Confrontée à la difficulté d'attirer ingénieurs et consultants de très haut niveau, la SSII Steria veut se différencier de ses concurrents sur le marché de l'emploi grâce à l'actionnariat salarié et à la gouvernance participative. En effet, les salariés de Steria détiennent 17 % de la société. Ils exercent, en outre, via la société en commandite par actions Soderi, une partie du pouvoir au sein de l'entreprise.

Explication : tous les ans, Steria organise une augmentation de capital réservée aux salariés. Ceux qui le souhaitent font un versement volontaire pour obtenir des actions avec une décote de 20 % que Steria abonde à hauteur de 25 %. Leur argent est alors placé dans un fonds commun intégralement investi en actions Steria.

Une fois actionnaires de Steria, ils adhèrent à Soderi. « Cette société anonyme simplifiée, associée commanditée du groupe Steria, est le véhicule créé pour matérialiser le pouvoir des salariés, explique Yves Rouilly, président de Soderi, ex-directeur de la stratégie et de la communication financière de Steria. Via Soderi, les salariés sont non seulement associés aux résultats, mais aux décisions de l'entreprise. » De fait, tous les membres de Soderi participent une fois par an à une assemblée générale. L'occasion, pour eux, de se prononcer par vote sur les décisions que leur soumet le conseil d'administration. Ce conseil, qu'ils ont élu, nomme et révoque le gérant de Steria. Il élit également son propre président, qui se réunit chaque mois avec le gérant et le président du conseil de surveillance de Steria. Au final, aucune résolution du conseil de surveillance de Steria ne peut être prise sans l'accord du conseil d'administration de Soderi.

« Compte tenu de leur rôle, les actionnaires salariés peuvent participer à des formations financées par Soderi pour améliorer leur compréhension des enjeux, des formations à l'économie, à la finance et aux techniques boursières », précise Yves Rouilly.

En tant que commanditée, Soderi perçoit, en effet, 1 % du bénéfice de Steria, qui a réalisé, l'an dernier, une marge opérationnelle de 7,3 %. « Cet argent sert également à financer divers outils de communication qui contribuent à la cohésion des actionnaires salariés, ajoute le président de Soderi. Ils disposent, ainsi, d'un site web, d'un webzine et d'une newsletter intitulée Stock Market News, disponible en français ou en anglais. L'assemblée générale peut, en outre, être visionnée par Internet, en direct ou en différé. »

Pour Yves Rouilly, cette structure très particulière est la clé de l'indépendance et de la réussite de Steria. « Difficile de lancer une OPA sur Steria, argumente-t-il. Car il faut obtenir l'accord des salariés. A l'inverse, il est plus facile pour Steria d'acquérir des entreprises dont les dirigeants savent qu'ils auront voix au chapitre. C'est ainsi que nous avons pu, l'an dernier, racheter la société indo-britannique Xansa, que nous n'étions pas seuls à convoiter. » L'opération est loin d'être anodine : elle a doublé les effectifs de Steria et fait passer l'actionnariat salarié de 20 % à 17 %. « Le plus important, lors d'une acquisition, est de convaincre les salariés et de dégager rapidement des synergies, rappelle Yves Rouilly. Dans notre cas, l'opération n'aurait pas été possible sans l'aval préalable du conseil d'administration de Soderi. Le débat a donc eu lieu avant. »

De la pénurie de talents à la consolidation, en passant par la financiarisation, ce mode de gouvernance répond aux grandes questions du moment. « Alors que les bourses s'affolent, notre actionnariat est complètement stable, se félicite le président de Soderi. Les actionnaires salariés adhèrent à la stratégie à long terme, puisqu'ils ont contribué à l'élaborer. D'ailleurs, la crise actuelle renforce notre conviction que les salariés doivent comprendre ce qui se passe et participer aux décisions. Nous les formons et les informons afin de les aider à analyser la situation. Nous continuons, également, à faire des augmentations de capital à leur attention. »

• Activité : informatique.

• Effectifs : 5 500 salariés en France.

• Chiffre d'affaires : 550 millions d'euros en France.