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Enquête

La nouvelle directive européenne renforce les CEE

Enquête | publié le : 20.01.2009 |

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La nouvelle directive européenne renforce les CEE

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Les comités d'entreprise européens (CEE) disposent d'un nouveau cadre légal. Il renforce la procédure d'information-consultation et pallie plusieurs déficiences de l'ancienne directive.

Attendu depuis 1999, le texte en vue d'une nouvelle directive sur les comités d'entreprise européens (CEE) a finalement été adopté le 16 décembre 2008 par le Parlement européen. Les Etats membres de l'Union européenne disposent de deux ans, à partir de la parution de la loi au JO, pour la transposer, donc jusqu'à 2011. Dans l'intervalle, c'est l'ancienne directive qui s'applique.

La nouvelle législation vise principalement à renforcer l'information et la consultation des salariés sur les décisions des entreprises, tout en tenant compte des contraintes de ces dernières. « En ces temps de crise, le rôle des CEE est particulièrement important, permettant une meilleure anticipation des restructurations et un accompagnement des travailleurs touchés », rappelle opportunément le communiqué officiel. Mais plus qu'une réponse à la crise actuelle, la nouvelle directive se veut une solution pour pallier les déficiences de la précédente, qui datait de 1994 : faible proportion de CEE créés par rapport au nombre d'entreprises éligibles ; manque d'effectivité du droit d'information-consultation en cas de restructuration ; insécurité juridique lors d'un changement de périmètre de l'entreprise ; incertitudes sur l'articulation entre les instances nationales et européennes.

Equilibre préservé

Le texte auquel sont parvenus le Parlement européen et la Commission, en concertation avec les partenaires sociaux (la Confédération européenne des syndicats et Business Europe), renforce donc, désormais, les droits des CEE et des représentants des salariés (voir tableau comparatif p. 28). Toutefois, il préserve un équilibre entre les droits des salariés et les contraintes des entreprises.

Pour l'heure, il est difficile de voir comment se fera cet équilibre, même si le cas très particulier du réassureur Scor fournit quelques indications (lire p. 30).

Les principaux objectifs de la nouvelle directive

→ Accroître le nombre de CEE

Environ 820 entreprises disposent actuellement d'un CEE sur les 2 200 éligibles. Seules un tiers sont donc couvertes par un CEE, mais comme celles qui s'en sont dotées emploient beaucoup de salariés, il en résulte que 60 % des salariés éligibles (soit 14 millions) sont couverts. Ce qui n'est pas si mal.

La nouvelle directive peut-elle améliorer cette proportion ? Les délais pour ouvrir une négociation (6 mois) instituant un CEE et pour aboutir (3 ans) ne changent pas. Les entreprises qui traînent les pieds, à l'image de Brink's (lire p. 32), ne seront pas incitées à accélérer. En revanche, le texte précise les responsabilités de l'entreprise dans la transmission aux parties intéressées « des informations indispensables à l'ouverture de négociations [pour l'institution d'un CEE], particulièrement les informations relatives à la structure de l'entreprise ou du groupe et à ses effectifs ».

« Si l'on considère que l'obstruction des directions est la principale explication du faible développement des CEE, alors la directive peut changer les choses », commente Udo Rehfeldt, chercheur à l'Ires. Sauf que « le blocage ne vient pas seulement des directions : parfois, les salariés ne sont tout simplement pas demandeurs d'une instance européenne, soit parce qu'ils s'estiment déjà bien défendus au niveau national, soit parce qu'ils anticipent que les ressources militantes ne sont pas suffisantes », explique Elodie Béthoux, chercheure au CNRS (IDHE), spécialiste des comités d'entreprise européens (1).

Si les salariés n'étaient pas demandeurs avant la nouvelle directive, il n'y a pas de raisons qu'ils le soient après. Selon Udo Rehfeldt, « il ne faut donc pas s'attendre à une révolution ».

→ Renforcer l'effectivité de l'information-consultation

C'est l'objectif phare de la directive. Une étude de l'université de Manchester, réalisée auprès de représentants des salariés dans des CEE (2), montre qu'il y a du chemin à parcourir. Ainsi, plus de 40 % de ces représentants déclarent n'avoir été ni informés ni consultés sur les modifications des méthodes de travail, l'introduction des nouvelles technologies ou la réorganisation des lignes de production. Surtout, la moitié d'entre eux déclarent que le CEE n'a pas été consulté au sujet d'une restructuration de l'entreprise, ou l'a été après l'annonce publique.

La nouvelle législation déplace légèrement le curseur en faveur des salariés. Elle précise les définitions de l'information et de la consultation, qui doivent, désormais, être mises en oeuvre de manière à en assurer l'«effet utile». Elle dispose également que les représentants des salariés peuvent émettre un «avis», lequel « pourra être pris en compte ». « D'un point de vue français, la directive peut paraître vague », concède Elodie Béthoux. Mais « elle n'obéit pas à la logique procédurale de l'information-consultation française ; sa philosophie serait plutôt celle des accords de méthode », expose Evelyne Pichot, en charge de la directive à la DG Emploi de la Commission européenne (lire entretien p. 33).

→ Articuler les instances européennes et nationales

Soit une entreprise transnationale qui fusionne deux de ses activités dans un des pays dans lesquels elle est implantée. Ce sujet relève-t-il des seules instances représentatives nationales, ou bien du CEE ? Et dans le second cas, qui doit être consulté en premier ? La directive de 1994 n'abordait pas cette question, d'où de nombreux litiges. Les représentants des salariés ayant tendance à vouloir porter la question au niveau européen - arguant, par exemple, que la fusion relève d'une stratégie générale de l'entreprise -, quand les directions préfèrent la cantonner dans les instances nationales.

La nouvelle directive apporte d'utiles précisions en limitant les «questions transnationales» à celles impliquant « au moins deux entreprises » dans « deux Etats membres ». En outre, la directive incite les entreprises à aborder l'articulation entre les niveaux d'information-consultation dans leur accord. A défaut, l'information et la consultation sont menées « tant au sein du comité d'entreprise européen que des instances nationales ». « Cela devrait clarifier les choses », commente Elodie Béthoux.

→ Adapter le CEE aux changements de périmètre de l'entreprise

Deux entreprises fusionnent, chacune dispose d'un CEE. Que faire ? La directive de 1994 n'en soufflait mot. Du coup, il fallait inventer. GDF et Suez ont, par exemple, opté pour la constitution d'un groupe ad hoc, composé de représentants des instances des deux entreprises, chargé de négocier le CEE de la nouvelle entité (lire p. 31). La directive de 2008 prévoit désormais qu'en cas de conflit entre plusieurs accords, la direction ou les salariés entament la négociation d'un nouveau CEE. Dans l'intervalle, les accords existants continuent de fonctionner.

E. F.

(1) Le dialogue social transnational dans l'entreprise : dynamiques européennes, Elodie Béthoux, in Les nouveaux cadres du dialogue social. Europe et territoires, sous la direction d'Annette Jobert, Peter Lang, Bruxelles 2008.

(2) Douze ans après la directive, quelle efficacité réelle des comités d'entreprise européens ?, Jeremy Waddington, in Chronique internationale de l'Ires n° 104, janvier 2007. Enquête réalisée en 2005 à partir des réponses de 473 représentants des salariés.

L'essentiel

1 Le Parlement européen a adopté, le 16 décembre 2008, une nouvelle législation pour les comités d'entreprise européens (CEE).

2 La place des représentants du personnel dans les CEE en sort renforcée.

3 La nouvelle directive doit également permettre de remédier à certaines imprécisions de la précédente.

Les CEE des entreprises françaises coûtent le plus cher

Le coût de fonctionnement d'un CEE s'élève en moyenne à 271 000 euros par an, a calculé la société GHK Consulting, dans une étude très détaillée commandée par la Commission européenne, et réalisée entre janvier et avril 2008 auprès de 70 entreprises, dont 14 françaises. Cette somme se décompose ainsi : deux réunions pleinières à 101 000 euros l'unité ; les réunions du comité de pilotage (steering committee) (25 700 euros) et la formation (43 800 euros).

Un peu plus de la moitié du prix d'une réunion pleinière (52 %) provient de coûts fixes, essentiellement la traduction (42 %) et les transports (29 %). L'autre moitié représente les salaires, principalement celui des représentants du personnel (62 %) et de la direction (29 %).

Ecarts de coût

Avec plus de 80 000 euros de coûts fixes, les réunions pleinières françaises sont les plus chères, suivies des allemandes. « Ces écarts de coût entre pays s'expliquent en partie par les différences de taille entre les entreprises », relèvent les auteurs.

Les auteurs ont préféré isoler les frais d'experts tant les écarts sont importants entre les entreprises françaises et les autres. Les premières y consacrent 143 700 euros par an en moyenne, contre... 3 500 euros dans les autres pays. Frais d'experts compris, une entreprise française consacre 448 500 euros par an en moyenne à son CEE.

Selon le communiqué de la Commission, cette différence est à mettre sur le compte d'un plus fort recours aux cabinets de conseil du fait que les appareils syndicaux français ne sont pas en mesure d'assumer cette mission.

E. F.

Retrouvez le texte de la directive sur

< www.wk-rh.fr >, rubrique Entreprise & Carrières, «compléments d'articles».

Retrouvez l'étude sur

< www.wk-rh.fr>, rubrique Entreprise & Carrières, «compléments d'articles».