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Emploi, santé, retraite : les enjeux sociaux de l'élection

Les pratiques | publié le : 21.10.2008 |

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Emploi, santé, retraite : les enjeux sociaux de l'élection

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Le 4 novembre, les Américains éliront leur 44e président sur fond de crise financière et économique. Les programmes des deux candidats divergent fortement sur la santé, la retraite et l'emploi. Les dossiers sociaux feront la différence alors que le pays s'enfonce dans la crise.

Depuis quelques semaines, la course à la Maison Blanche est marquée par la crise des marchés financiers. Mais elle intervient au terme des deux mandats du républicain George Bush, au cours desquels l'économie américaine s'est détériorée. Avant la crise, le dollar s'était déjà déprécié, les déficits publics aggravés et le chômage était reparti à la hausse.

La déroute des marchés financiers semble profiter à Barack Obama. Le 8 octobre, à l'issue du deuxième débat télévisé entre les deux candidats à la présidence, le champion des démocrates était crédité de cinq à sept points d'avance sur son rival dans les sondages. Tout sépare John McCain et Barack Obama. Comme George Bush, le sénateur républicain de l'Arizona défend un projet libéral, qui exclut toute intervention de l'Etat. Il prône le gel des dépenses fédérales - hors défense. A l'inverse, le sénateur démocrate de l'Illinois soutient l'intervention de l'Etat et veut augmenter les impôts de ceux qui gagnent plus de 250 000 dollars pour financer ses projets sociaux. Au moment où l'économie américaine est fortement ébranlée, les Américains pourraient être sensibles à cet argument.

Revue des trois principaux dossiers sociaux qui différencient les deux candidats.

2,2 millions de chômeurs en plus depuis le début de l'année

Le taux de chômage aux Etats-Unis est habituellement bas. Car les indemnités de licenciement et la couverture chômage, souvent réduites à la portion congrue, incitent à reprendre très vite un emploi. En août dernier, le chômage américain tournait, ainsi, aux alentours de 6,1 %.

Ce faible taux, calculé par le Bureau of Labor Statistics, inquiète pourtant les Américains : il est en hausse de 1,4 point sur douze mois. Et il reflète déjà le ralentissement de l'économie nationale : 9,5 millions d'Américains sur un total de 155 millions d'actifs recherchent aujourd'hui un emploi. Ce qui correspond à une hausse de 2,2 millions du nombre de chômeurs depuis le début de l'année. Les Noirs sont fortement touchés : leur taux de chômage est de 10,6 %. Les «Latinos» aussi : 8 %. Et les jeunes (18,9 %) paient un plus lourd tribut à la mauvaise conjoncture économique.

«Big Three», piliers industriels

Certains Etats s'en sortent mieux que d'autres. L'Iowa affiche toujours un taux de chômage ridiculement bas de 4,6 %. Son modeste coût de la vie et ses salaires relativement faibles ont attiré de nombreuses entreprises, assurances et services financiers. Le Michigan, en revanche, souffre : son taux de chômage atteint les 8,9 %. Car les «Big Three», General Motors, Ford et Chrysler, ces piliers de l'emploi industriel qui ont fait la richesse de Detroit, sont en pleine crise.

La hausse du prix de l'essence, le coût croissant de l'alimentation et la déconfiture de l'immobilier incitent les consommateurs américains à dépenser moins pour leurs voitures. Les 4x4, si populaires il y a encore peu, rouillent dans les parcs des concessionnaires. Et les constructeurs automobiles réduisent drastiquement leurs effectifs. Rien qu'au mois d'août, 39 000 emplois ont disparu dans l'industrie automobile. Les «Big Three» veulent en finir, désormais, avec une partie des emplois industriels négociés dans le cadre de leurs conventions d'entreprise et qui, entre salaire, protection sociale et retraite, coûtent 70 dollars de l'heure. La direction de Ford estime avoir encore 4 200 emplois en trop, et l'un des grands équipementiers de l'automobile, Federal Mogul, vient d'annoncer 4 000 suppressions de poste. Et ce, avant que la valeur de l'entreprise ne plonge à Wall Street ces derniers jours, dans le sillage de GM.

Le bâtiment souffre

La crise des crédits subprimes s'est aussi fait sentir dans le bâtiment. Depuis le début de l'année, 388 000 emplois ont disparu dans ce secteur et près d'un million de travailleurs y pointent au chômage. Et les perspectives des banques et des assurances sont de plus en plus sombres.

La vente de la banque Merrill Lynch à Bank of America et la faillite de Lehman Brothers vont entraîner de sérieuses réductions d'emploi. New York s'attend à 40 000 disparitions de poste d'ici à la fin de l'année dans la finance.

CAROLINE TALBOT, À NEW YORK

L'essentiel

1 La crise détruit des milliers d'emplois et le chômage est reparti à la hausse.

2 L'envolée des coûts de santé fait de ce thème un enjeu majeur, dans un pays où près de la moitié de la population est mal ou pas assurée.

3 La crise fait fondre les fonds de pension sur lesquels les Américains comptent pour leur retraite.

Les propositions des candidats

Barack Obama, le candidat démocrate, veut créer 5 millions de nouveaux emplois verts en investissant 150 milliards de dollars sur dix ans dans l'énergie propre, les voitures hybrides, les centrales électriques... Il propose aussi d'investir 60 milliards dans les infrastructures et les transports.

John McCain, le candidat républicain, préfère accroître les explorations dans le gaz et le pétrole. Il soutient aussi le projet d'emprunts de 25 milliards de dollars mis sur pied par l'industrie automobile pour produire des voitures propres.

Les dépenses s'envolent

La première puissance mondiale compte 47 millions de personnes sans couverture médicale, soit 16 % de la population. Les autres sont plus ou moins bien couverts. L'Etat fédéral garantit des soins de base à 90 millions de personnes, âgées de plus de 65 ans, handicapées, ou vivant sous le seuil de pauvreté. Pour les 178 millions d'Américains restants, la règle, c'est la concurrence et l'assurance privée, financée par l'employeur pour plus des deux tiers d'entre eux.

Depuis le début de la campagne présidentielle, la santé est un thème social majeur. La raison : l'envolée des coûts, de 5 % à 10 % par an. « Un tiers des Américains ont emprunté et plus de la moitié renoncent à épargner pour leur retraite pour faire face à leurs dépenses de santé », a affirmé Dallas Salisbury, président de l'Employee Benefit Research Institute (Ebri) à Washington, devant une délégation de journalistes français de l'information sociale (Ajis).

Participation réduite des entreprises

L'administration Bush a toujours refusé d'intervenir sur le marché, « afin que les gens puissent choisir la couverture adaptée à leur cas », justifie Jim Stancel, conseiller du secrétaire d'Etat à la Santé à Washington. Or, les Américains sont de plus en plus nombreux à assumer seuls le coût de leur assurance santé. Les entreprises ont tendance à réduire, voire à supprimer, la couverture de leurs salariés.

« La hausse des dépenses de santé a un impact sur la productivité des entreprises. Elles sont donc, elles aussi, favorables à une réforme en profondeur du système », estime Edward Howard, vice-président d'Alliance for Health Reform. « Une voiture fabriquée à Detroit, dans le Michigan, vaut 1 500 dollars de plus que le même modèle construit de l'autre côté de la frontière, au Canada », rappelle Scott Summer, syndicaliste de l'UAW, le syndicat des salariés de l'automobile. Pour tenter de résoudre l'impossible équation, les grandes entreprises explorent d'autres voies. « Des employeurs modulent leur participation en fonction des traitements choisis par le salarié. D'autres ont considérablement augmenté le seuil minimal de dépenses à partir duquel le salarié est remboursé », indique Dallas Salisbury.

Compte épargne santé

Dix à treize millions de salariés seraient, par ailleurs, titulaires d'un compte d'épargne santé, qui permet au titulaire d'accumuler une épargne défiscalisée. A charge, pour lui, de gérer ensuite ses dépenses.

M.-P. V.

Les propositions des candidats

Barack Obama propose de généraliser l'assurance médicale, en offrant le choix de souscrire une assurance privée ou une assurance gérée par le gouvernement fédéral. Mais il ne souhaite pas imposer la couverture santé, hormis aux mineurs.

John McCain s'oppose au principe de couverture universelle. Il veut supprimer les incitations fiscales accordées dans le cadre d'une couverture par l'employeur, et les remplacer par un crédit d'impôt pour toute personne qui souscrit un plan individuel.

© Win McNamee/AFP

Les retraités américains contraints d'être actifs

Bob Stein, 65 ans, ancien comptable new-yorkais, était censé vivre une paisible retraite. Mais, cet été, le Baruch College lui a proposé un temps partiel de trois jours par semaine pour monter des séminaires et actualiser son site Internet. Il a sauté sur l'occasion pour se faire quelques dollars de plus et s'attaquer, dit-il, à de « nouveaux challenges ».

Les retraités toujours actifs sont de plus en plus nombreux aux Etats-Unis. L'espérance de vie qui rallonge et la fragilité de leurs ressources les obligent à travailler, au moins à temps partiel. Et cette tendance ne fait que progresser. Un sondage, réalisé par l'Employee Benefit Research Institute (Ebri), montre que 65 % des salariés de moins de 55 ans entendent rester actifs pendant leur retraite. Déjà, les salaires représentent près de 40 % du revenu total des ménages dont le chef de famille est âgé de 65 à 74 ans, alors qu'en Europe, ce chiffre est souvent inférieur à 20 %.

Le système américain des retraites repose d'abord sur un régime par répartition assurant des rentes faibles, appelé la Social Security, et financée par des prélèvements de l'Etat sur les fiches de paie. Il concerne plus de 90 % des retraités américains. Les prestations de ce régime sont versées, actuellement, à partir de 65 ans. Mais l'âge minimal de liquidation de la retraite augmente progressivement depuis 2003. En 2008, pour les personnes nées à partir de 1942, l'âge légal est de 65 ans et 10 mois. Il reculera de deux mois tous les ans jusqu'à porter progressivement l'âge plein de la retraite à 67 ans pour les personnes nées à partir de 1960. Mais ces prestations sont plafonnées et elles représentent généralement moins du tiers du salaire moyen. En outre, l'équilibre du régime est menacé par la démographie : les plus de 65 ans auront doublé aux Etats-Unis d'ici à 2040.

« Le salarié a besoin de se créer un complément en souscrivant, par exemple, au plan 401K* proposé par son employeur », explique Lenny Sanicola, expert de l'association Worldatwork. La retraite complémentaire n'a rien d'obligatoire aux Etats-Unis. Pour attirer les meilleurs candidats, les grandes entreprises en proposent une : selon l'Ebri, c'est le cas pour plus de 66 % des groupes de plus de 1 000 salariés. Mais les PME sont beaucoup plus rares à le faire.

Et la formule proposée a bien changé. « Il y a trente ans, les entreprises offraient à leurs retraités des versements mensuels garantis jusqu'à la fin de leur vie », se souvient Lenny Sanicola. Hewlett Packard, IBM, Sears, General Motors..., tous ces grands, les uns après les autres, «gèlent» les pensions «garanties», avantage conservé pour les seuls anciens.

Cotisations définies

Pour les nouveaux embauchés, ces plans à prestations définies, jugés trop coûteux et soumis au «risque» d'allongement de l'espérance de vie, sont remplacés par des dispositifs à cotisations définies, dont les fameux 401K. Le salarié et son employeur alimentent un fonds, placé en obligations et en actions, qui lui sera remis le jour de son départ. L'entreprise limite ainsi sa responsabilité. Et le salarié gère lui-même les risques inhérents à la vie de son portefeuille d'actions : à l'heure actuelle, en pleine tempête boursière, bien peu de salariés pourraient toucher leur rente dans des conditions favorables s'il souhaitaient liquider leurs avoirs.

C. T.

* Du nom du formulaire fiscal correspondant au traitement de ces contributions non imposées.

Les propositions des candidats

Barack Obama propose d'augmenter les contributions des salariés gagnant plus de 250 000 dollars par an pour solidifier le financement de la Social Security. Il veut exonérer d'impôts sur le revenu les retraités gagnant moins de 50 000 dollars par an. Et il souhaite que les entreprises accroissent les plans de retraite pour les salariés en rendant leur participation « automatique ».

John McCain veut « sauver la Social Security », sans donner plus de détails.