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Enjeux

Contrat de travail, prestation de services : quelle frontière ?

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 25.11.2008 |

Dans un arrêt du 18 avril 2008 (n° 07-40.622), la Cour de cassation a validé la requalification en contrat de travail de la prestation d'un conseil en communication pourtant immatriculé au Répertoire national des entreprises (RNE). Dans cette affaire, un centre d'enseignement de la langue espagnole avait signé avec M. X, travailleur indépendant, un contrat de prestations de services pour organiser auprès des médias diverses manifestations culturelles.

Ces prestations d'une durée inférieure à deux ans n'ayant pas été reconduites, le travailleur indépendant a fait citer le centre devant le conseil de prud'hommes en demandant la requalification de sa prestation en un contrat de travail sur le fondement de l'article 8221-6 du Code du travail.

Pour requalifier, les juges ont relevé que l'intéressé, qui occupait les fonctions de responsable de la communication et de la coordination culturelle, était placé sous la responsabilité du directeur de l'institut. Il avait des tâches précises à effectuer en suivant les directives du directeur et utilisait les moyens matériels mis à sa disposition.

L'entreprise avait pourtant objecté que son prestataire était immatriculé au RNE et à l'Urssaf, qu'il avait fixé sa rémunération par des devis acceptés par le donneur d'ordres et que sa rémunération n'était pas versée régulièrement.

La Haute Cour rappelle que les juges ne sont tenus ni par l'immatriculation du travailleur indépendant, ni par la dénomination que les parties ont donné à leur convention. L'existence d'une relation de travail se déduit des conditions de fait dans lesquelles est exercée la prestation. Au cas d'espèce, un lien de subordination a été relevé par les premiers juges.

Rappelons que la jurisprudence caractérise ce lien «... par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ».

Sur le plan pratique, pour limiter de tels risques, l'entreprise utilisatrice devra éviter, notamment, de faire figurer le prestataire dans l'organigramme ou dans l'annuaire de l'entreprise, ainsi que de lui donner une adresse e-mail au nom de l'entreprise.

Il lui est également recommandé de s'assurer de la présence d'un interlocuteur au sein de l'entreprise prestataire en cas de pluralité de consultants, par exemple.

Cependant, même si la prestation de service s'exécute dans les faits, sans lien de subordination juridique, l'entreprise donneur d'ordres n'est pas à l'abri d'une reconnaissance d'un lien de subordination économique.

En effet, il convient de rappeler que la jurisprudence retient aussi la dépendance économique du travailleur indépendant ou l'absence de clientèle lui permettant de garantir son autonomie, pour requalifier la prestation en contrat de travail (Cass. soc. 21 octobre 1999 n° 98-11.080).

C'est une espèce qui était soumise, il y a peu, au conseil de prud'hommes de Paris, dans laquelle un formateur indépendant d'anglais demandait à l'entreprise utilisatrice la reconnaissance d'un contrat de travail, au prétexte principal que ce dernier travaillait exclusivement et à temps plein pour elle, depuis de nombreuses années (section Commerce, 18 décembre 2006 n° 06/01597).

La société avait fort opportunément écrit à deux reprises au formateur pour lui demander de répartir son chiffre d'affaires sur plusieurs clients, d'une part, et pour l'avertir de la diminution du volume de prestations.

Cette précaution fut salutaire pour la société, puisque le formateur a été débouté de ses demandes aux termes d'un jugement devenu définitif.

Cette double exigence doit donc contraindre les entreprises à également vérifier, chaque année, la part des prestations effectuées chez elle, dans le chiffre d'affaires de chacun de ses prestataires, et prendre les mesures conservatoires qui s'imposeraient, le cas échéant, pour éviter la reconnaissance du lien de subordination économique.

Aymeric Hamon, avocat associé, cabinet Fidal, membre d'Avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social.