Ne vous en tenez pas aux seuls coûts financiers, prenez aussi en compte la «valeur» du personnel, bien qu'elle soit plus difficile à mesurer. C'est, en substance, le message qu'a tenu la direction de Kuhn à sa maison mère, le suisse Bucher Industrie, lorsque celle-ci a dû décider de l'endroit où construire une nouvelle usine de montage d'énormes machines agricoles : soit à Monswiller (Bas-Rhin), soit en Pologne ou en Lettonie.

Pour le fabricant alsacien, cette dimension RH faisait plus que compenser les différentiels d'investissements (environ 30 %) et de dépenses de fonctionnement (jusqu'à 3 millions d'euros par an) qui plaidaient en faveur de l'Europe de l'Est, par l'effet des coûts de construction, des avantages fonciers, des salaires et de la fiscalité. L'Alsace était aussi un peu mieux située par rapport aux débouchés.

Le discours a été entendu : c'est bien à Monswiller que l'unité a été inaugurée le 22 janvier. Elle ne crée pas d'emplois nouveaux mais préserve 200 postes par le transfert d'une partie des effectifs de l'usine principale et du siège de Saverne, dans la commune voisine.

« Cette proximité était décisive : Saverne apporte non seulement les pièces à monter, mais aussi son innovation, son encadrement, la compétence de son personnel. Toutes choses qu'il aurait, sinon, fallu recréer de toutes pièces pour un tel projet. Or, expatrier des cadres à l'Est, en recruter et en former sur place aurait représenté des coûts élevés, pour un résultat final incertain », estime Michel Siebert, le Pdg de Kuhn. Un dirigeant rompu à l'internationalisation - l'entreprise emploie un tiers de ses 3 100 salariés à l'étranger -, mais qui a su se faire l'avocat fervent et, finalement, efficace, de ses troupes locales.