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Pour une clause de conscience dans les contrats de travail ?

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 27.01.2009 |

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Pour une clause de conscience dans les contrats de travail ?

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La mondialisation, source de compétition entre les entreprises mais aussi entre les salariés eux-mêmes, pose inéluctablement la problématique de la conciliation entre l'attachement du salarié à ses propres valeurs et son adhésion à celles proclamées par son entreprise (même si celles-ci ne sont parfois qu'un prétexte pour attirer la sympathie des clients).

Ce dilemme conduit de plus en plus de salariés à s'interroger sur le bien-fondé de leur «fidélité» à l'entreprise et sur la préservation de leur liberté de conscience.

La clause de conscience, peu fréquente dans les contrats «ordinaires», peut être amenée à être plus utilisée alors que se développe la pratique des ruptures conventionnelles.

La clause de conscience désigne, généralement, la clause aux termes de laquelle la démission du salarié, en cas de changement dans la personne du chef d'entreprise et/ou en cas de changement notable dans l'orientation de la direction de l'entreprise, est considérée comme imputable à l'employeur. Les journalistes peuvent s'en prévaloir, même en l'absence de toute stipulation dans leur contrat, par application de l'article L. 7112-5 du Code du travail. En revanche, pour les autres professions, cette clause doit être expressément incluse dans le contrat de travail ou dans une disposition conventionnelle éventuelle. Ainsi, a été jugée valable la clause de conscience insérée dans le contrat de travail d'un directeur administratif, stipulant qu'en cas de modification des statuts de la société, de ses buts, de changement de sa nature juridique, de modification des structures hiérarchiques ou fonctionnelles, ou de changement d'orientation technique ou philosophique des études, des travaux ou des activités, le salarié aurait la faculté de demander qu'il soit mis fin aux relations de travail, la rupture étant alors considérée comme imputable à l'employeur (Cass. Soc., 27-11-1986, n° 2930, Bull. civ. V p. 426 n° 563).

Quel est l'intérêt d'une telle clause ?

Pour l'employeur, l'intérêt premier est sans doute de resserrer le rapport de confiance qui devrait exister avec son salarié (1). Cela permet également d'introduire une sorte de clause intuitu personae entre le dirigeant (ou le CA en place) et le salarié, et de renforcer la dimension personnelle de la relation de travail avec le salarié considéré comme un véritable «sujet» de droits. Enfin, cela permet d'anticiper une action offensive d'offre publique d'achat, en rendant ainsi plus coûteux pour l'acquéreur le risque de départ de collaborateurs clés ayant contracté une telle clause.

Pour le salarié, l'intérêt est qu'il peut plus clairement afficher ses propres valeurs en donnant un sens plus concret à l'obligation assez floue de l'«exécution de bonne foi» prescrite par l'article L. 1222-1 du Code du travail. En outre, cela lui permet de préserver sa liberté de conscience sans devoir, pour autant, prendre le risque d'une décision de rupture sans contrepartie financière, dans un marché de l'emploi souvent tendu.

Il convient cependant de prendre certaines précautions dans la rédaction de la clause ; il faut, notamment :

- définir au mieux les circonstances justifiant le recours à la clause ;

- fixer les délais dans lesquels l'intéressé peut la faire jouer ;

- enfin, s'interroger sur le montant des indemnités en cas de rupture du contrat (il peut s'agir d'une indemnité forfaitaire, mais qui, à notre avis, ne doit pas être inférieure à ce que percevrait le salarié en cas de licenciement).

Il faut éviter, en tout cas, le risque de confusion d'une telle clause avec une clause pénale donnant au juge la possibilité de diminuer l'indemnité (C. civ., art. 1152) !

En conclusion, la clause de conscience donne une dimension personnelle plus importante à la relation de travail ; il convient donc qu'elle soit élaborée en fonction de la personne du salarié.

La question reste de savoir si, dans la culture actuelle française (laissant assez peu de capacité au salarié, y compris à un cadre, de réellement négocier son contrat de travail), il est réaliste de penser qu'une telle clause puisse se développer à l'initiative du salarié lui-même. Cela nous ramène à examiner l'intérêt pour l'employeur de proposer un tel engagement, ce qui suppose qu'il ait une autre conception du contrat de travail (2).

Jacques BROUILLET, avocat au cabinet ACD, membre d'Avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social

(1) Du contrat de travail au contrat de confiance, J. Brouillet, Annonces de la Seine, 11/05/1992.

(2) Savoir réinventer le contrat de travail, J. Brouillet, Cahiers du DRH, 9/03/2001.

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