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Reconnaissance et performance sont indissociables

Enjeux | Plus loin avec | publié le : 13.01.2009 |

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Reconnaissance et performance sont indissociables

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La demande de reconnaissance des salariés est de plus en plus forte, mais les entreprises ont des difficultés à la satisfaire. Pourtant, c'est en étant reconnus qu'ils peuvent s'engager dans leur travail et contribuer à la performance de l'organisation.

E & C : On constate une forte demande de reconnaissance de la part des salariés. Mais il semble que l'entreprise peine à y répondre. Pourquoi ?

Christian Jouvenot : Il y a certainement une difficulté à appréhender cette notion, si ce n'est dans le sens de la rémunération. Or, pour les entreprises, c'est ouvrir la boîte de Pandore et, surtout, on ne peut pas réduire la reconnaissance à cela. Ce serait faire l'impasse sur un pan énorme de ce que recouvre cette notion. Le terme est un peu fourre-tout et en passe de devenir, comme le souligne le sociologue François Dubet, « le dénominateur commun de la plupart des plaintes et des luttes sociales ». Il y a trois manières d'utiliser le mot «reconnaître» : il y a l'idée de reconnaître quelque chose ou quelqu'un - une identité -, l'idée de se reconnaître soi-même capable de - sa responsabilité, sa capacité à faire - et l'idée d'être reconnu - l'accès à la reconnaissance mutuelle. C'est dans le jeu entre ces trois usages du terme que se situe certainement la reconnaissance. Dans l'entreprise, elle se joue dans la combinaison des relations interpersonnelles - avec les collègues, le chef d'équipe, les clients -, dans les situations de travail et, enfin, dans l'emploi, c'est-à-dire dans le champ du droit - contrat de travail, accords d'entreprise...

E & C : Pourquoi les entreprises ont-elles intérêt à prendre en compte la question de la reconnaissance ?

C. J. : Un grand nombre d'entreprises réclament un engagement fort des salariés. On leur demande de prendre des initiatives, de faire preuve d'autonomie, de prendre des responsabilités. Cela ne peut marcher que s'il y a de la reconnaissance en face. C'est dans les relations interpersonnelles que se joue la confiance que l'on a en soi et c'est celle-ci qui permet d'agir, de se projeter dans l'avenir, d'innover. Traiter cette demande est primordial pour l'entreprise, même si cette dernière est focalisée sur la performance. Mais la reconnaissance est à la performance ce que le verso est au recto d'une feuille de papier. C'est une autre façon de l'aborder. Ainsi, une des manières de reconnaître quelqu'un au travail, c'est de lui confier des responsabilités. On «reconnaît» qu'il est compétent ou capable. Si on aborde la responsabilité uniquement sous l'angle de la performance, on ne fera que poser des exigences ou demander des comptes.

E & C : Comment l'entreprise peut-elle introduire la reconnaissance dans son management ?

C. J. : La première marque de reconnaissance, c'est d'admettre la réalité du travail. Il faudra être très attentif à qualifier la responsabilité donnée et à soutenir les personnes dans son exercice. La reconnaissance passe donc par du soutien. Le manager de proximité a évidemment un rôle très important à jouer, car c'est lui qui connaît la réalité de l'activité et peut faire remonter les demandes à la direction. Mais sa tâche la plus difficile est de maintenir son collectif de travail uni, de favoriser la coopération entre les membres tout en distinguant l'apport de chacun au collectif. La reconnaissance se joue, en effet, aussi, entre collègues.

E & C : Les outils de GRH prennent-ils bien en compte la reconnaissance ?

C. J. : L'entretien annuel d'évaluation est un outil intéressant, à condition que les salariés s'y reconnaissent et qu'il soit bien construit. C'est la même chose pour les référentiels de compétences : ils doivent simplifier - sinon, ils sont trop compliqués à utiliser - mais ils ne doivent pas perdre l'essentiel.

La reconnaissance me paraît plutôt liée aux perspectives professionnelles qu'à l'évaluation. Dans ce sens, la VAE (validation des acquis de l'expérience) et l'accès à la formation sont peut-être des outils plus importants : on sait bien que l'envoi en formation, que l'accrochage à une certification sont des actes de reconnaissance. En outre, ils donnent une perspective au salarié.

E & C : Dans votre étude sur la reconnaissance, vous proposez un outil assez simple à mettre en oeuvre...

C. J. : Oui, c'est un outil d'appréciation des pratiques en entreprise sur le thème de la reconnaissance. A partir d'une série de questions - les salariés sont-ils responsabilisés dans leur travail ? Peuvent-ils innover ? Ont-ils confiance en leur chef ? Appartiennent-ils à une équipe ? etc. -, il est possible de constater les points forts et les points faibles de l'entreprise.

Ce qui est intéressant, c'est de remplir ce questionnaire avec tous les acteurs - chef d'entreprise, salariés, DRH, encadrement de proximité... - pour confronter les différentes visions. Cela permet de socialiser la problématique de la reconnaissance qui est très individuelle, et de la mettre en débat. Certaines Aract l'utilisent pour le diagnostic des risques psychosociaux. C'est une autre manière de remettre en route l'entreprise.

PARCOURS

• Christian Jouvenot est chargé de mission à l'Association régionale pour l'amélioration des conditions de travail (Aract) du Nord-Pas-de-Calais. Ses thèmes de travail portent sur les démarches compétence.

• Il a coordonné avec Michel Parlier l'ouvrage Elaborer des référentiels de compétences (éd. Anact, 2005) et est l'auteur, avec Christèle Pierre (Aract Franche-Comté), de La reconnaissance au coeur des démarches compétence. Une étude téléchargeable sur le site de l'Anact < www.anact.fr >.

SES LECTURES

Parcours de la reconnaissance, Paul Ricoeur, Stock, 2004.

Le modèle occidental de la guerre, Victor Hanson, Tallandier, coll. Texto, 2007.

La grande transition - La France dans le monde qui vient, Pierre Veltz, Seuil, 2008.