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Les pratiques

Italie L'Italie, pays de la «mort blanche»

Les pratiques | publié le : 25.11.2008 |

Les statistiques de la mortalité au travail placent l'Italie parmi les cancres de l'Europe. La «mort blanche» y frappe chaque jour. Mais un procès pour homicide volontaire pourrait, cette fois, faire évoluer les mentalités chez les dirigeants.

Chaque année, en Italie, plus de 1 000 personnes meurent des suites d'un accident du travail. Ce fléau a un nom : «les morts blanches». Un terme qui traduit le silence et l'indifférence dans lesquels se perpétuent ces drames. Une nouvelle fois, la journée nationale du 12 octobre, consacrée, depuis cinquante-huit ans, aux accidents du travail, n'a permis qu'un catalogue de bonnes intentions. Néanmoins, une vaste campagne médiatique de prévention, lancée le 7 octobre par le gouvernement, commence à se décliner dans les médias nationaux. Plus déterminant, la justice pénale s'en mêle : pour la première fois en Italie, une enquête pour «homicide volontaire» est ouverte. Le parquet veut faire la lumière sur les conditions du décès de quatre ouvriers, dans un incendie à l'usine ThyssenKrupp de Turin en décembre 2007, alors que les salariés de cette aciérie dénonçaient leurs conditions de travail et de sécurité. Le procès s'ouvrira le 15 janvier prochain.

Absence de prévention et d'information

« Il faut remonter au boom économique des années 1960-1970 pour comprendre de tels bilans, explique Pietro Mercandelli, président de l'Anmil, l'association nationale des mutilés et des invalides. A cette période, les opportunités d'emploi, en particulier dans les secteurs de l'industrie et du bâtiment, se sont multipliées, mais sans culture du travail, ni prévention en matière de sécurité. »

Des employeurs rarement sanctionnés

Pourtant, les lois sur la sécurité au travail n'ont rien à envier à celles d'autres pays européens, comme en Grande-Bretagne, où la mortalité est six fois moindre, ou en Allemagne, où le nombre d'accidents mortels est inférieur de 50 %. Depuis 1994, l'Italie est dotée d'une des législations les plus avancées en matière de sécurité au travail. Mais les textes ne sont guère respectés. Le pays ne compte que 3 500 inspecteurs du travail pour 6 millions d'entreprises : un patron ne subit, en moyenne, qu'un contrôle par quart de siècle. Quant au risque pénal, « en raison de la complexité du système judiciaire italien et du délai des procédures, les employeurs sont très rarement sanctionnés », dénonce l'Anmil.

En 2007, le gouvernement Prodi avait imposé de nouvelles contraintes dans le cadre des appels d'offres, et une sensibilisation dès la formation initiale. Mais les mesures attendent toujours leur application.

De leur côté, les ouvriers ont tendance à surestimer leurs capacités. « Ils savent que monter sur un toit sans ceinture de sécurité peut être fatal. Mais ils le font », constate Rita Chiavaccelli, dirigeante de l'Inail, l'institut national pour l'assurance contre les accidents du travail. S'y ajoute l'absence de formation qui pénalise d'abord les clandestins, prêts à accepter des conditions de travail très précaires.

Appauvrissement des victimes d'accident

Selon la confédération syndicale CGIL, sur un chantier de 100 ouvriers, on compte 60 travailleurs en situation irrégulière. L'Anmil se bat donc, avec le soutien des syndicats, pour accroître le nombre d'inspecteurs du travail et intensifier les contrôles. Elle demande aussi au gouvernement de modifier les textes de loi sur le système d'assurance contre les accidents du travail. Inchangés depuis 1965, ils ne permettent plus aux accidentés ou aux familles de victimes de vivre dans des conditions décentes. « Nous assistons à un appauvrissement scandaleux de ces familles - 130 000 personnes veuves ou orphelines - et des 800 000 invalides que compte l'Italie », relève Pietro Mercandelli.

Les 10 et 11 novembre derniers, dans des entreprises d'agriculture, de menuiserie, de bâtiment, d'autoroute ou de transport, six salariés sont morts au travail. Le 14 novembre, un ouvrier de Fiat est décédé à l'usine de Cassino, près de Rome, et un autre sur un chantier de construction lombard. Le macabre décompte est quotidien.