logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Les pratiques

Des marges de manoeuvre toujours plus étroites

Les pratiques | publié le : 13.01.2009 |

Image

Des marges de manoeuvre toujours plus étroites

Crédit photo

Automobile, sidérurgie, chimie, bâtiment, industrie nautique, électronique... En ce début d'année, peu de secteurs échappent au chômage partiel. Pour en limiter l'impact, les DRH proposent un éventail de mesures. Mais, alors que la crise s'installe, les compensations sont de plus en plus difficiles à trouver.

L'année 2009 commence mal, même très mal, pour les salariés de Bénéteau ; 2 000 ouvriers employés par le constructeur vendéen de bateaux (sur 2 300) sont actuellement en chômage partiel. Après les turbulences du quatrième trimestre 2008 (un jour chômé chaque semaine), la production s'arrête vingt jours en janvier. La reprise n'est prévue que pour le 2 février.

A Ancenis (Loire-Atlantique), la crise pèse également sur Manitou, le numéro un mondial du chariot élévateur. Les stocks s'accumulent. Les commandes sont reportées, voire annulées. Tous les sites de production ont fermé leurs portes quatre semaines en décembre. Après une reprise d'une semaine, ils resteront à nouveau clos du 19 au 26 janvier, puis pendant huit jours en février. Sans surprise, la fiche de paie sera revue à la baisse : l'indemnisation se fait à hauteur de la base légale, soit 60 % de la rémunération brute contre 50 % auparavant, selon le nouvel accord des partenaires sociaux du 15 décembre (lire l'article p. 17). « Le salaire sera également amputé des primes liées au travail de nuit ou posté, note Joël Provot, délégué syndical CFDT. Les salariés concernés devraient, ainsi, perdre près de 500 euros par mois, sur un salaire d'environ 1 500 euros. Ce qui revient à être rémunéré au Smic. » Autant dire que le treizième mois, versé fin décembre, a été le bienvenu...

Récession

Ici et là, la France affronte le choc d'une récession brutale. L'industrie automobile (Renault et PSA Peugeot Citroën), l'industrie nautique (Bénéteau, Jeanneau, Dufour Yachts), la sidérurgie (ArcelorMittal), l'industrie chimique (Rhodia), le bâtiment, tous les grands noms de l'économie française sont touchés par la crise, entraînant dans leur sillage les équipementiers (Faurecia, Valeo, Michelin) et les fournisseurs. Chez Bénéteau, il faut remonter à 1993 pour trouver une situation aussi noire. Même les entreprises des secteurs de pointe, comme STMicroelectronics (composants électroniques), n'échappent pas à la crise.

Face à l'ampleur du phénomène, les DRH tentent, autant que faire se peut, de limiter les dégâts. La baisse du pouvoir d'achat est, en effet, dans toutes les têtes. Au «travailler plus pour gagner plus» succède, aujourd'hui, le nouveau slogan «travailler moins pour gagner moins». D'autant que tous les salariés ne sont pas décidés à payer l'addition. Chez ArcelorMittal Wire, filiale tréfilerie d'ArcelorMittal, par exemple, implantée sur cinq sites nationaux, un véritable bras de fer s'est engagé entres syndicats et direction. « Les salariés ont fourni un très gros effort au cours du premier semestre et gardent en mémoire les bénéfices de 7,7 milliards d'euros affichés par ArcelorMittal pour 2007, explique Gérard Lando, délégué CGT central d'ArcelorMittal Wire, basé à Commercy. Nous ne pouvions pas accepter la proposition initiale de l'entreprise, qui prévoyait d'indemniser le chômage partiel au strict minimum légal. »

Incitation à la prise de congés

Dès le dernier trimestre 2008, les DRH ont tenter de juguler le chômage partiel en jouant sur un éventail de mesures : ils ont liquidé les stocks de RTT, de congés payés, ou utilisé les jours inscrits sur les CET. Les directions ont multiplié les incitations à poser tout ce qui pouvait se faire en congés. Autre mesure radicale : Faurecia a imposé 15 jours de congés pendant la période de Noël à tout le personnel de son siège basé à Nanterre (92). Des congés payés pour les salariés qui avaient encore des jours à prendre ; des congés sans solde, en revanche, pour les autres.

La formation a également permis de limiter l'impact du chômage partiel. C'est l'option choisie par ArcelorMittal, Michelin, ou encore Bosch, qui ont mis à profit les heures non travaillées pour des formations à la sécurité ou aux risques incendie. Les salariés sont également encouragés à liquider leur DIF, soit un peu plus de 70 heures depuis la création du dispositif, en 2005.

Modulation horaire

La modulation horaire a également été très utile. Grâce à ce type de système, PSA rémunère « les journées non travaillées à 100 % ». Le temps perdu est récupéré en augmentant la durée du travail à d'autres périodes.

Mais, à mesure que la crise s'installe, ces options présentent rapidement leurs limites. Car si les salariés n'ont plus de congés à prendre, ils basculent dans le chômage partiel pur et dur. Normalement, ils perçoivent 60 % de leur rémunération brute par heure non effectuée. Mais ce montant peut être plus élevé. Chez Rhodia, il atteint environ 85 % du salaire net, en moyenne, grâce à la convention collective des industries chimiques. Bénéteau s'est engagé à agir dans le même sens. La perte de salaire sera de 4 % pour les plus bas salaires et de 25 % pour les salaires les plus élevés.

ArcelorMittal, placé sous l'oeil de l'Elysée, portera également l'indemnisation du chômage partiel à hauteur de 70 % du salaire brut. Les salariés seront ainsi indemnisés à hauteur de 80 % de leur salaire net. « Nous maintenons notre demande d'indemnisation à 100 % et cette revendication sera à l'ordre du jour de la grande manifestation nationale à laquelle nous participerons le 29 janvier prochain », prévient Gérard Lando.

Pour le mois de janvier, ArcelorMittal Wire a déposé, auprès des directions départementales de l'emploi concernées, des demandes de chômage partiel portant sur 1 500 heures à Commercy, 8 000 heures à Marnaval, 1 800 heures à Saint-Colombe (65 personnes dans l'Aube) et 13 500 heures à Bourg-en-Bresse (400 personnes dans l'Ain).

Chez STMicroelectronics, à Tours, les primes d'équipe, de conditionnement, d'intéressement seront maintenues, permettant de conserver environ « 90 % du salaire net », selon Jean-Pierre Kinitjan, délégué syndical CFE-CGC de l'entreprise.

Limiter les pertes de revenus

De même, le groupe helvético-japonais Amman-Yanmar (mini-pelles de chantier), à Saint-Dizier (Haute-Marne), qui travaille essentiellement pour les loueurs de matériel, a maintenu la prime d'ancienneté et ajouté au minimum légal un complément représentant 20 % du salaire brut. La rémunération minimale est ainsi portée à 1 034 euros net par mois pour 105 heures chômées, soit une perte de revenus limitée à 3 % pour les plus bas salaires. « Cette proposition nous a plutôt agréablement surpris et confirme la volonté des actionnaires et de la direction de sauver l'entreprise », souligne Jean-Michel Bozek, délégué CFDT de l'entreprise. Le groupe a consenti une augmentation de capital de 15 millions d'euros pour permettre à l'usine, fondée en 2000, de surmonter les turbulences hivernales.

Renault, de son côté, fait appel à la solidarité de l'ensemble de son personnel afin de verser des paies supérieures aux «standards». Un fonds spécifique est ouvert, dans lequel les salariés peuvent faire un don en renonçant à des jours de congés. L'entreprise abondera à hauteur de 110 % des sommes versées.

Toutes les entreprises ne peuvent, toutefois, améliorer le système d'indemnisation existant. C'est pourquoi, certaines directions n'ont pas hésité à puiser dans les congés 2009 que les salariés n'ont pas encore acquis. Ainsi, chez Dufour Yachts (bateaux de plaisance), à Périgny, près de La Rochelle, le planning s'annonce serré : l'année est déjà amputée d'une semaine de congés. Pour compenser le chômage partiel de décembre, l'entreprise a, en effet, fait une avance de salaire d'une semaine fin 2008 en prévision des fêtes. Les salariés travailleront 35 heures supplémentaires au printemps, lors de la reprise tant espérée de l'activité. Idem chez STMicroelectronics, à Tours. Les vacances 2009 seront grignotées de deux semaines. Les 950 ouvriers de production (sur 1 500) n'ont repris que le 9 janvier. Cinq jours ont donc été déposés en ce début d'année. De même, ils n'auront pas droit à leurs prochains congés de Noël. La cinquième semaine sera prise lors des congés scolaires de février. Chez Bénéteau, fin décembre, la plupart des salariés étaient redevables d'une cinquantaine d'heures. Ces jours pourraient être redonnés le samedi matin.

Alimentation du CET

Chez Michelin, la direction souhaite également apporter plus de flexibilité au temps de travail, en fonction des fluctuations d'activité. L'une des pistes serait d'alimenter le CET par anticipation. Concrètement, les salariés pourraient verser, par avance, cinq jours de congés sur un CET. De son côté, l'entreprise abonderait à hauteur de 20 % les jours donnés par les salariés. Autrement dit, les salariés « ne seraient redevables que de quatre jours », selon le service de presse. Une proposition similaire est à l'étude chez Bosch et chez STMicroelectronics.

L'essentiel

1 Bénéteau, Jeanneau, Rhodia, ArcelorMittal, Renault, PSA, Faurecia, Michelin, Valeo, Manitou... Les entreprises françaises sont durement touchées par le chômage partiel.

2 Depuis le 1er janvier, le nombre d'heures de chômage partiel indemnisables est porté à 800 par an. Il passe même à 1 000 heures pour l'automobile, le textile, l'habillement et le cuir. Les salariés perçoivent, eux, 60 % de leur rémunération brute.

3 Sur le terrain, les DRH ont tenté de limiter les dégâts : annualisation, liquidation des RTT, prise des congés payés 2009, anticipation sur le CET...

Chômage partiel, mode d'emploi

Le chômage partiel peut être utilisé de manière exceptionnelle et passagère. Pour l'activer, l'employeur doit préalablement consulter les représentants du personnel. Puis adresser une demande d'indemnisation à la Direction départementale du travail. L'administration dispose d'un délai de vingt jours pour se prononcer. Son refus doit être motivé.

La mesure doit être collective et concerner des salariés affectés à une même tâche (établissement, service, atelier...).

Le salarié perçoit 60 % de sa rémunération brute antérieure. « Cette augmentation est supportée pour moitié par l'Etat, via l'allocation spécifique de chômage partiel versée par les pouvoirs publics à l'entreprise », assure Stéphane Béal. Toutefois, l'employeur « doit garantir le Smic net à ses salariés », soit 1 321,01 euros brut par mois. Il s'agit de « la rémunération mensuelle minimale ».

Les congés payés sont dus, mais « avec une réduction des droits à congé, car cette suspension d'activité n'est pas assimilée à du temps de travail effectif ». En cas de maladie, « il n'y a pas de versement d'allocations complémentaires maladie ».

Les personnes impactées par des suppressions d'emploi doivent être exclues de l'indemnisation du chômage partiel. De même que celles « travaillant moins de 18 heures par semaine ».

« Les salariés intérimaires bénéficient de l'indemnisation de chômage partiel lorsque l'entreprise utilisatrice réduit ou suspend son activité. S'agissant des CDD, l'indemnisation est exclue lorsque le motif de recours à celui-ci est l'accroissement temporaire d'activité ».

Les salariés soumis à une convention de forfait sur l'année « ne peuvent bénéficier de l'allocation spécifique de chômage partiel hormis lors d'une fermeture de l'établissement, c'est-à-dire en cas d'arrêt d'activité. Dans ce cas, le nombre d'heures indemnisables est déterminé en fonction de la durée hebdomadaire légale applicable. Ils percevront alors une allocation égale, pour chaque journée perdue, au taux de l'allocation horaire multiplié par la durée moyenne quotidienne de travail équivalente à la durée légale.

Le contingent d'heures et l'indemnisation viennent d'être augmentés

Par un arrêté publié au J0, le 3 janvier, le gouvernement a fortement relevé le contingent annuel d'heures indemnisables au titre du chômage partiel, le faisant passer de 600 à 800 heures par an pour l'ensemble des branches professionnelles. Ce contingent est même porté à 1 000 heures par an pour « les industries du textile, de l'habillement et du cuir, pour l'industrie automobile et ses sous-traitants qui réalisent avec elle au minimum 50 % de leur chiffre d'affaires ainsi que pour le commerce de véhicules automobiles ». Sur la base de 35 heures hebdomadaires (1 600 heures par an), cela correspond à un mois supplémentaire de chômage technique autorisé par an (22 semaines au lieu de 17) dans l'ensemble des secteurs, et à deux mois de plus dans l'automobile et le textile (28 semaines au lieu de 17).

Revalorisation

Par ailleurs, le taux d'indemnisation est revalorisé. Il passe de 50 % à 60 % de la rémunération horaire brute, avec un montant minimum porté de 4,42 à 6,84 euros. L'Etat remboursant à hauteur de 3,33 euros pour les entreprises de plus de 250 salariés et de 3,84 euros pour les PME. Cette revalorisation fait suite à la négociation des partenaires sociaux, qui a débouché sur un accord conclu le 15 décembre et signé par toutes les organisations, à l'exception de la CGT et de la CGPME. « Cet avenant modifie, ainsi, l'ANI du 21 février 1968 », indique Stéphane Béal, directeur adjoint du département social de Fidal.

Devant l'ampleur de la crise, le gouvernement a aussi doublé le budget de l'Etat prévu pour aider les entreprises en chômage technique, 40 millions d'euros en 2009. Si cela ne suffit pas, il pourra puiser dans l'enveloppe de 500 millions d'euros du plan de relance.

Par ailleurs, les salariés pourront être contraints d'interrompre leur activité pendant six semaines consécutives au lieu de quatre précédemment. « Au-delà, explique Stéphane Béal, les allocations spécifiques ne sont plus versées. Les salariés sont alors considérés comme étant à la recherche d'un emploi et admis au bénéfice des allocations d'assurance chômage. » A. B.

Indemnisation, mode d'emploi

Le chômage partiel peut être utilisé de manière exceptionnelle et passagère. Pour l'activer, l'employeur doit préalablement consulter les représentants du personnel. Puis adresser une demande d'indemnisation à la Direction départementale du travail. L'administration dispose d'un délai de vingt jours pour se prononcer. Son refus doit être motivé.

La mesure doit être collective et concerner des salariés affectés à une même tâche (établissement, service, atelier...).

Le salarié perçoit 60 % de sa rémunération brute antérieure. « Cette augmentation est supportée pour moitié par l'Etat, via l'allocation spécifique de chômage partiel versée par les pouvoirs publics à l'entreprise », assure Stéphane Béal. Toutefois, l'employeur « doit garantir le Smic net à ses salariés », soit 1 321,01 euros brut par mois. Il s'agit de « la rémunération mensuelle minimale ».

Les congés payés sont dus, mais « avec une réduction des droits à congé, car cette suspension d'activité n'est pas assimilée à du temps de travail effectif ». En cas de maladie, « il n'y a pas de versement d'allocations complémentaires maladie ».

Attention : les personnes impactées par des suppressions d'emploi doivent être exclues de l'indemnisation du chômage partiel. De même que « les salariés travaillant moins de 18 heures par semaine ».

« Les salariés intérimaires bénéficient de l'indemnisation de chômage partiel lorsque l'entreprise utilisatrice réduit ou suspend son activité. S'agissant des CDD, l'indemnisation est exclue lorsque le motif de recours à celui-ci est l'accroissement temporaire d'activité ».

Les cadres et plus généralement les salariés soumis à une convention de forfait sur l'année « ne peuvent bénéficier de l'allocation spécifique de chômage partiel hormis lors d'une fermeture de l'établissement, c'est-à-dire en cas d'arrêt d'activité. Dans ce cas, le nombre d'heures indemnisables est déterminé en fonction de la durée hebdomadaire légale applicable. Ils percevront alors une allocation égale, pour chaque journée perdue, au taux de l'allocation horaire multiplié par la durée moyenne quotidienne de travail équivalente à la durée légale.

Coups de pouce en région

La Lorraine a annoncé, le 7 janvier, qu'elle allait débloquer un million d'euros pour former 15 000 salariés en chômage partiel ou technique. « En formant ces salariés, nous les armons et nous les accompagnons dans la sécurisation de leur emploi. Il s'agit d'anticiper en proposant une alternative à un éventuel licenciement », selon Laurence Demonet, vice-présidente du conseil régional. La priorité pour ces formations devant débuter en février sera donnée aux salariés peu ou pas qualifiés (fins d'intérim, CDD, mais aussi CDI) qui pourront faire évoluer leurs compétences « et donc maintenir leur emploi ».

En Rhône-Alpes, le plan de soutien à l'économie de la région (57 millions d'euros) prévoit d'aider les salariés actuellement en chômage partiel. Une enveloppe de 1,7 million d'euros leur est destinée. L'objectif étant d'utiliser les heures non travaillées pour la formation, en ciblant les moins qualifiés. Les modalités d'abondement sont à définir avec les collecteurs de formation. Les PMI de la Vallée de l'Arve, place forte du décolletage en France, sont les premières ciblées par le projet régional ; 300 000 euros devraient être consacrés aux 4 000 salariés basés sur ce bassin mono-industriel, tributaire de l'automobile. La CGPME Rhône-Alpes a plaidé leur cause : « Il y a urgence à agir, note Cyril Amprino, le secrétaire général du syndicat patronal ; 40 % des entreprises ont vu leur carnet de commandes chuter de 30 % à 70 % au cours du dernier trimestre. Pour l'instant, les entreprises recourent au chômage partiel. Nous devons éviter la prochaine étape, celle des PSE. » L'Agefos PME Rhône-Alpes réfléchit actuellement au programme des formations. L'Opcaim devrait également faire ses propositions.