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A qui profitent les aides européennes ?

Enquête | publié le : 28.10.2008 |

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A qui profitent les aides européennes ?

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L'Europe sociale est-elle une Europe a minima ? FSE, FEM, Leonardo... Les fonds européens mettent leurs moyens au service de l'emploi et de la formation continue. Véritables laboratoires d'expérimentations innovantes, ils tentent de définir des priorités, notamment en matière de gestion des âges, de formation continue, d'égalité professionnelle ou encore d'accompagnement face aux restructurations. Des problématiques communes aux 27 Etats membres. Avec des limites malgré tout.

L'histoire dira si l'Europe a pu apporter une réponse concrète aux problèmes sociaux français. D'emblée, dès juillet dernier, alors que la France prenait la présidence de la Commission européenne, Nicolas Sarkozy avait prévenu : « L'Europe ne doit pas s'occuper de tout, la politique sociale doit rester essentiellement une compétence nationale. »

Mais l'Europe aime présenter ses «success stories» comme celles des fonds européens qui mettent une grande partie de leurs moyens au service de l'emploi : le Fonds social européen (FSE) ou le Fonds européen de développement régional (Feder). S'y ajoutent d'autres initiatives comme «Interreg», pour la coopération transfrontalière ; «Leader», pour le développement rural, et «Urban», pour les quartiers défavorisés. Plus récemment, est apparu le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation (FEM), en avril 2007, pour venir en aide aux personnes ayant perdu leur emploi à la suite de restructurations. Ce fonds intervient en finançant des mesures actives de retour à l'emploi comme l'aide à la recherche d'emploi, à l'orientation professionnelle, à la formation ou à la valorisation de l'entreprenariat.

Le FSE, fonds pionnier

Pionnier parmi les pionniers, le FSE, créé voilà cinquante ans, dans la foulée du traité de Rome, a investi dans des programmes de développement des compétences et d'insertion professionnelle. Parmi les mesures innovantes, le programme Equal, destiné à lutter contre les inégalités et les discriminations, notamment raciales, en lien avec le marché du travail pour la période 2000-2006. Les porteurs de projet sont des organismes publics, des associations, ou des entreprises (comme Adecco). Pour la période 2007-2013, le FSE dispose d'un budget de 76 milliards d'euros, dont 4,4 milliards affectés à la France.

Ballon d'oxygène

L'accent est aujourd'hui mis sur les PME, les besoins des bassins d'emploi et les publics les plus fragiles. Concrètement, à quoi sert le FSE ? « C'est un véritable ballon d'oxygène qui permet de financer des expériences innovantes, plaide Bruno Lamotte, chercheur à l'université Pierre-Mendès France de Grenoble, qui a piloté un projet de transfert de compétences en Rhône-Alpes. Bien sûr, nous aurions lancé ces projets, mais de manière plus modeste et plus échelonnée dans le temps. » « C'est un jeu gagnant-gagnant, poursuit Vincent Graulet, directeur veille et prospective chez Opcalia. On apporte une solution, une expertise en réponse à des orientations stratégiques portées par l'Union européenne. » « Les Plie (Plans locaux d'insertion par l'économique) n'auraient probablement pas vu le jour sans les crédits européens », note, de son côté, Bertrand Gaudin, sous-directeur à la direction FSE de la DGEFP.

Formation continue

L'Europe est aussi à la manoeuvre pour la formation continue. Le fonds Leonardo (alimenté à hauteur de 1,74 milliard d'euros) finance, notamment, la mobilité internationale des salariés, chercheurs d'emploi, professionnels de la formation et, c'est l'une des orientations stratégiques du programme 2009, les apprentis. Il soutient également les projets innovants et les partenariats et réseaux internationaux dans le domaine de la formation. Avec un goût particulier - ce qui est logique dans une Europe élargie - pour l'enseignement et la pratique des langues.

Plusieurs critiques s'élèvent cependant : ces fonds ont-ils toute la place qu'ils méritent ? Leur argent est-il utilisé à bon escient ? Doit-on réorienter leur objectifs ? Comment travailler à 27 ? Et quelle est réellement leur valeur ajoutée par rapport aux dispositifs nationaux déjà en place ?

« Le FEM a ses limites, assure cet observateur social. Son budget n'est que de 500 millions d'euros. C'est sans commune mesure avec celui du FSE. » Autre critique : « Il agit comme un instrument d'urgence sociale. Mais quelle est sa valeur ajoutée par rapport aux dispositifs français ? Nous devons nous orienter vers des mesures préventives et non plus curatives. Il est temps d'anticiper en mettant en place de la GPEC, des actions innovantes, ou en organisant des passerelles entre filière sensible et secteur en tension. » Pour rectifier le tir, la Commission européenne devrait proposer des pistes de réforme dans le cadre du «paquet social»* proposé d'ici à décembre (lire article p. 24).

Trop complexe

Le FSE a, lui aussi, ses détracteurs : trop complexe, trop réorienté vers les nouveaux Etats entrants, nécessitant des cofinancements importants, le FSE se heurte également, en région, à la décision du préfet, alors que ce sont les conseils régionaux qui ont désormais la mainmise sur la formation. Qui plus est, parmi les reproches formulés, celui de financer davantage les politiques publiques de l'emploi que les besoins des entreprises. Est-il encore nécessaire de financer la sensibilisation des acteurs de l'emploi (ANPE, Afpa...) sur le problème de la gestion des âges, comme dans le Val-d'Oise ? Est-il opportun d'aider à la mise en place de stages de découverte de métiers pour des publics à la recherche d'un emploi, comme en Picardie, sans donner les clés d'entrée sur le marché du travail, c'est-à-dire sans financer des stages d'accès dans un emploi ?

Lourdeur des procédures

Autre difficulté soulevée : la lourdeur des procédures de sélection et de suivi des projets soutenus, « qui finissent par prendre quasiment autant de temps que le projet lui-même », soupire un bénéficiaire. Après avoir obtenu le soutien de plusieurs programmes européens, Michel Meuret, directeur de l'Ecole de langues de la Chambre de commerce et d'industrie du Jura, en maîtrise les règles : « Il ne faut pas essayer de faire rentrer son projet dans la grille de l'Agence européenne, mais, au contraire, partir de cette grille pour sélectionner les aspects les plus pertinents de son projet », conseille-t-il. Ajoutant qu'il existe quelques mots clés sans lesquels un projet a peu de chances de séduire : « Quand on parle d'innovation en matière de formation, oublier de parler de technologies de l'information a toutes les chances de mener à l'échec. »

* Dans le cadre de la présidence française, la Commission européenne va présenter une série de directives appelées «paquet social», notamment sur l'immigration hautement qualifiée, les comités de groupe européens, et les droits des patients à des soins de santé transfrontaliers.

L'essentiel

1 Le Fonds social européen (FSE) a investi dans les programmes de développement des compétences et d'insertion professionnelle. L'accent est mis sur les PME, les besoins des bassins d'emploi et les publics fragiles.

2 Le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation (FEM), créé en avril 2007, vient en aide aux personnes ayant perdu leur emploi à la suite de restructurations.

3 Le fonds Leonardo, lui, finance la mobilité internationale des salariés, chercheurs d'emploi, professionnels de la formation et, plus nouveau, des apprentis.

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