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Enquête

Un quart des affaires se règlent par un accord

Enquête | publié le : 25.11.2008 |

Dans plus de 20 % des affaires prud'homales, les parties préfèrent négocier plutôt que d'aller jusqu'au bout du jugement.

En 2004, sur les 150 869 décisions (hors jonction de dossiers) rendues au fond par les conseils des prud'hommes, 35 171, soit 23 %, se sont terminées par un «acte de procédure impliquant un accord des parties». La proportion est à peu près la même dans les affaires en référé.

Tirés d'une étude du ministère de la Justice publiée en 2006 (voir bibliographie p. 29), les chiffres sont un peu anciens mais restent vrais : environ la moitié des affaires présentées aux prud'hommes se terminent sans examen de la demande au principal (44,8 % au fond et 55,7 % en référé), donc par une autre décision que l'acceptation ou le rejet de la demande. Lorsqu'il y a effectivement jugement au principal, environ 70 % des décisions sont favorables au demandeur, donc au salarié. Cette statistique, souvent invoquée pour illustrer le déséquilibre entre le traitement des employeurs et celui des salariés par les prud'hommes, ne porte, en fait, que sur un peu plus de la moitié des décisions.

La conciliation, un gain de temps

Dans un peu moins d'un quart des cas, la décision du tribunal suppose que les parties se soient mises d'accord, par une conciliation, un désistement, un retrait du rôle à la demande des parties, un accord, ou un acquiescement à la demande. Selon Evelyne Serverin, chercheuse au CNRS (voir bibliographie p. 29), la négociation permet de gagner du temps par rapport à une procédure juridique classique. En effet, une affaire au fond qui se termine par un jugement prend, en moyenne, 14,7 mois, contre 6,6 mois en moyenne pour une procédure impliquant un accord entre les parties. La procédure la plus rapide étant alors la conciliation, qui prend environ 3 mois.

Avantage pour le salarié demandeur

Or, ce gain de temps « peut être vu comme un avantage pour le salarié demandeur », note Evelyne Serverin. Et sans doute aussi pour l'entreprise défendeuse, qui n'a pas forcément envie d'entretenir une affaire pendant des mois. Surtout quand on sait que lorsqu'il y a jugement au fond, il est généralement favorable aux salariés : dans environ 70 % des cas. Pour l'entreprise, le calcul est alors vite fait : plutôt qu'une procédure longue dont le résultat sera vraisemblablement défavorable, mieux vaut une transaction.

Des blessures encore trop vives

Mais alors, pourquoi les parties ne s'accordent-elles pas plus souvent puisqu'elles y ont intérêt ? Plusieurs facteurs peuvent perturber le raisonnement. « Si la conciliation arrive trop tôt, parfois même pendant la période de préavis, les deux parties ont encore la tête dans leur histoire », explique Claire Grana, juge - employeur - au conseil des prud'hommes de Bordeaux dans la section encadrement, postulante pour un deuxième mandat, responsable du service juridique et social de la société de services Laser. Difficile, alors, de raisonner froidement. Selon elle, il faut cependant distinguer entre les petites et les grandes entreprises, davantage rompues à la négociation.

Parfois, il n'est tout simplement pas possible de négocier. « Dans certaines affaires, les sommes demandées par le salarié sont tellement exorbitantes que la conciliation n'est pas possible et que les employeurs décident alors d'aller jusqu'au jugement », explique Michel Bournat, juge - employeur - dans la section encadrement, candidat pour un cinquième mandat au conseil de Longjumeau, par ailleurs DRH au sein du groupe d'assainissement d'eau Saur. C'est sans doute vrai aussi pour le salarié.

Enfin, et peut-être surtout, les avocats qui représentent les parties n'ont pas forcément l'habitude ni d'intérêt à négocier.

Le nombre de contentieux en baisse

Contrairement à une idée reçue, le nombre de contentieux prud'homaux baisse depuis plusieurs années : -11 % entre 1993 et 2006, a calculé Evelyne Serverin (voir bibliographie p. 29). La tendance se poursuit aujourd'hui : 193 000 nouvelles affaires en 2007 contre 198 000 l'année précédente.

Pour Evelyne Serverin, cette baisse du nombre de contentieux s'explique par un moindre intérêt financier des salariés à saisir le tribunal. La cause serait à chercher dans une baisse structurelle de la valeur des droits des personnes licenciées, « résultat conjugué de la réduction des droits dans certains contrats, et de l'augmentation de la proportion de salariés licenciés qui ne disposent pas de l'ancienneté requise pour bénéficier de droits d'une valeur significative », écrit-elle.

Rupture conventionnelle

Selon les observateurs, cette tendance devrait se confirmer dans les prochaines années. Notamment grâce à une nouveauté : la rupture conventionnelle, proposée depuis juin dernier. « Cette procédure va faire disparaître les litiges impliquant un salarié souhaitant partir, mais sans pour autant démissionner, et un employeur désirant licencier, avec un motif précis, mais sans véritables pièces susceptibles de servir de preuves », explique David Jonin, avocat du cabinet Gide Loyrette Nouel. Et comme cette rupture conventionnelle est particulièrement cadrée, elle devrait limiter les contestations du motif du licenciement à l'origine de 70 % des affaires (voir tableau ci-contre). « Ses modalités prévoient la signature d'une convention entre les deux parties, une rétractation possible de l'une d'entre elles et une homologation de l'administration. Il y aura forcément une baisse des litiges sur la prise d'acte », confirme Isabelle Ayache-Revah, associée du cabinet parisien Raphaël.

Autre réforme qui devrait entraîner une baisse du nombre d'affaires : celle du solde de tout compte, du 25 juin dernier, qui devrait stopper certains « excès », selon Marion Ayadi, associée du cabinet Raphaël. Pour l'heure, les demandes d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail et les créances salariales occupent en moyenne 7 affaires sur 10. « Désormais, ce solde de tout compte a une valeur libératoire », précise l'avocate.

Nouvelle approche

Pour autant, les contentieux sur les indemnités et les créances salariales ne devraient pas disparaître. « Ils font l'objet d'une nouvelle approche : les contentieux tests. Ainsi, un salarié vient aux prud'hommes réclamer une prime sur, par exemple, 2004. Derrière lui, des dizaines, voire des centaines d'autres salariés attendent le verdict pour saisir à leur tour », observe David Jonin.

D'autres pratiques nouvelles pourraient également contrarier la baisse des contentieux. Me Yves Fromont, du cabinet Fromont, Briens & Associés, signale, ainsi, « les risques aujourd'hui très médiatisés liés aux nouvelles relations au travail que sont les discriminations, le harcèlement et le stress au travail ». Marion Ayadi voit, pour sa part, dans la réforme de la période d'essai, des sources de litiges possibles. « Entre ce que dit la loi et ce que prévoient les conventions collectives, les durées diffèrent, et l'articulation s'avère complexe. » Il faut, en effet, compter sur les imprécisions des textes de loi qui créeront toujours de nouveaux risques, dont hériteront les conseils des prud'hommes.

C. L.

Total Fond Référé

Nombre % Nombre %

Toutes affaires nouvelles 192 864 100 151 587 41 277 21,4

Demandes formées par les salariés ordinaires 185 258 96,1 144 635 40 623 21,9

Dont demandes liées à la rupture du contrat de travail 180 027 93,3 142 513 37 514 20,8

Dont demandes en l'absence de rupture du contrat de travail 5 231 2,72 122 3 109 59,4

Demandes formées par les salariés protégés 260 0,1 185 75 28,8

Demandes formées par les apprentis 407 0,2 363 44 10,8

Demandes formées par les employeurs 1 390 0,71 148 242 17,4

Autres demandes 5 549 2,95 256 293 5,3

Source : ministère de la Justice - SDSE - Répertoire général civil