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Enquête

Vers la fin de l'individualisation à l'anglo-saxonne ?

Enquête | publié le : 21.10.2008 |

En février dernier, un mouvement de grève inattendu a conduit le groupe de cosmétiques à réintroduire les augmentations générales, abandonnées depuis 2005. La CFDT voit dans cette décision le signe d'un changement global du style de management de l'entreprise.

Confrontée, le 18 février dernier, à un mouvement de grève spontané dans les usines du groupe, la direction de la multinationale des cosmétiques avait réagi sans attendre, en versant, dès le mois de mars, une prime collective de 250 euros « pour anticiper la protection du pouvoir d'achat ».

Pas question de faire les gros titres de la presse

De manière plus inattendue, elle avait également accepté, « compte tenu du retour prévisible de l'inflation en 2008 », le principe d'une réintroduction des augmentations collectives, une politique abandonnée depuis 2005. Selon Jean-François d'André, le délégué syndical central CFDT, cette décision signe l'arrêt d'une « politique d'individualisation forcenée à l'anglo-saxone », initiée par l'ancien Pdg du groupe, Lindsay Owen-Jones, depuis la fin des années 1990 : « Lors du mouvement de grève, raconte le délégué syndical, Liliane Bettancourt (la principale actionnaire de l'Oréal, NDLR) aurait décroché son téléphone pour signifier qu'il était exclu que L'Oréal refasse les gros titres de la presse. »

Visiblement, le message a été parfaitement reçu par Jean-Paul Agon, l'actuel directeur général, dont le style de management diffère en tous points de celui de son prédécesseur. Outre la prime de 250 euros, qui sera intégrée aux salaires dès l'année prochaine, la direction accepte, en effet, rapidement, dans un accord signé le 10 avril, une augmentation générale de 1,5 % avec un plancher fixé à 40 euros mensuels. Depuis le mois de septembre, l'ensemble des salariés bénéficie, en outre, d'un complément salarial de transport qui s'échelonne, selon l'éloignement géographique, de 20 à 50 euros par mois. « Soit, en additionnant l'ensemble de ces avantages, une augmentation de l'ordre de 71 à 91 euros mensuels, c'est-à-dire environ 3 % pour les plus bas salaires », souligne Jean-François d'André, qui précise également que la direction s'est engagée à recevoir une nouvelle fois les syndicats en 2008 en cas de forte hausse de l'inflation ainsi qu'à recourir à nouveau à une augmentation générale en 2009.

Dans un communiqué, publié le 26 février, L'Oréal tient à souligner que ces nouvelles décisions « s'inscrivent dans une politique sociale généreuse pratiquée depuis toujours par le groupe, et qui s'adapte au nouveau contexte économique ». Selon les chiffres communiqués à titre d'exemple par la direction, la rémunération moyenne annuelle d'un ouvrier du groupe, en 2007, était de 25 600 euros, auxquels se sont ajoutés 6 000 euros d'intéressement et 1 600 euros de participation, soit trois mois de salaires supplémentaires : 2 fois le Smic au total.

Des cadences devenues infernales

« De fait, analyse Jean-François d'André, les revendications salariales de février n'étaient que la partie immergée de l'iceberg. Relativement bien traité sur le plan des rémunérations, le personnel se préoccupe davantage du durcissement des conditions de travail. » Selon le représentant syndical, entre 2004 et 2008, les usines françaises de L'Oréal auraient perdu entre 15 % et 29 % de leurs effectifs, tandis que leur productivité augmentait de 20 %. « L'Oréal, qui ne fait pas de plan social, finance intégralement sur ses fonds propres le départ de ses salariés après 54 ans, explique le délégué syndical. Pour les salariés restants, les cadences deviennent infernales. » Il espère que la question du stress, « considéré comme «productif», selon la philosophie anglo-saxonne jusqu'alors en vigueur dans l'entreprise », sera, désormais, prise au sérieux par la nouvelle direction.