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Enquête

Horemis traque les métiers d'avenir

Enquête | publié le : 09.12.2008 |

Comment tourner le dos à une industrie moribonde et envisager de nouvelles pistes d'avenir ? C'est la mission confiée au cabinet Horemis, qui anime l'antenne emploi d'Essex (Aisne).

Les anciens locataires sont partis depuis longtemps déjà. Mais les papiers mauve et orange tapissent encore les murs de l'appartement... C'est ici, au 3, rue Albert-Duval, à Chauny (Aisne), que l'antenne emploi d'Essex (Superior Essex, 4 100 salariés monde), spécialisée dans la production de fils de cuivre émaillés, a élu domicile. Une sorte d'HLM, à deux pas du site industriel, louée par l'entreprise, le temps de reclasser les salariés licenciés le 25 août dernier, suite à la fermeture de l'usine. Pour les accompagner, le groupe a retenu le cabinet parisien Horemis (groupe Hominis). Soixante-six salariés (sur les 123 personnes licenciées) ont adhéré au dispositif, dont 90 % d'ouvriers de production. Les autres sont partis à la retraite, sur d'autres sites du groupe (notamment à Macon, Compiègne ou encore Meyzieu) ou ont trouvé eux-mêmes une solution d'avenir. Les adhérents de l'antenne, en revanche, ont tous opté pour un congé de reclassement, d'une durée de sept mois pour les moins de 45 ans, et de neuf mois pour les plus âgés. Durant cette période, ils perçoivent 65 % de leur rémunération brute antérieure. L'entreprise prend intégralement à sa charge la couverture maladie et les retraites.

Ambiance sereine

Comment perçoivent-ils la situation ? Quelles sont les solutions pour rebondir ? Ce mercredi 3 décembre, l'ambiance se veut sereine. Le café est prêt ; une salle est à la disposition des salariés, avec ordinateurs, téléphone, fax et affichage des postes.

Certains passent, avec les enfants, discuter avec les ex-collègues. Les annonces à répétition de plan social ? La chute de 30 % de l'intérim sur le bassin d'emploi, en septembre et octobre dernier ? Les projets de recrutement en suspens ? Ces mauvaises nouvelles ne doivent pas démobiliser les visiteurs. Mieux, elles doivent être occultées. « Franchement, je leur conseille de couper leur télé pendant leur recherche d'emploi, lance Mireille Canihac, pilote de l'antenne. Le bassin est, certes, enclavé et sinistré. Il a déjà subi le déclin du textile. Aujourd'hui, c'est l'activité industrielle qui périclite. Mais notre mission est de les amener à transférer leurs compétences vers d'autres secteurs émergents sur le territoire. »

Emplois cachés

Et pour réussir ce pari, le cabinet a établi une véritable feuille de route : débusquer les emplois du marché caché, nouer des partenariats avec les acteurs économiques locaux (communauté de communes, maison de l'emploi, mairie), afficher les métiers en tension (soudeur, chauffagiste, serveur...). Surtout, le cabinet dispose d'un call center, à Paris, chargé de prospecter les entreprises du bassin d'emploi. Mille d'entre elles ont été contactées et 123 postes ont été trouvés. Outre les entretiens individuels, le cabinet a développé des ateliers de recherche d'emploi collectifs : rédiger une lettre de candidature ; utiliser Internet pour mener sa recherche ; réussir un entretien ; décrocher un rendez-vous par téléphone.

Offres valables d'emploi

Horemis s'est engagé à proposer deux offres valables d'emploi (OVE) à chaque candidat, à moins de 50 kilomètres du domicile, sur un poste correspondant à ses compétences et à son projet professionnel. « Chaque adhérent signe une charte d'engagement, explique Emile Merey, chef de projet du cabinet. A nous de faire sortir les projets de terre. A lui de tenir ses engagements (se déplacer pour les rendez-vous, répondre à des annonces). »

Le cabinet de reclassement est directement intéressé au résultat : il perçoit un bonus de 20 % du montant global des honoraires si le taux de reclassement est atteint au bout de la période fixée, soit six mois. Si de tels résultats ne sont pas obtenus, l'antenne peut être prolongée deux fois trois mois... Cinq consultants se relaient sur la cellule, dont un spécialisé en création d'entreprise.

Ce jour-là, justement, Daniel P., 40 ans, ex-délégué du personnel, fraîchement licencié en raison de son statut de salarié protégé, a rencontré Nathalie Saumon, l'une des consultantes de l'équipe. « Nous avons discuté de formation », explique cet opérateur qui « en avait vraiment marre » de ce qu'il faisait. « En fait, j'ai monté mon entreprise d'électricité, voilà deux ans. Comme j'étais en horaire posté, j'ai pu développer mon activité pendant mes heures creuses. Je ne gagnais pas d'argent car je réinvestissais tout mon chiffre d'affaires dans la société. » Toute la démarche de reconversion va consister ici à développer son entreprise afin de le faire vivre. « Nous avons passé en revue les possibilités de formation, des modules techniques, par exemple, mais aussi commerciaux. Je dois aujourd'hui prospecter les commerçants, les petites entreprises. Il va falloir que je réalise une plaquette commerciale... »

Budget formation

L'entreprise s'engage à verser une prime de 7 000 euros à chaque créateur d'entreprise. La formation est également un des points forts du dispositif. Car Essex n'a pas lésiné sur les moyens. Outre les indemnités supra légales de licenciement (30 000 euros par salarié), les aides au déménagement, et les primes de retour rapide à l'emploi, un budget de 5 000 euros par salarié a été débloqué pour la formation.

Une aubaine également pour Olivier M., 42 ans, technicien qualité. « L'industrie, ici, c'est mort, explique-t-il. J'étudie des pistes de formation dans l'environnement, notamment dans le domaine QHSE (Qualité, hygiène, sécurité et environnement). Il pourrait y avoir des débouchés dans des entreprises telles que Veolia. »

Métiers d'avenir

Ici, à Chauny, les métiers d'avenir sont scrutés à la loupe. Quels sont-ils ? « Le secteur de l'environnement est prometteur, assure Mireille Canihac, notamment le domaine des énergies renouvelables ou encore des traitements de déchets. Certes, c'est un secteur qui recherche beaucoup d'ingénieurs, de techniciens, mais pas uniquement. Il y a des débouchés, notamment dans le traitement des déchets, pour des personnes peu qualifiées. Nous étudions également le secteur des emplois de service. Son développement est plus lent qu'on ne l'espérait. Mais, en même temps, avec l'arrivée des associations spécialisées dans ce domaine, il s'est professionnalisé. Il y a des postes à prendre dans la planification, la gestion de planning, l'encadrement, l'évaluation des besoins. Et ce sont aussi des métiers d'hommes. »

Par ailleurs, les métiers en tension doivent également retenir l'attention. Il manque toujours des plombiers chauffagistes, des maçons, des coffreurs, des soudeurs, des chaudronniers ou encore des routiers pour le transport international, par exemple. Soit autant de pistes «oubliées» par la télé qui a tendance - actu oblige - à se concentrer sur les situations désespérées.

Repères

→ Coût de l'antenne-emploi : 3 000 euros par personne.

→ Bilan (du 25 août au 4 décembre) : sur 66 adhérents, 2 ont décroché un CDI ; 27 sont en formation ; 4 ont un projet de création d'enteprise et 4 sont en intérim.