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L'impatience ou la triple pauvreté

Enjeux | Chronique de Meryem Le Saget | publié le : 03.02.2009 |

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L'impatience ou la triple pauvreté

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La culture du «tout pour moi-tout tout de suite» que l'on attribue parfois aux adolescents ne leur est plus réservée. Certains managers semblent devenir chaque jour plus impatients... comme si le monde devait leur obéir et transformer instantanément leurs moindres désirs en réalisations concrètes. A leurs yeux, l'impatience est presque une vertu : « Vous savez, me disent-ils, tout fiers, je suis quelqu'un de très impatient. Il faut que les choses avancent vite. » Pourtant, je ne les envie pas.

Cet attrait pour l'instantanéité produit une grande agitation intérieure. Premier appauvrissement. Dans le cas le plus sympathique, l'impatience ressemble à l'excitation de l'enfant avant de découvrir les cadeaux de Noël. La fébrilité est bien présente, mais tout le monde peut la comprendre. Dans le pire des cas, la tension nerveuse règne en maître dans le bureau et tout l'entourage en subit les conséquences. Le manager fronce les sourcils parce qu'un travail n'est pas déjà fini, il trouve que les projets ne vont pas assez vite, il voudrait avoir tout de suite ce qu'il a demandé hier.

Impatience rime souvent avec exigence vis-à-vis d'autrui : la tension que le manager porte en lui (ou en elle) crée un mouvement d'inquiétude et de désorganisation. Deuxième appauvrissement. Du côté des collaborateurs, chacun se demande quelle sera la prochaine exigence, ils restent stressés, sur le qui-vive. De l'autre côté, le manager trouve naturel que ses interlocuteurs se consacrent à son souhait toutes affaires cessantes. La journée d'une équipe se désorganise donc en un clin d'oeil : elle devient chaotique, hachée. Est-ce au profit d'une réelle priorité ? Pas toujours, car l'impatience relève davantage de l'impulsion que de la hiérarchisation des priorités. Celui qui ne peut calmer son impatience a du mal à contrôler ses affects : envies soudaines, sautes d'humeur, nouvelles idées, faiblesses de communication, décisions surprenantes sont fréquentes. C'est tuant pour l'entourage et, progressivement, la confiance s'érode. Car les personnes passent des journées régulièrement perturbées sur deux registres : les émotions personnelles et le rythme de travail.

A la décharge des impatients, il faut constater que notre époque érige ce trait de caractère en valeur : mieux vaut être impatient que de laisser aller les situations. On confond ainsi vitesse et précipitation, action et agitation. La qualité qui nous sauve de la confusion ambiante est le discernement, ce recul salutaire qui permet de mieux réfléchir ensemble avant d'agir. On évite, ainsi, que les équipes avancent dans l'urgence, guidées par la dernière priorité du moment et non par le sens. Malheureusement, le discernement s'estompe quand l'impatience s'installe. Troisième appauvrissement.

Dans la plupart des contes et légendes, le héros impatient et fougueux reçoit une leçon : le sort l'oblige à attendre, à se tempérer et à se transformer. Dans notre vie professionnelle trépidante, savons-nous valoriser la patience et respecter le travail d'autrui, pour donner à nos projets les meilleures chances de succès ?

Meryem Le Saget est conseil en entreprise à Paris. < lesagetconseil@wanadoo.fr >