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Le rapatriement du salarié mis à la disposition d'une filiale étrangère : un droit incontournable ?

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 10.02.2009 |

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Le rapatriement du salarié mis à la disposition d'une filiale étrangère : un droit incontournable ?

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Il arrive fréquemment, dans les groupes internationaux, qu'un salarié embauché par une société française soit mis à la disposition d'une filiale étrangère.

Ce mécanisme est assorti d'une garantie, puisque l'article L.1231-5 du Code du travail (anciennement L.122-14-8) prévoit que « lorsqu'un salarié engagé par la société mère a été mis à la disposition d'une filiale étrangère et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein ».

Cette solution est logique : le salarié, involontairement privé de son emploi avec la filiale étrangère, bénéficie d'un droit au rapatriement chez son employeur d'origine, avec lequel il a conservé un lien contractuel.

Dans deux arrêts du 13 novembre 2008 (nos 06-42583 et 07-41700), la Cour de cassation donne une portée inattendue à ce principe.

Dans la première affaire, un salarié est mis à la disposition d'une filiale argentine, avec laquelle il conclut un contrat de travail. Le fonds de commerce de la filiale étant cédé à une société tierce, son contrat de travail est transféré chez le cessionnaire, en application du droit argentin. Le salarié conteste ce transfert, et demande son rapatriement. La Cour de cassation fait droit à sa demande, estimant que la maison mère française aurait dû lui proposer un reclassement en France.

Selon la Cour, la société mère française doit prendre l'initiative et assurer le rapatriement du salarié, non plus seulement en cas de licenciement par la filiale étrangère, mais également lorsque le contrat de travail est transféré, en application du droit local, à la suite de la cession de tout ou partie du fonds de commerce.

Cette interprétation, contraire à la lettre du texte, semble néanmoins conforme à son esprit. Le transfert du contrat de travail au sein d'une société tierce met, de fait, un terme à la mise à disposition initialement convenue : l'accord du salarié doit être recueilli, par la société mère, pour poursuivre la mission selon cette nouvelle modalité. En cas de refus, le salarié doit être rapatrié et reclassé.

Dans la seconde décision, la Cour de cassation va encore plus loin. Une salariée embauchée par une société française est affectée au sein d'une filiale en Chine, cette affectation s'accompagnant de la rupture, d'un commun accord, de son contrat de travail avec son employeur initial. Son contrat de travail chinois étant rompu quelques mois plus tard, elle sollicite son rapatriement et son reclassement au sein de la société mère. La Cour de cassation lui donne raison, estimant que l'application de l'article L.1231-5 n'est pas subordonnée au maintien d'un contrat de travail entre le salarié et la maison mère.

Ainsi, la Cour considère qu'un salarié, recruté par une entreprise française, et amené à exercer des fonctions au sein d'une filiale étrangère, doit être considéré comme «mis à disposition», peu important la subsistance ou non d'un lien contractuel avec son entreprise d'origine.

Cette décision est surprenante, dans la mesure où la notion de mise à disposition renvoie à un dispositif qui est, par définition, provisoire : le salarié est temporairement «prêté» à une filiale et doit, à terme, réintégrer l'entreprise qui l'a embauché.

Il ne devrait pas en être de même lorsque le transfert du salarié au sein de la filiale est définitif. Ce transfert, pourtant subordonné à l'accord de l'intéressé, entraîne, en principe, la rupture de toute relation contractuelle avec l'entreprise d'origine. Un droit au rapatriement, alors même que le salarié ne fait plus partie des effectifs de l'entreprise, est juridiquement contestable.

Avec ces deux décisions, la maison mère est, désormais, soumise à une obligation générale de rapatriement de ses salariés mis à disposition.

On ne peut qu'inviter la Cour de cassation à limiter dans le temps une telle obligation.

Philippe Rogez, avocat au cabinet Raphaël, membre d'Avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social.