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Enquête

Les prud'hommes à la solde des salariés?

Enquête | publié le : 25.11.2008 |

L'institution prud'homale est régulièrement accusée de partialité en faveur des salariés. Les statistiques démontrent pourtant l'inverse.

Les saisines des prud'hommes à l'initiative d'un salarié représentent plus de 99 % de la totalité des demandes. Sachant que les jugements au fond sont favorables au demandeur dans 7 cas sur 10, et dans 8 cas sur 10 en référé, l'institution prud'homale est-elle partiale ? Non, répondent les conseillers prud'homaux, y compris ceux du collège employeur. Là-dessus, ils sont très clairs : ils jugent en droit et non en fonction de leur collège. Ils en veulent pour preuve que, dans 90 % des cas, les juges salariés et employeurs sont d'accord entre eux et n'ont pas besoin d'aller en départage.

Raison inhérente au droit du travail

Si les décisions sont statistiquement favorables aux salariés, la raison est « inhérente au droit du travail lui-même, plus protecteur pour le salarié », explique Marc Desgorces-Roumilhac, DRH du Groupe Marie Claire, conseiller prud'homal - collège employeurs - à Paris. En outre, comme le note Philippe Caquet, fondateur du cabinet-conseil Boost'rh, président de la section encadrement du conseil de Bernay (Eure), « le doute profite toujours au salarié, c'est la règle. Et comme les dossiers des employeurs sont souvent mal ou peu documentés... » La chambre sociale de la Cour de cassation est également de cet avis : « Dans un arrêt de décembre 2003, elle a conclu, non sans humour, que le paritarisme était source d'impartialité », illustre Jean-Emmanuel Ray, professeur de droit à l'université de Paris-1 Panthéon-Sorbonne.

Mais pour d'autres, le paritarisme a ses limites. « On observe dans certains conseils de prud'hommes une mainmise évidente de certains syndicats ; on ne peut qu'espérer alors un départage », explique Marion Ayadi, associée du cabinet Raphaël. Une réalité que déplore également David Jonin, avocat de Gide Loyrette Nouel, qui estime avoir déjà eu affaire « à des conseils où la parole de l'employeur n'est pas appréciée à sa juste valeur ».

Une justice sans homogénéité

La justice prud'homale est donc loin d'être homogène, admet Philippe Caquet : en fonction des conseillers, « un employeur va avoir raison à Nanterre, mais tort à Versailles ». La taille du conseil a également son importance, selon Jean-Louis Jamet, vice-président de la CGPME, conseiller prud'homal à Paris : « Dans les gros conseils, les conseillers siègent souvent, traitent beaucoup de dossiers, se font leur expérience et maîtrisent la jurisprudence. Dans les petits conseils, ils se connaissent trop bien. Ces sympathies peuvent conduire à des dérives. »

Les compétences en question

Autre critique : la formation des conseillers et leur compétence à prononcer le droit. La question se pose principalement en début de mandature. Heureusement que tous les conseillers ne changent pas à chaque élection, souligne Jean-Emmanuel Ray, qui estime que « sans les retraités, les prud'hommes auraient du mal à fonctionner ». Certains reprochent aux conseillers prud'homaux de ne pas être assez assidus aux formations proposées. Les conseillers du collège employeurs en conviennent : il leur manque souvent du temps pour suivre l'ensemble des stages proposés, alors que le droit devient de plus en plus complexe et technique.

Pour vider la querelle, faut-il encadrer, voire remplacer les juges prud'homaux par des juges professionnels ? Selon où l'on se place, les avis divergent. Les conseillers, ainsi que les syndicats de salariés et d'employeurs, restent attachés à l'institution telle qu'elle est.

Expérience

« Si les conseillers ne sont pas des magistrats professionnels, ils sont des professionnels des relations sociales », soulignent Michel Bournat, DRH de Saur et conseiller à Etampes (91). « Ils disent le droit et, eux, le pratiquent tous les jours dans l'entreprise. Ils savent donc par intuition et expérience ce qu'il y a derrière un dossier, ce que ne saura jamais un magistrat », renchérit Marc Desgorces-Roumilhac.

En revanche, à l'instar d'Isabelle Ayache-Revah, associée du cabinet Raphaël, plusieurs avocats d'employeurs verraient d'un bon oeil qu'un magistrat professionnel encadre les conseillers. Pourtant, les chiffres démontrent que les juges professionnels et les conseillers prud'homaux sont plutôt d'accord. Si, dans 7 cas sur 10, les conseillers donnent raison aux salariés, c'est encore le cas 6 fois sur 10 en départition, lorsque c'est un juge d'instance qui tranche. En outre, la majorité (55 %) des décisions prononcées au fond sont confirmées en appel, et à 80 % par la Cour de cassation. Preuve que l'institution ne fonctionne pas si mal.