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La culture du secret

Enjeux | Chronique de Meryem Le Saget | publié le : 28.10.2008 |

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La culture du secret

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Quand les résultats ne sont pas bons et les perspectives moroses, certaines équipes de direction se réunissent pour décider ce qu'il faut dire au personnel. Ou, plus exactement, comment mentir habilement aux salariés. Car la culture du secret a d'incorrigibles adeptes, qui ne se rendent pas compte qu'ils privent les personnes de leur capacité d'agir.

« On ne peut pas dire la vérité, cela inquièterait tout le monde. » Rassurez-vous, les salariés sont déjà soucieux. Beaucoup mieux éduqués qu'on ne le pense, ils connaissent les forces et les fragilités de leur secteur d'activité, ils sont conscients des répercussions possibles du ralentissement économique sur leur entreprise. Ils attendent une information vraie pour savoir comment faire face. Au lieu de saisir cette occasion, va-t-on leur raconter que tout va bien ?

« Et si l'on ne disait rien, en attendant d'avoir des informations plus précises ? » Pas de chance, la nature ayant horreur du vide, l'anxiété générale occupe l'espace et se transforme très vite en rumeur négative. Vous en connaissez beaucoup, des rumeurs optimistes ? On imagine donc l'entreprise vendue, des dirigeants se quereller en ne pensant qu'à leur carrière, des tractations douteuses se préparer... Ne pas parler des problèmes quand tout le monde les pressent a deux effets : casser durablement la confiance et faire douter de la compétence des dirigeants. Parfois, la culture du secret s'épaissit encore lorsque des licenciements sont dans l'air. « Nous devons faire partir des personnes pour réduire les coûts, ce n'est donc pas le moment de communiquer. Comme nous agirons au cas par cas, cela ne se verra pas. » L'ennui est que les salariés décodent aisément de telles pratiques. « Ils nous prennent vraiment pour des imbéciles ! » se disent-ils. Car tout se sait : qui est mis sur la touche, pourquoi, comment et avec quelles conditions de départ.

La culture du secret devrait pourtant nous rappeler de bien mauvais exemples. Dans certaines familles, on dit aux enfants que papa est parti en voyage, au lieu d'annoncer qu'il est décédé. En situation de guerre, les nations parlent « d'interventions chirurgicales », celles qui détruisent les cibles militaires ennemies sans jamais tuer de civils. Le nuage de Tchernobyl s'est arrêté à la frontière, comme un bon chien obéissant. La crise financière sera-t-elle aussi docile ? Il se pourrait bien qu'elle nous oblige à bâtir d'autres modèles.

Le scénario alternatif serait de traiter les équipes en adultes en leur disant la vérité ; de se réunir pour échanger sur la situation de l'entreprise ; de produire ensemble des solutions qui réduisent les dépenses ou améliorent les ventes ; bref, de faire confiance aux personnes plutôt que de les ignorer ou de les considérer comme des coûts. La culture du secret nous a rendus aveugles : au lieu d'utiliser la créativité de l'entreprise, nous préférons nous tirer une balle dans le pied !

Meryem Le Saget est conseil en entreprise à Paris. <lesagetconseil@wanadoo.fr>