Il est des initiatives socialement responsables très rentables. C'est ce que prouve celle de Dominique Laure, patron de l'entreprise de transports routiers du même nom, installée à Saint-Etienne-de-Monluc, à 8 kilomètres de Nantes. Son projet : proposer pour un euro par jour une Clio à la location à chacun de ses 135 salariés ; 92 % y ont aujourd'hui souscrit.

« Mon raisonnement a été simple, indique-t-il. D'un côté, j'étais témoin des fins de mois difficiles de mes salariés, saisies sur salaire ou demandes d'avance, et, de l'autre, j'étais confronté à de nombreuses démissions à l'approche du mois de juin, occasionnant l'immobilisation de mes véhicules durant de nombreux mois faute de remplaçants. Je devais donc trouver un moyen d'améliorer le quotidien de mon personnel et, par ricochet, de le fidéliser. »

Une augmentation de salaire ? Impossible, trop préjudiciable à la compétitivité de l'entreprise présente sur un marché hautement concurrentiel. Pourtant, le chef d'entreprise voulait trouver l'équivalent d'un 13^e mois, environ 2 000 euros, soit, peu ou prou, le coût de l'entretien annuel d'un véhicule d'occasion. C'est cette piste qu'il a exploitée. Lors de réunions organisées durant l'automne 2007, il expose son idée à son personnel : la location pour 1 euro par jour d'un véhicule neuf, moins consommateur de carburant. « Dans la salle, un tiers ont répondu spontanément «je prends !» ; un autre tiers des salariés, moins à l'aise avec les chiffres, ont demandé un temps de réflexion ; les derniers, suspicieux, cherchaient le piège », détaille le transporteur.

Avant de commander les véhicules au concessionnaire Renault mis sur l'affaire, Dominique Laure fait un dernier tour de table. Finalement, 72 % des salariés souhaitent bénéficier de l'opération. Au printemps 2008, à l'arrivée des 100 véhicules, les derniers sceptiques font machine arrière.

En parallèle, Dominique Laure a créé Tétraloc, société de location de véhicules, qui a fait l'acquisition des 125 Clio Diesel. « C'est avec cet établissement que les salariés signent un contrat commercial. Autrement dit, leur contrat de travail ne mentionne pas la voiture », précise l'employeur. Ce qui permet de ne pas intégrer la valeur de cet avantage en nature dans le revenu fiscal. D'autre part, Tetraloc facture 180 euros par mois à Transports Laure le droit de placer, sur chaque véhicule loué aux salariés, une publicité à ses couleurs.

Depuis, le turn-over de l'entreprise est passé de 13 % à 0 %. « Exit les petites annonces à publier pour trouver des remplaçants, les formations des débutants, les petits accidents de première prise de service, le temps perdu à recruter », énumère Dominique Laure. Et là ne s'arrêtent pas les gains de l'initiative. Dès lors qu'il n'y a plus de temps morts, les camions tournent sans arrêt, les clients, satisfaits, augmentent le nombre de leurs commandes, la notoriété de l'entreprise a grandi. Du coup, elle a recruté 8 chauffeurs supplémentaires mais sans avoir eu à chercher. Les 250 000 euros de départ dépensés ont été très largement absorbés. Pour les salariés, l'économie d'essence générée se chiffre à 70 euros par mois. A en croire le patron, le climat social n'a jamais été aussi serein.