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Les départs volontaires en dix questions

Enquête | publié le : 03.02.2009 |

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Les départs volontaires en dix questions

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Les réponses de Catherine Le Manchec, avocate au département droit social du cabinet August & Debouzy ; de Pierre Ramain, directeur de projet du cabinet-conseil Altedia ; de Jean-François Carrara, directeur associé du cabinet-conseil Algoé, et de Stéphanie Stein, avocate associée du cabinet Eversheds.

1 Que doit contenir un plan de départs volontaires ?

Pour Catherine Le Manchec, le plan doit définir les conditions de départ : âge, ancienneté, type d'emploi concerné. Il indique « la procédure et le délai de dépôt des candidatures, et le délai pour leur examen ». Le plan prévoit également les mesures d'accompagnement et les modalités financières. L'employeur peut écrire qu'il se réserve « de refuser les candidatures incompatibles avec les impératifs de bon fonctionnement de l'unité ou du service ».

Par ailleurs, Pierre Ramain précise que le plan pourra accepter « sous certaines conditions, la candidature de personnes qui n'occupent pas les emplois supprimés, mais dont le départ permettrait le reclassement de celles dont le poste est supprimé ». Stéphanie Stein conseille, de son côté, de « privilégier les critères «objectifs», pour éviter les litiges. Certains critères, tels que celui de la compétence professionnelle, sont délicats à manier ».

2 Comment sécuriser ce plan ?

De l'avis de Catherine Le Manchec, l'employeur doit informer et consulter le CE sur son projet de restructuration, le plan de départs qu'il prévoit, et sur les suppressions d'emploi envisagées, c'est-à-dire sur la nature des emplois et le nombre de salariés concernés, ainsi que sur le calendrier prévisionnel des départs. Il faut aussi « respecter les garanties procédurales mentionnées par la convention collective en cas de licenciement pour motif économique, et informer la Direction départementale du travail ». Les PSE ou les accords de GPEC prévoient, généralement, l'assistance d'un cabinet de reclassement dont la première mission consiste à aider les salariés à prendre leur décision. Stéphanie Stein conseille d'écrire que « le contrat de travail est rompu d'un commun accord », et de veiller à ne pas exercer de pression sur les salariés, « en leur laissant suffisamment de temps pour se positionner ».

« Beaucoup d'entreprises sécurisent aussi leur accord en conditionnant le départ à l'existence réelle d'un projet professionnel, validé par le cabinet », poursuit Jean-François Carrara.

3 L'employeur peut-il s'opposer à un départ volontaire ?

Oui. Selon Catherine Le Manchec, il est essentiel que le « plan de départs volontaires définisse précisément les conditions de recevabilité des candidatures, pour être à même de refuser une candidature en présentant des raisons objectives ». Lorsqu'il s'inscrit dans le cadre d'un PSE, le plan de départs volontaires doit respecter les conditions prévues par le PSE, rappelle Stéphanie Stein. « Ainsi, l'employeur ne peut s'opposer à un départ volontaire qu'en établissant que ce refus est conforme aux prévisions du plan. » L'objectif étant, ici, d'éviter le départ de compétences clés.

4 L'employeur a-t-il des obligations de reclassement à respecter ?

Selon Pierre Ramain, l'employeur doit prévoir la même batterie de mesures d'accompagnement que dans un PSE : cellule de reclassement, aides à la formation, à la création et reprise d'entreprise et à la mobilité, compensation du salaire en cas de reprise d'un emploi moins bien rémunéré, aide à la recherche d'emploi, préparation à l'entretien d'embauche et suivi de l'intégration dans le nouvel emploi. Selon le motif de son départ, le salarié choisira d'y recourir ou non. Légalement, l'employeur doit aussi proposer des mesures de reclassement interne.

5 Quel est le régime social et fiscal appliqué aux indemnités de rupture ? Le salarié concerné peut-il bénéficier d'une prise en charge des Assedics ?

Pour Catherine Le Manchec, le salarié bénéficie de la prise en charge des Assedics. Il perçoit les indemnités légales ou conventionnelles de licenciement, souvent majorées dans le cadre du PSE ou de l'accord GPEC. Les sommes versées dans le cadre d'un PSE sont intégralement exonérées de cotisations sociales et d'impôt. En revanche, les sommes versées dans le cadre d'un accord de GPEC ne sont exonérées de charges sociales que dans la limite de quatre fois le plafond de la Sécurité sociale.

6 Dans quelle mesure l'employeur peut-il majorer l'indemnité de rupture ?

L'indemnité de départ doit être incitative, mais pas au détriment des mesures d'accompagnement. Faute de quoi, la Direction départementale du travail risque de dresser un constat de carence. Il ne faut pas, non plus, que « les salariés qui restent regrettent de ne pas avoir pu bénéficier de la contrepartie financière », prévient Stéphanie Stein. Pour Pierre Ramain, « une partie de l'indemnité peut être conditionnée à l'effort de reclassement des salariés ». Par exemple, le salarié qui retrouve un poste avant l'issue de son congé de reclassement perçoit « l'intégralité de ce qu'il aurait touché s'il avait été au bout de son congé ». « On peut également prévoir une prime à la rapidité pour ceux qui se déclarent candidats sous un certain délai. »

Stéphanie Stein préconise, quant à elle, d'ajuster l'indemnité de départ selon la catégorie de population concernée. « Des indemnités un peu plus élevées peuvent être accordées s'il s'agit d'une population fragilisée, qui aura davantage de difficultés à retrouver un travail en raison de l'âge ou du niveau de qualification », indique-t-elle.

7 Le salarié licencié dans le cadre d'un plan de départs volontaires bénéficie-t-il d'une priorité de réembauchage ?

Catherine Le Manchec est affirmative : « La priorité de réembauchage bénéficie à tout salarié dont le contrat de travail a été rompu pour un motif économique, qu'il soit ou non volontaire au départ. »

8 Le salarié concerné peut-il contester, par la suite, la légitimité de la rupture de son contrat de travail ?

Pour Stéphanie Stein, les plans de départs volontaires sécurisent par nature le départ, car « la rupture du contrat de travail se fait sur la base d'un commun accord ». Ils sont plus sécurisants qu'un PSE classique. Par ailleurs, sur le plan de l'affichage, des relations avec les syndicats et du climat social en général, le plan de départs volontaires est aussi beaucoup moins douloureux et, de ce fait, moins susceptible de générer de la conflictualité.

9 D'une manière générale, quels sont les écueils à éviter ?

Selon Jean-François Carrara, le risque du volontariat est de voir partir les meilleurs, car ce sont ceux qui auront le moins de mal à se reclasser. D'où un risque « de fragiliser son entreprise alors que le plan de réorganisation doit lui permettre d'aller mieux ». « On recommande de définir un périmètre limité, par exemple en segmentant le plan par départements et, à l'intérieur, par types de métier. » Pour cela, il faut une parfaite connaissance des compétences et des métiers stratégiques de son entreprise, ainsi qu'une parfaite définition de sa structure cible.

Il faut également préparer un processus de «chaises musicales», basé sur la formation, pour pouvoir remplacer ceux qui partent par des personnes qui veulent rester mais dont le poste est supprimé.

Pierre Ramain conseille de « ne pas laisser partir plus de personnes que prévu en cas de candidatures trop nombreuses ». Il y aurait un « problème de cohérence par rapport au contexte qui a dicté cette réorganisation ». Dans ce cas, on durcit les critères de validation, en n'acceptant, par exemple, que ceux qui ont une garantie de contrat de travail. Si, à l'inverse, il n'y a pas assez de candidats, il faut se laisser la possibilité d'allonger la période initiale de dépôt des candidatures. Ou alors « renoncer à supprimer certains postes ou engager des licenciements pour motif économique », indique Stéphanie Stein.

10 Et après ?

Il y a un risque de démotivation. L'employeur pense rarement à mettre en place des mesures de redynamisation de la structure vers son nouvel objectif. Pour Jean-François Carrara, « il faut préparer le management, confier un travail d'écoute et de veille à des managers pivots et leur donner des clés pour répondre aux dysfonctionnements découlant de la réorganisation ». Il faut aussi être attentif aux remontées des partenaires sociaux pour être informé des mécontentements des salariés et des clients.

PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE-PIERRE VEGA