans pouvoir eux-mêmes définir les actions qui doivent bénéficier des financements de la formation professionnelle, notamment ceux qui sont mutualisés au sein des Opca.

Néanmoins, le texte du 7 janvier enrichit les dynamiques de sécurisation des parcours professionnels nées de l'ANI du 5 décembre 2003 : professionnalisation, gestion des compétences et coconstruction de la décision de formation. Par ailleurs, les partenaires sociaux se dotent d'un outil financier puissant et nouveau, le FPSPP (Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels), et mettent en place les instances et mécanismes nécessaires à une gouvernance paritaire totalement assumée du système (CPNFP renforcé). Ces apports et enrichissements constituent un grand pas vers l'autonomie conventionnelle.

Accroissement des connaissances

Les vraies novations du texte résident dans l'accroissement des compétences du CPNFP - qui est l'émanation des partenaires sociaux -, la création du FPSPP et sa subordination aux orientations politiques du CPNFP. Le système évolue donc vers un pilotage politique affirmé par le CPNFP s'appuyant sur le FPSPP comme bras séculier. Question : les pouvoirs publics qui, de fait, contrôlaient les flux financiers de la formation au sein du FUP, l'entendront-ils de cette oreille ? Le CPNFP disposera-t-il de moyens techniques et humains à la hauteur des ambitions affichées ? On verra. En tout cas, ce montage traduit une volonté des partenaires sociaux d'assumer les responsabilités qui sont les leurs dans la gouvernance paritaire d'un système de formation.

Trois conséquences

La création du FPSPP aura trois conséquences importantes sur le rapport à l'Etat, les budgets des entreprises et la gouvernance des Opca.

Premièrement : alors que le FUP s'inscrivait dans une logique fiscale (assurer la gestion des excédents réglementaires des Opca), ce qui légitimait les prélèvements de l'Etat sur ces mêmes excédents, le FPSPP déploie son activité sur un champ beaucoup plus large : cofinancement d'actions en direction des salariés les moins qualifiés et les chômeurs. Il pourrait en résulter une moindre légitimité de l'Etat à «se payer sur la bête» en période de recherche d'économies.

Deuxièmement : si le CPNFP décide d'appliquer le taux maximal à la collecte du FPSPP, soit 13 % de l'ensemble de l'obligation légale, cela représentera environ 0,20 % de la masse salariale brute annuelle (MSBA) des entreprises de plus de 10 salariés assujetties à l'obligation de consacrer 1,6 % de la MSBA à la formation ; 0,1 % pourrait être pris sur la professionnalisation et le congé individuel de formation, et 0,1 %, sur le plan. En d'autres termes, les sommes que pourraient directement consacrer les entreprises au plan de formation devraient passer de 0,9 % à 0,8 % de leur MSBA.

Troisièmement : le FPSPP, sous contrôle politique du CPNFP, décidera d'interventions en complément des collecteurs Opacif et Opca. En ouvrant les fonds de la formation professionnelle à de nouveaux publics et en contribuant, ainsi, au décloisonnement des statuts, il aura les moyens financiers de peser sur les politiques conduites par les Opca. Ceux-ci pourraient donc avoir à la fois des missions plus larges que précédemment (GPEC, conseil...), mais des marges de manoeuvre sur les interventions financières qui seraient soumises à davantage de contraintes (règles nationales) et de contrôles (transparence, évaluation quantitative et qualitative).

Centralisation

D'ailleurs, la création d'un comité paritaire national d'évaluation de la formation professionnelle (CPNEFP) entraînerait, par ricochet, une exigence d'évaluation pour l'ensemble des acteurs de la formation : Opca, entreprises, prestataires de formation... Il ressort de l'ANI du 7 janvier 2009 une centralisation nouvelle de la régulation du système.

Enfin, s'agissant des autres points du texte : les catégories du plan de formation sont maintenues, le regroupement des catégories 1 et 2 pour la présentation au comité d'entreprise et les formations hors temps de travail trouvant leur logique dans le fait que ces deux types de formation entrent dans le champ de la qualification du salarié, contrairement aux actions de développement des compétences.

Portabilité n'est pas transférabilité

La portabilité des heures de DIF trouve son opérationnalité via les fonds professionnalisation, mais attention, la portabilité n'est pas la transférabilité. Sauf accord de branche ou de groupe, le salarié passant d'une entreprise à l'autre voit son compteur remis à zéro. Par contre, il garde avec la portabilité la possibilité d'avoir accès à un financement complémentaire, qui n'est toutefois pas automatique et dépend des décisions des Opca compétents.

Enfin, la définition d'un socle de compétences pourrait constituer les prémices d'un Smic compétences, c'est-à-dire d'un minimum à atteindre en matière de capacités professionnelles. »

(1) Directeur de Willems Consultants.

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