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Professionnaliser ses cadres locaux plutôt qu'expatrier

Les pratiques | publié le : 27.01.2009 |

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Professionnaliser ses cadres locaux plutôt qu'expatrier

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Les entreprises qui choisissent de recruter localement leurs cadres dans les pays émergents doivent les accompagner pour développer leurs compétences. Management, culture d'entreprise, standards maison... Des remises à niveau abordées sous l'angle de la formation et de l'immersion, souvent en terre occidentale.

L'expatriation n'est plus une fin en soi. Si les entreprises continuent à envoyer à l'étranger certains de leurs salariés, elles donnent, de plus en plus, la part belle à la matière grise locale. Présent depuis peu en Ukraine, en Egypte et en Turquie, le Groupe Atlantic, spécialisé dans le confort thermique, a, ainsi, recruté une cinquantaine de cadres du cru. « Nous apprécions ces profils aguerris à la culture de leur pays, à son marché, à ses réseaux d'affaires... », explique Lucie Legal, adjointe RH international. Autre exemple : celui de la filiale africaine de Vinci qui, depuis les années 2000, laisse le maximum de place aux compétences locales. Au total, 200 cadres occupent des postes à responsabilités. « Nous voulons des gens qui s'intéressent à l'Afrique. C'est naturellement sur ce continent que nous les cherchons », présente Xavier Debreux, DRH Vinci Construction filiales internationales.

Cadres très courtisés

Pour autant, les expatriés ne disparaissent pas. Ils arrivent même en support. Car, si les entreprises optent pour des candidatures locales dans les pays émergents, celles-ci ne contiennent pas forcément l'ensemble des compétences attendues. Ainsi, une petite dizaine d'Européens sont en place dans la récente structure tunisienne de HR Access. Leur mission ? « Faire progresser le middle management, soit une trentaine de personnes, en les suivant durant un ou deux ans dans le cadre d'un travail en binôme et d'un plan de succession défini », répond Saïd Aidi, directeur général. Non pas parce qu'elles ne sont pas techniquement à la hauteur, c'est bien souvent le contraire, mais plutôt pour « une consolidation managériale », précise-t-il. « Cette nécessité de professionnaliser s'observe aussi pour ce qui concerne les savoir-faire et les standards maison », ajoute Lucie Legal.

Quelle que soit la forme de l'accompagnement, il présente, à l'arrivée, un double intérêt pour les employeurs : fidéliser des profils configurés aux besoins de l'entreprise. Et ce n'est pas à négliger car, comme le souligne Pascal Daoglio, associé du cabinet Crossway Management : « Dans ces pays en croissance, toutes les entreprises, sans exception, font face à un phénomène de pénurie de cadres, ces derniers étant particulièrement courtisés et, donc, volatils. »

Parmi les pratiques les plus classiques pour une montée en compétence : la formation. Saïd Aidi propose, ainsi, un programme dédié au management sur une dizaine de jours. Lors du lancement d'un site industriel à l'international, le Groupe Atlantic démarre, quant à lui, par un premier séminaire de team building destiné à l'ensemble du management. Le but : préciser les objectifs de l'entreprise, ses missions, les valeurs auxquelles elle est attachée, sa vision du management... « Bientôt, nous lancerons un module, créé en interne, visant à transférer nos savoir-faire et nos technologies, mais aussi à partager nos bonnes pratiques », expose Lucie Legal.

Université interne

A Saint-Gobain, 60 % des cadres ont été embauchés hors de France, en 2008, sur un total de 1 700 recrutements. Présent dans près de 60 pays, avec 80 nationalités représentés, le groupe organise des formations un peu partout, variables selon le contexte. Il y a eu, par exemple, des assessment centers en Chine pour les cadres. Dernièrement, en Pologne, un cycle de développement du leadership a concerné les différents directeurs généraux. « Toutefois, tous nos cadres étrangers intègrent notre université interne, l'Ecole du management. Les stages proposés se déroulent sur deux semaines, dont une en France », précise Michel Magot, directeur de la gestion des cadres du groupe.

Etudes subventionnées

La filiale Vinci en Afrique intervient, quant à elle, plus en amont, au niveau même de la formation initiale. Le groupe de travaux publics s'est, ainsi, associé avec une école d'ingénieurs du Burkina Faso, avec laquelle il a bâti, en 2007, une formation sur dix mois, diplômante et qualifiante. Vinci y subventionne les études de certains jeunes. Six d'entre eux ont été suivis l'année dernière, et cinq ont été embauchés après avoir été accueillis quatre mois en stage. « Ils sont appelés à intervenir sur des chantiers de plus en plus importants et à monter rapidement en grade. Cette professionnalisation a ceci de particulier qu'elle intervient tôt et sur des profils très jeunes », signale Xavier Debreux.

Professionnalisation identique

Michelin, où moins d'un quart des cadres sont français, a opté pour une autre approche : celle qui consiste à ne pas faire de différence entre les cadres issus d'un pays émergent et les autres. « La professionnalisation dans le métier, qu'il s'agisse de données techniques ou comportementales, est identique. Ainsi, les 120 directeurs d'usine nouvellement promus ont tous bénéficié d'un coaching dispensé par un tuteur, directeur d'usine expérimenté. Cela pour les aider à comprendre Michelin », indique Dominique Tissier, responsable formation groupe. La seule différence notable ? Les formations des chefs d'équipe, le premier niveau d'encadrement. « Dans les pays en croissance, nous sommes plus basiques. Nous allons davantage insister sur le port d'équipements de sécurité, par exemple. Mais le principe est de ne pas faire de différence, car un directeur roumain peut prendre demain la tête d'une usine canadienne. »

Parcours individualisés

Autre réponse très utilisée : la mobilité. Si les Occidentaux ne bénéficient plus systématiquement d'expatriation, il en va tout autrement pour ces profils que l'on fait bouger afin d'enrichir leurs connaissances maison. Ainsi, Saint-Gobain offre des parcours internationaux individualisés. « Nous n'avons que 3 expatriés au Brésil, mais 35 Brésiliens hors de leur pays », illustre Michel Magot, ajoutant que ces mobilités supposent un travail d'anticipation du retour dans le pays d'origine. « Les sociétés savent qui est parti, qui revient et quand », ajoute-t-il. Egalement récurrents, les détachements de plusieurs semaines vers la France, l'Espagne ou l'Italie de cadres d'HR Access Tunisie. En Afrique, une cinquantaine de cadres locaux de la filiale de Vinci sont expatriés dans un pays du continent. Parmi eux, six sont dirigeants d'entité. « Les personnes qui occupent aujourd'hui des responsabilités dans l'entreprise ont évolué, avec, souvent, une expérience en dehors de leur pays d'origine », explique Cheikh Daff, en charge des RH de la filiale Vinci en Afrique.

« Il arrive même que cette politique de mobilité conduise les hauts potentiels à intégrer un MBA français ou anglo-saxon. L'idée est de faire de ces salariés des cadres internationaux dans une entreprise occidentale », observe Pascal Daoglio.

Retours sur investissement

Autant de dispositifs qui supposent des retours sur investissement en termes de compétences et donc d'employabilité. Même si, du coup, le risque est grand de voir d'autres entreprises s'intéresser à ces profils. Xavier Debreux l'affirme, l'enjeu mérite cet effort.

Assystem Romania mise sur les jeunes recrues

La structure roumaine d'Assystem existe depuis 1994. Après dix ans de croissance régulière, il lui a fallu monter en puissance et augmenter son effectif de 50 personnes. Deux options étaient possibles pour son Pdg Roger Coat : faire évoluer les salariés déjà présents ou recruter des managers.

« La première solution était délicate puisque j'avais affaire à des anciens issus du régime précédent, avec des référents particuliers où le management était directif et le travail collaboratif inexistant. Le manque de temps m'a conduit à miser plutôt sur des jeunes, sortis d'écoles. Ici, ils sont très ambitieux. »

Un problème s'est toutefois posé. Dans ce pays, rares sont les écoles d'ingénieurs. Après quelques recrutements, le dirigeant a donc envoyé ces recrues - dix au total -, entre trois et six mois, dans le groupe, afin qu'elles se familiarisent avec le mode de fonctionnement de l'entreprise. « Il s'agissait alors de coaching réalisé par des cadres expérimentés », explique Roger Coat. Puis, des responsables français sont venus organiser et prendre en charge les équipes, avec pour objectif de laisser, à leur départ, un remplaçant opérationnel.

Accompagnement

Plus ponctuellement, le Pdg a lui-même réalisé les accompagnements, notamment sur des postes clés comme le contrôle de gestion. « J'avais fait le pari d'embaucher une étudiante que j'ai suivie durant deux ans. Régulièrement, je lui présentais et expliquais ce que j'attendais d'elle et vers quoi tendait l'entreprise. » Aujourd'hui diplômée, cette personne, identifiée comme haut potentiel, a été capable de préparer le dernier budget.

Ecole de management

Enfin, afin de créer une culture managériale commune, une école de management a été ouverte, au sein de laquelle l'ensemble des cadres locaux se réunissent une fois par mois et suivent des formations à la carte, afin de maîtriser les outils du manager. Aujourd'hui, Assystem Roumania compte 300 salariés, dont 15 cadres locaux.

C. L.

L'essentiel

1 Pour manager leurs entreprises implantées dans les pays émergents, les groupes choisissent, de plus en plus, des cadres locaux.

2 Leur bonne connaissance du marché local ne suffit pas et les entreprises doivent organiser le développement de leurs compétences.

3 Outre l'envoi d'expatriés expérimentés en soutien, les entreprises dispensent des formations professionnalisantes, souvent dans leur école interne.