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Les pratiques

Une séparation «à l'amiable» encore en rodage

Les pratiques | Retour sur... | publié le : 13.01.2009 |

Simple et rapide, la rupture conventionnelle a du succès. Mais six mois après sa mise en oeuvre, on pointe déjà de petits dérapages.

Ce fut «la nouveauté» sociale de janvier 2008. Le principe de « séparabilité », cher à Laurence Parisot, voyait enfin le jour sous le nom de «rupture conventionnelle du contrat de travail». Entériné par la loi de modernisation du Code du travail du 25 juin 2008, le dispositif est encore jeune. Mais il décolle : 700 dossiers ont été recensés en juillet, 8 000 en décembre. « Cela marche bien. Rien que pour l'Hérault, en novembre, je recevais 30 demandes par jour », observe Alain Martinon, directeur à la DDTE et président de l'Artese (Association des directeurs du travail). Les cadres, les agents de maîtrise, tout comme les ouvriers et employés ainsi que les petites entreprises y ont recours. Les DRH des groupes, eux, l'utilisent avec parcimonie, de peur de l'effet boule de neige.

Plus de souplesse dans la rupture

La formule était très attendue, parce qu'elle introduit de la souplesse dans la rupture d'un CDI.

Le salarié a droit aux Assedic et touche l'«indemnité spécifique de rupture», équivalente à l'imdemnité légale de licenciement. L'employeur, lui, s'économise des procédures et des négociations onéreuses. Désormais, il suffit que les deux parties s'accordent sur les modalités lors d'un entretien et remplissent un formulaire type pour se séparer. A condition d'avoir respecté un délai de rétractation de quinze jours avant le dépôt de la demande à la direction départementale du travail, qui a quinze jours pour homologuer le divorce.

Peu de refus

Globalement, il y a peu de refus, selon Alain Martinon. Ils sont de l'ordre de 15 % à 20 %. Ce qui est peu en période de rodage. Les motifs portent sur le non-respect du calendrier - indication d'une date de rupture trop précoce -, ou des procédures pour les salariés protégés, et sur des indemnités insuffisantes. Encore que, le 14 octobre, les prud'hommes de Valence ont infirmé un refus d'homologation sur ce point : le salarié renonçait consciemment au montant légal. Cependant, il reste des sujets litigieux. Sur l'indemnité de licenciement, en particulier, se base-t-on sur la loi ou sur le minimum conventionnel lorsqu'il est plus favorable ? Selon Marcel Grignard, secrétaire national à la CFDT, et négociateur de l'ANI, le plus avantageux pour le salarié doit s'appliquer. Ce qui n'est pas la position du ministère. Ni de certains avocats. « Un montant supérieur au minimum légal se négocie, explique Stéphane Béal, spécialisé en droit social chez Fidal. L'employeur peut exiger des contreparties. Que le salarié ne parte pas avant d'avoir fini un projet de trois mois, par exemple. » Autre point de divergence, le fait qu'une rupture à l'amiable puisse avoir un motif économique. Ce qui est fréquent en PME. La circulaire du 25 juillet souligne qu'elle « ne doit pas s'inscrire dans une démarche visant à contourner les procédures et garanties légales ». Ce qui mérite exégèse !

Toutefois, ce texte est très clair sur l'abus éventuel du dispositif aux fins de masquer un plan social (à partir de dix salariés) ou couvrir une GPEC qui viserait à se séparer de catégories fragiles, les moins qualifiés ou des seniors de 57,5 ans à 60 ans, qui, pour le moment, sont dispensés de recherche d'emploi, une fois au chômage.

Démasquer les plans sociaux

Les directions du travail sont en alerte. Avant Noël, l'une d'elles, en région parisienne, s'est étonnée : le même jour, elle avait reçu 47 demandes émanant d'une banque du CAC 40. Soupçonnant le camouflage d'un PSE, elle ne les a pas homologuées. « Dès qu'on a des demandes rapprochées d'une même entreprise, je diligente une enquête, souligne Alain Martinon. On évalue son plan de charge, on regarde si les personnes sont remplacées. » Si elles ne le sont pas, le contournement est probable.

Vice de consentement

A cela peut s'ajouter un «vice de consentement», le salarié estimant avoir été dupé (lire encadré). « Il suffit qu'il ait conclu une rupture amiable et que, vingt jours plus tard, l'employeur lance un plan social avec des conditions de départ très avantageuses, dont un outplacement. Il pourra plaider la tromperie », expose Stéphane Béal. De fait, ce vice de consentement est la seule arme d'attaque sérieuse contre un dispositif plutôt bien bordé. En tout cas, au conseil des prud'hommes de Paris, les juges s'y attendent. Certains, dénonçant des « contrats bricolés sans motif », s'apprêtent, au moindre doute sur une pratique de chantage, à requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse. La pénalité : six mois de salaire minimum, des dommages et intérêts, et le remboursement aux Assedic.

LE CODE NAPOLÉON, LA RÉFÉRENCE

«La rupture d'un commun accord entre deux parties» existe dans le Code civil depuis 1804 et elle subsiste. Elle s'applique à tous les contrats civils et commerciaux, mariage, assurance, vente, travail, etc. L'article 1109 explicite le vice de consentement. « Le consentement ne doit pas être entaché d'erreur, de dol ou de violence ». Autrement dit, extorquer un «oui» par le harcèlement, la tromperie ou des manoeuvres frauduleuses amène droit au contentieux.