logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Les pratiques

L'intérim veut élargir son offre avec le portage salarial

Les pratiques | publié le : 21.10.2008 |

La loi sur la modernisation du marché du travail a confié à la branche de l'intérim le soin d'organiser et d'encadrer l'activité de portage salarial. Des négociations démarrent en vue d'aboutir à un accord de branche. Les entreprises de travail temporaire se verraient bien exercer ce métier-là aussi.

Après le placement en CDI et en CDD, le portage salarial : les entreprises de travail temporaire, qui se font maintenant appeler agences d'emploi, aimeraient bien compléter leur offre avec cette activité. Elles en prennent le chemin, grâce à l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail, repris par la loi du 25 juin 2008 qui transpose ce texte. Dans son article 8, celle-ci confie à la branche de l'intérim, jugée la plus proche, la négociation sur les conditions de légalisation du portage salarial. Avec environ 30 000 portés et 250 structures de portage, cette pratique constitue, aujourd'hui, une réalité économique, mais reste incompatible avec l'état actuel du droit positif.

Un calendrier serré

La négociation est menée par le Prisme, le syndicat des professionnels de l'intérim, services et métiers de l'emploi, et les cinq organisations syndicales salariales représentatives. Après une première réunion, le 4 septembre dernier, les partenaires sociaux vont entrer dans le vif du sujet le 22 octobre. Le calendrier est serré. François Roux, délégué général du Prisme, espère « tout boucler avant la fin de l'année ».

Les sociétés d'intérim ont déjà fait leurs calculs. « Le portage salarial pourrait correspondre à 6 000 équivalents temps plein, soit la moitié de ce que nous faisons en intérim cadre », explique le représentant patronal. A rapporter aux 600 000 équivalents temps plein annuels de l'intérim non cadre. « Ce n'est donc pas un enjeu économique majeur pour nos entreprises, mais une manière néanmoins intéressante de continuer à diversifier notre activité et, ainsi, compléter notre offre d'emploi », commente le délégué général du Prisme.

Les agences d'emploi s'estiment particulièrement compétentes pour devenir entreprises porteuses. Rompue à l'exercice de la relation tripartite, une caractéristique commune à l'intérim et au portage salarial, elles ont l'avantage d'être présentes sur l'ensemble du territoire et peuvent proposer une autre forme d'emploi à l'issue d'une mission en portage. Elles considèrent aussi que leurs collaborateurs sont « de bons professionnels de l'emploi, en mesure de conseiller les portés », affirme François Roux.

Accord de branche étendu

La négociation a pour objectif d'aboutir à un accord de branche étendu, qui organisera le statut du porté et stabilisera la relation tripartite. Les partenaires sociaux doivent s'entendre sur plusieurs points, notamment sur ce que les entreprises de portage pourront apporter aux portés. « Soit elles se contentent d'être des facilitateurs administratifs qui se chargent de la facturation et de l'établissement du bulletin de paie, soit elles proposent une plus forte valeur ajoutée, avec des possibilités d'encadrement ou d'accompagnement pendant et après la mission de portage », indique le représentant patronal. Dans les faits, c'est déjà le cas, le rôle d'une entreprise de portage étant aussi de proposer à ses portés une assistance tant sur l'aspect commercial que sur l'aspect technique.

La discussion risque d'achopper sur le statut du porté. Le Prisme défend l'idée que « le porté n'est peut-être pas un salarié ». Selon le syndicat patronal, il n'y a aucun lien de subordination entre une entreprise porteuse et un porté. « Ce n'est ni un salarié, ni un travailleur indépendant. Il faut peut-être inventer quelque chose entre les deux, tout en donnant au porté l'accès aux droits garantis par la profession aux intérimaires, et à l'indemnisation chômage en fin de mission », estime François Roux.

A l'inverse, le Sneps (Syndicat national des entreprises de portage salarial), défend le lien de subordination. « C'est un pilier du Code du travail », rappelle Jean-Charles Valet, président de ce syndicat qui regroupe 17 entreprises de portage salarial revendiquant 70 % du chiffre d'affaires du marché et 12 000 à 15 000 portés. « Nous ne voulons pas que, comme dans l'intérim, ce lien soit transféré au client final. Le porté y perdrait son autonomie, le client final serait libre de redéfinir sa mission comme il l'entend. »

Une base légale existante

Le Sneps comme l'Ugica-CFTC (Union générale des ingénieurs, cadres et assimilés-CFTC) considèrent, par ailleurs, que l'accord du 15 novembre 2007, conclu au sein de la branche Syntec, avec également les fédérations CFDT et CFE-CGC, et la fédération CICF (Chambre de l'ingénierie et du conseil de France), donne déjà une base légale suffisante au portage. Cet accord visait à mettre fin aux différentes incertitudes juridiques soulevées par cette forme originale de travail, dont la légalité est contestée, l'activité d'entreprises de portage étant parfois assimilée à un « prêt de main-d'oeuvre illicite ».

« Il est hors de question de signer un accord qui ne reprendrait pas a minima l'accord de novembre, lequel garantit une rémunération minimale basée sur le niveau III de la convention Syntec majoré de 20 %, y compris en période d'inter-contrat, favorise l'implantation syndicale et élargit l'accès à la formation », martèle Simon Denis, secrétaire national de l'Ugica-CFTC. « Non, cet accord ne règle pas les problèmes de légalité de cette forme de travail et ne concerne que les entreprises de conseil. Le champ du portage est plus large que le conseil », rétorque François Roux.

Extension aux non-cadres ?

De fait, faut-il permettre aux non-cadres de travailler en portage ? Là aussi, les avis divergent. Le Prisme pourrait l'envisager dans un second temps, après évaluation. Pour Jean-Pierre Gendraux, responsable des professionnels autonomes à la fédération F3C à la CFDT (Fédération de la communication, du conseil et de la culture), « il ne faut pas étendre le portage à tout et n'importe quoi. Le porté est une personne très autonome, qui exerce une activité intellectuelle, dispose d'un réseau et est capable d'ouvrir des marchés et de gérer elle-même son activité. A l'inverse, ouvrir le portage à d'autres niveaux de compétences, comme les services à la personne, contribuerait à fragiliser et à précariser les personnes qui exercent ces métiers ».