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L'Unsa et Solidaires s'activent pour s'implanter dans l'entreprise

Les pratiques | publié le : 18.11.2008 |

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L'Unsa et Solidaires s'activent pour s'implanter dans l'entreprise

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La loi du 20 août 2008 rénovant la démocratie sociale facilite l'implantation des syndicats dans les entreprises, étape préalable à la reconnaissance de leur représentativité. L'Union syndicale Solidaires et l'Unsa détaillent leurs stratégies en la matière. Quoique différentes, elles sont toutes deux fondées sur la recherche d'adhérents.

Le club n'est plus fermé, mais quel sera le prix du ticket d'entrée ? En substituant une représentativité prouvée à la représentativité présumée des cinq confédérations, le législateur a ouvert la compétition pour le précieux label de «syndicat représentatif», qui donne le droit de négocier des accords. Une opportunité pour l'Union syndicale Solidaires et pour l'Unsa (Union syndicale des syndicats autonomes) qui, avec respectivement 2,5 % et 2,2 % des suffrages aux élections des comités d'entreprise en 2004-2005 (derniers chiffres disponibles), sont les plus sérieux challengers des confédérations.

Mais, en ouvrant les portes du club, le législateur a également institué un ticket d'entrée dont le prix se décompose en deux parties : s'implanter dans l'entreprise (ancienneté de deux ans, couverture géographique et professionnelle, nombre d'adhérents...) ; devenir représentatif (après avoir obtenu 10 % aux élections professionnelles). Toutefois, le prix du ticket peut augmenter selon qu'une direction d'entreprise, voire un autre syndicat, conteste cette implantation. Car, en décidant que la représentativité s'apprécie d'après des critères «cumulatifs», et non plus «en bloc», le législateur a augmenté les risques de contentieux. D'où la nécessité, pour Solidaires et pour l'Unsa, ou pour tout autre syndicat, avant même de penser à leur audience, de sécuriser juridiquement la démarche d'implantation. La clé consiste à démontrer que le syndicat dispose de deux adhérents au moins dans l'entreprise.

Solidaires

« Combativité » et « protection des militants » sont les deux leitmotivs de l'Union syndicale Solidaires. Bien qu'elle se soit opposée à la position commune du 10 avril 2008, l'organisation, qui regroupe notamment les syndicats Sud, a vite compris l'intérêt de la loi du 20 août issue de la position commune. « Les patrons ne pourront plus nous empêcher d'avoir une activité dans l'entreprise », explique Thierry Renard, responsable juridique de Solidaires. Mais, réaliste, il sait aussi que « la majorité des employeurs recourront à tous les moyens pour empêcher notre développement ». Il fait, ainsi, le pari que toutes les directions d'entreprise ne laisseront pas aux urnes le soin de décider si Solidaires est représentatif. « Nous voyons déjà les premières contestations de désignation de représentants de la section syndicale », relève-t-il.

De fait, Solidaires est la bête noire des directions, qui craignent, jusqu'au fantasme, son syndicalisme de « lutte » et de « transformation sociale ». Selon Solidaires, l'entreprise est, en effet, le lieu d'intérêts antagonistes, et un syndicat, à l'image d'un parti politique, a vocation à se prononcer sur des choix de société. Chaque année, Solidaires subit « plusieurs centaines » d'attaques sur sa représentativité. Elles proviennent en grande majorité des employeurs. C'est, d'ailleurs, une de ses différences avec l'Unsa, qui, elle, est d'abord attaquée par les confédérations syndicales. A chacun sa bête noire.

La stratégie de Solidaires pour s'implanter vise donc, en premier lieu, à se prémunir contre les attaques des directions avant même les élections, entre le moment où le syndicat se fait connaître, lorsqu'il constitue une section syndicale et désigne le représentant de la section (RSS) - s'il le fait, car la loi ne l'y oblige pas -, et le scrutin.

Six conditions pour la constitution d'une section

Depuis la réforme, la constitution d'une section et la désignation de son représentant, par un syndicat qui n'est pas déjà représentatif, sont subordonnées à son indépendance, son respect des valeurs républicaines, une ancienneté de deux ans (à compter du dépôt des statuts), au fait que son champ professionnel et géographique couvre l'entreprise, et qu'il ait « plusieurs » - dixit la loi - adhérents dans l'entreprise. En tout, six conditions.

Selon Thierry Renard, Solidaires satisfait les deux premières sans difficulté. Pour remplir les trois suivantes (ancienneté, couverture géographique et professionnelle), Solidaires a dû faire preuve d'inventivité. L'Union syndicale Solidaires dispose de structures au niveau territorial, professionnel et national. La question est de savoir qui constitue la section et désigne le RSS sachant que « tous les Solidaires professionnels n'ont pas deux ans d'ancienneté », explique Thierry Renard.

La solution est que le Solidaires national - l'Union syndicale Solidaires -, qui a bien deux ans d'existence, prenne le relais du Solidaires professionnel, trop récent. La clé juridique de l'affaire est qu'« une union syndicale a les mêmes droits qu'un syndicat professionnel ». Au final, « n'importe quel salarié de n'importe quelle entreprise peut, dès lors qu'il existe deux adhérents dans l'entreprise, demander à être désigné comme RSS et à constituer sa section syndicale », estime Thierry Renard.

Reste alors à démontrer, à celui qui le conteste, que le syndicat dispose d'au moins deux adhérents dans l'entreprise. Un exercice dans lequel toute la difficulté consiste à ne pas exposer les adhérents. « Mais nous avons l'habitude, contrairement aux confédérations », souligne-t-il. Solidaires est ainsi passé maître dans l'art de concilier la liberté d'adhésion et le respect du principe de contradiction. Une des techniques pour n'avoir pas à fournir la liste des adhérents consiste à démontrer que ces derniers courent un risque de représailles, puis à faire constater par un huissier qu'ils existent bien néanmoins. « Il y a de nombreux moyens de développer l'activité syndicale sans être représentatif », prévient Thierry Renard. Il n'en dira pas plus.

Unsa

L'encre de la position commune du 10 avril n'est pas encore sèche lorsque la CFE-CGC et l'Unsa annoncent leur rapprochement. Les deux organisations, en discussions secrètes depuis plusieurs semaines, tirent ainsi les conséquences d'un texte qui, estiment-elles, tend à restreindre le paysage syndical à un duopole composé de la CGT et de la CFDT. En outre, l'Unsa et la CFE-CGC estiment avoir suffisamment de points communs et être assez complémentaires - la première est implantée dans le secteur public et la seconde dans le privé - pour constituer ensemble un «pôle réformiste».

La stratégie d'implantation de l'Unsa est donc d'abord subordonnée à ce rapprochement. « Dans les entreprises où l'Unsa et la CFE-CGC sont déjà implantées, on pousse à la constitution de listes communes ; dans celles où l'Unsa n'est pas implantée, nous allons essayer de nous développer en bonne intelligence avec la CFE-CGC », explique Alain Olive, secrétaire général de l'Unsa. « Là où la CFE-CGC est déjà implantée, nous n'y allons pas ; lorsqu'elle n'est pas présente, par exemple dans le premier collège, on ne s'interdit pas d'y aller », complète Jean Grosset, secrétaire général adjoint de l'Unsa, qui constate que « la concurrence est faible » entre les deux organisations. Et de citer France Télécom et la RATP, où les deux syndicats sont en train de constituer des listes communes. « L'objectif est d'arriver en 2013 [date à laquelle les audiences devront avoir été mesurées dans les branches et l'interprofessionnel, NDLR] dans le meilleur état possible, à deux », explique Jean Grosset.

Elections prud'homales

D'ici là, l'Unsa, qui ne manque pas de fers au feu, regardera avec attention les résultats des élections prud'homales du 3 décembre prochain, auxquelles elle présente ses propres listes. « Si nous faisons 8 %, nous disposerons de tous les critères pour acquérir des éléments de représentativité », relève Jean Grosset. L'Unsa a obtenu 4,98 % des suffrages aux prud'homales de 2002.

S'agissant de l'implantation dans les entreprises, la stratégie de l'Unsa diffère de celle de Solidaires. En dix ans, l'Unsa s'est vu intenter 1 427 procès en représentativité. Mais, contrairement à Solidaires, elle fait le pari que « les contentieux vont s'arrêter de fait » : « La loi du 20 août devrait calmer les choses puisqu'il suffira de prouver qu'on a des adhérents » pour s'implanter, estime Jean Grosset. Il rappelle, en outre, que la loi donne maintenant à l'Unsa la possibilité de contester leur représentativité aux syndicats affiliés à une confédération. Une arme de dissuasion dont il promet qu'il ne se « servira pas ».

En revanche, comme Solidaires, elle a dû faire plancher ses juristes sur les six critères d'implantation d'une section et de désignation d'un RSS. Comme Solidaires, l'Unsa en est arrivée à la conclusion qu'elle satisfait d'emblée aux critères d'indépendance et de respect des valeurs républicaines, et que la clé de l'implantation réside dans la preuve d'adhérents.

Condition géographique

Mais la difficulté de l'Unsa tourne autour de la condition géographique. Jean Grosset fait donc le raisonnement suivant, diffusé dans le bulletin juridique de l'Unsa du mois de septembre : « L'Unsa, par l'ancienneté de ses syndicats professionnels et de ses fédérations de métiers, a les deux ans d'ancienneté sur le champ professionnel, il lui faut donc deux adhérents dans une entreprise pour remplir la condition géographique. » Au final, « l'Unsa peut constituer, dès lors qu'elle a deux adhérents dans une entreprise, une section syndicale et désigner un représentant syndical de section ».

Voilà qui donne raison aux observateurs qui, comme Hubert Landier, estiment qu'un syndicalisme d'audience ne s'oppose pas à un syndicalisme d'adhésion, bien au contraire.

L'essentiel

1 La loi du 20 août 2008 rénovant la démocratie sociale ouvre aux syndicats des possibilités d'implantation dans les entreprises.

2 Solidaires et l'Unsa ont constitué un argumentaire juridique destiné à sécuriser cette étape, préalable à l'obtention de leur représentativité.

3 Selon les deux organisations, dès l'instant que le syndicat aura démontré qu'il a deux adhérents parmi les salariés, il sera difficile de lui contester le droit d'exister dans l'entreprise.

Unsa

Résultats aux élections des comités d'entreprise en 2004-2005* : 2,2 %

Elections prud'homales du 11 décembre 2002 : 4,98 %

Effectifs revendiqués : 360 000

Estimations de l'étude Andolfatto-Labbé (éditions Liaisons) : 135 000

Structures professionnelles : 8 pôles d'activité professionnels

Structures territoriales : 28 UR, 96 US, 500 UL

Prochain congrès : fin 2009.

Union syndicale Solidaires

Résultats aux élections des comités d'entreprise en 2004-2005* : 2,5 %

Elections prud'homales du 11 décembre 2002 : 1,52 %

Effectifs revendiqués : 90 000

Estimations de l'étude Andolfatto-Labbé (éditions Liaisons) : 80 000

Structures professionnelles : 42 organisations

Structures territoriales : 83 comités départementaux ou régionaux.

Prochain congrès : 2011

* Chiffres Dares non publiés.