Les économistes, quelle que soit leur couleur politique, tendent souvent à réduire l'emploi au seul secteur de l'économie de marché, oubliant ou minorant les apports de l'économie de redistribution (revenus d'assistance ou d'assurance) et l'économie sociale. Mais, surtout, ils ignorent ceux de l'économie domestique. Tout se passe comme si ces secteurs se situaient hors du marché ou qu'ils étaient trop immatures ou informels pour y être assujettis.

Tout le monde garde donc, logiquement, les yeux rivés sur la croissance créatrice d'emplois, et confond marché et création de richesses. Or, contrairement aux idées reçues, l'économie est affaire de vie quotidienne. Les entreprises bénéficient, par exemple, des multiples apprentissages effectués dans la sphère domestique. En fait, il n'y a plus de discontinuité absolue entre le travail et les activités non économiques.

L'importance grandissante des relations de service - y compris dans le secteur industriel - rend déterminant l'investissement humain et intellectuel, dont une partie non négligeable relève de la collectivité publique. Sortir des paradoxes du chômage exige donc de repenser les conditions politiques (au sens étymologique de ce mot) de l'intégration sociale par le travail dans toutes ses dimensions.

Selon l'auteur, la nouvelle question politique suppose d'inclure dans le débat public une discussion sur la nature du travail pour que celui-ci ne soit plus précarisé. Réinventer le travail doit être une affaire de société et ne doit plus rester dans le seul champ de l'économie.

Jean-Louis Laville est sociologue au Cnam, codirecteur du Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique (CNRS-Cnam).