Avec l'allongement de la vie active, quatre générations de salariés cohabitent désormais dans l'entreprise. Chacune présente des attitudes et des habitudes de travail différentes. Pour mieux ajuster son offre à la sociologie du travail d'aujourd'hui, la société Steelcase s'est penchée sur leurs particularités. Elle a, ainsi, dépêché l'institut de sondages Ipsos, en 2008, pour réaliser une enquête inédite : 2 400 cols blancs européens ont été approchés. En 2004 et 2006, Steelcase avait déjà interrogé et fait travailler des groupes intergénérationnels en France, en Angleterre et au Japon.

Enseignements de cette nouvelle étude : les plus âgés, les «vétérans» (nés avant la fin de la Seconde Guerre mondiale), fonctionnent avec une logique de l'honneur. Loyaux, conformistes, ils sont aussi travailleurs et disciplinés. Leurs bureaux sont cloisonnés, envahis de papiers et plus ou moins grands selon leur rang hiérarchique. Les suivants, les «baby-boomers» (nés entre 1945 et 1964), font preuve, eux, d'esprit d'équipe. La réussite sociale est importante. Bourreaux de travail, ils sont ambitieux et entrepreneurs. Avec eux, les bureaux s'ouvrent un peu, même si les cadres conservent un espace privatif.

La «génération X», née entre 1965 et 1977, a d'autres valeurs. En quête d'expériences diversifiées, elle est à la fois flexible et autonome. Les NTIC ne l'intimident pas, l'espace de travail favorise la communication et les interactions entre les équipes. Le bureau est éclaté. Enfin, les petits derniers de la «génération Y» sont les experts en NTIC. Impatients, mobiles, ils veulent donner du sens à leur vie et à leur travail. Au bureau, tout tourne autour de l'ordinateur, qu'ils emportent avec eux. L'ambiance doitêtre ludique.

Partant de ces constats, Catherine Gall, responsable recherche & prospective Europe, conclut que les espaces de travail d'aujourd'hui doivent répondre à l'ensemble de ces styles de vie professionnels. Pas facile, car, selon l'enquête d'Ipsos, les relations entre collaborateurs sont surtout intragénérationnelles. Par ailleurs, si tous fréquentent les lieux informels, ils ne le font pas au même moment. Les «Y» prennent leur café plus tard que les vétérans, et les jeunes préfèrent déjeuner à l'extérieur quand les seniors choisissent de rentrer chez eux.

Toutefois, rien d'impossible. Il apparaît, en effet, que la concurrence est forte, surtout au sein d'une même génération, et que les relations avec des collègues plus âgés sont perçues comme deux fois moins concurrentielles. En outre, s'agissant d'admiration, les salariés plus âgés en font deux fois plus l'objet que les plus jeunes.

« Ce serait une erreur d'envisager la création de territoires spécifiques, signale Catherine Gall, qui ne prescrit pas, toutefois, un modèle unique et idéal de bureau, mais divers aménagements permettant aux générations de mieux se connaître. Cela passe par l'organisation d'ateliers et d'échanges, de groupes de travail intergénérationnels. Personne n'a envie d'être un électron libre au travail. Alors que tous, quel que soit l'âge, ont envie de se constituer un réseau. »

Steelcase a profité de ces enseignements pour repenser son service commercial parisien, comptant une trentaine de salariés. Coaching et mentoring sont encouragés. L'espace a aussi été modifié. Au centre d'un vaste plateau, une grande table communautaire où les gens s'assoient à plusieurs côte à côte et, éparpillés, des bureaux individuels non attribués ainsi que des tables type «bistrot» pour travailler à deux ou en petits groupes. Les différentes générations y trouvent ainsi leur compte, tout en gardant le contact visuel avec les collègues. C. L.