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Compenser les pertes de salaire, un casse-tête pour l'entreprise

L'actualité | publié le : 25.11.2008 |

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Compenser les pertes de salaire, un casse-tête pour l'entreprise

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Face à la montée du chômage partiel, les entreprises tentent de proposer des solutions pour éviter les baisses de salaire. Renault, Bosch et Snecma viennent de boucler des accords. Mais certains salariés sont plus pénalisés que d'autres.

L'année 2008 devait être celle du pouvoir d'achat. Or, avec les baisses de production, le chômage partiel gagne chaque jour du terrain. Et la plupart des secteurs sont touchés. Les constructeurs automobiles comme PSA et Renault, qui entendent réduire leur production de 25 % à 30 % au quatrième trimestre, sont en première ligne.

A cinq semaines de Noël, l'humeur est maussade. Chez PSA, par exemple, le site d'Aulnay sera fermé trois semaines en incluant, à Noël, une semaine de congé ; Poissy et Sochaux, quatre semaines, du 5 décembre au 5 janvier. Le site de Mulhouse va totaliser 14 jours non travaillés entre novembre et décembre.

Une production en chute de moitié

Chez Renault Trucks (groupe Volvo), une mesure de chômage partiel de 90 jours pour le début 2009, qui concernera 4 600 personnes (sur 10 000 en France), a été annoncée lors du CCE du 19 novembre. En janvier et février prochains, les usines de Bourg-en-Bresse, Blainville-sur-Orne (Calvados) et Lyon n'ouvriront que trois jours par semaine. La production a chuté quasiment de moitié entre septembre 2007 et septembre 2008.

Ford Aquitaine Industries (1 600 salariés) - qui devrait être cédée au printemps prochain - paie, de son côté, le prix fort des mauvais résultats de Ford aux Etats-Unis, son unique client. L'entreprise, fermée depuis la Toussaint, n'ouvrira que le 5 janvier, soit 10 semaines de fermeture.

Les sous-traitants en déroute

La déroute automobile fragilise encore plus les sous-traitants et les fournisseurs de la profession.

Chez Bosch, à Vénissieux (750 salariés), qui fabrique des pompes à injection pour PSA, les salariés de la production ne travaillent plus que quatre jours sur cinq depuis début novembre. Le 20 novembre, ils ont appris que le constructeur ne passerait aucune commande en décembre. Le site, qui devait fermer 15 jours pour les fêtes, restera clos dès le 4 décembre, jusque début janvier. Soit, sur deux mois, 35 jours sans production.

Fermeture de sites

La sidérurgie annonce également une forte décélération de la production. Le 18 novembre, une centaine de délégués syndicaux français et belges d'ArcelorMittal ont manifesté devant le siège du groupe luxembourgeois pour dénoncer les baisses de production et mettre en garde contre les éventuelles fermetures de site. L'entreprise pourrait arrêter quatre à cinq hauts-fourneaux en France.

Les syndicalistes manifestaient également pour demander l'égalité de traitement entre les salariés des différents sites européens, notamment en Pologne où aucune mesure de chômage partiel n'existe. Un rendez-vous a été programmé ce 25 novembre avec la direction générale pour parer au pire.

Car le trou d'air est bien là. Comment les entreprises font-elles face à la crise ? Le chômage partiel représente un coup dur pour les salariés puisque la rémunération nette avoisine légalement seulement 50 % du salaire brut (70 % environ du net). Sur le terrain, ces derniers craignent que le nouveau slogan «travailler moins pour gagner moins» devienne une réalité.

Des salariés inégaux

Dans ce contexte, les DRH tentent de proposer des solutions qui ne pénalisent pas le personnel. Déjà, la plupart des sociétés ont réduit la voilure. Moindre recours aux intérimaires, non-renouvellement de CDD, abandon des équipes de nuit, de week-end...

Mais les salariés restent inégaux face au chômage partiel. Ceux de Bosch ou encore ceux de Ford Aquitaine Industries subiront des pertes de salaire, contrairement aux ouvriers de chez Renault ou de chez PSA Peugeot Citroën. La CGT de Ford Aquitaine Industries, syndicat majoritaire, table, par exemple, sur « cinq à sept semaines par personne ». A la DRH, une porte-parole souligne que « l'entreprise s'est engagée à payer 70 % du salaire brut de base, plus l'ancienneté », un paiement qui inclut l'allocation spécifique pour chômage technique, versée par l'Etat, à hauteur de 2,13 euros de l'heure. « Au final, dit-elle, les salariés toucheront 70 % de leur salaire net. »

Chez Renault Trucks, après une première rencontre direction-syndicats, le 20 novembre, un nouveau rendez-vous a été pris le 26, pour discuter des mesures d'indemnisation.

Prise anticipée des jours RTT

Eviter toute perte de pouvoir d'achat... C'est justement le but de l'accord «relatif à des mesures d'ajustement ponctuel de l'activité industrielle», signé chez Snecma (groupe Safran), le 17 novembre, par la CFTC, la CFE-CGC et FO (non majoritaires). Il prévoit la prise des jours RTT et des congés payés anticipés, de 2008 et 2009, pour éviter des baisses de salaire à 1 743 salariés (sur 8 500).

PSA compte également sur la flexibilité pour éviter toute perte de rémunération. L'avenant du 8 mars 2005 à l'accord sur le temps de travail vise à éviter le chômage technique en augmentant le nombre de jours de RTT pris par anticipation, à récupérer au cours des deux années suivantes. Le système est dégressif : plus le salarié subit du chômage partiel, moins il est redevable à l'entreprise. Ainsi, à Sochaux, par exemple, les quatre semaines chômées de fin d'année impliqueront 7,5 jours à récupérer en 2009 et 2010. A Aulnay, 15 jours non travaillés se traduiront par 6 jours de travail en plus. Les récupérations pourront se faire le samedi, voire le dimanche.

Pour Renault, ce système ne paraît pas, en revanche, suffisant. La marque au losange ne compte plus, en effet, sur les RTT prises par anticipation, les stocks étant, dans la plupart des cas, épuisés. Selon la CGT, les salariés de Douai ont, d'ores et déjà, «anticipé» 88 jours de RTT. A Sandouville, plus de 40 jours. Du coup, l'entreprise fait appel à la solidarité. Un projet d'accord soumis à signature a été finalisé, le 18 novembre. Il propose aux salariés de l'entreprise de verser, sur la base du volontariat, un jour de congé sur le fonds de solidarité du chômage partiel (lire encadré ci-dessous).

Les congés payés à la rescousse

Autre méthode : chez Bosch, un accord a été trouvé pour modifier la gestion des congés payés. Ceux-ci ne sont plus calculés de mai à juin, mais sur l'année civile, comme les jours de RTT. Résultat ? « Nous avons dégagé 15 jours supplémentaires, en plus des jours RTT restants », observe Marc Soubitez, le représentant de la CFDT, signataire de l'accord avec la CFE-CGC.

La direction a, en outre, accordé deux jours de congés supplémentaires (dits de fractionnement). Et quatre jours de formation pour les trois quarts de l'effectif. Concrètement, à Vénissieux, seuls huit jours seront payés en chômage partiel, soit 70 % de leur salaire brut, sur les 35 jours non travaillés. « Nous voulons éviter de faire supporter aux salariés les conséquences de ces baisses », assure Harald Frank, le porte-parole de l'entreprise.

L'appel à la solidarité de Renault

Chez Renault, un projet d'accord fait appel à la solidarité, en proposant aux salariés de verser un jour de congé dans le fonds de solidarité du chômage partiel. En contrepartie de chaque journée versée, la direction abondera à 110 %. L'accord prévoit, en outre, que les journées déjà chômées sur certains sites soient également couvertes rétroactivement à partir du 1er septembre 2008 par cette indemnisation. Pour en bénéficier, les salariés concernés doivent, au préalable, avoir ponctionné leur compte JNT (jours non travaillés) collectif d'au moins 10 jours.

La CFDT se dit satisfaite du texte. La CFE-CGC et la CFTC devraient également être signataires. La CGT, en revanche, s'y oppose. « Tout d'abord, explique Fabien Gache, le délégué central de l'entreprise, la direction s'exempte de toute contribution et, ensuite, elle culpabilise les personnes qui ne souhaitent pas jouer le jeu. » La confédération regrette également l'abandon du système d'antan, le fonds de solidarité étant abondé, jusqu'en 1986, par un prélèvement sur les résultats nets de l'entreprise pour parer aux coups durs. Pour l'heure, aucune évaluation n'a été divulguée pour savoir combien de jours pourront ainsi être récupérés généreusement. En interne, en tout cas, les rumeurs vont bon train sur la ou les possibles donations d'un certain Carlos Ghosn.