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« La veille RH peut jouer un rôle d'alerte »

Enjeux | Plus loin avec | publié le : 21.10.2008 |

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« La veille RH peut jouer un rôle d'alerte »

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A la différence des outils de veille économique et technologique, la veille RH n'existe pas réellement dans les entreprises. Véritablement structurée, elle doit pouvoir répondre aux besoins des managers et constituer une aide à la décision.

E & C : Vous venez de consacrer une étude à la veille RH qui, dites-vous, reste à construire. Il n'existe donc pas de dispositif de ce type dans les entreprises ?

Gérard Layole : La plupart des DRH appellent «veille» le fait de butiner des informations, d'aller à des conférences, de lire des articles, tout cela un peu au hasard. C'est ce que j'appelle la technique du papier attrape-mouches. Mais il n'existe rien de suffisamment construit pour être nommé veille RH. Une véritable veille RH doit avoir un but et agir sur les décisions qui seront prises en interne.

Souvent, les membres des équipes RH que nous rencontrons avouent que la veille vient après coup, lorsqu'une décision est prise. Exemple : on a décidé de mettre en place un nouveau système de rémunération. On va donc essayer de se renseigner sur ce qui est pratiqué par la concurrence. Il faudrait, au contraire, définir à l'avance des axes stratégiques et ne pas dépendre ainsi des circonstances et des opportunités. Il existe, certes, des formes de veille RH structurées, mais sous-traitées par l'entreprise. Le DRH reçoit un produit fini sur son ordinateur ou dans son courrier. Mais il ne va pas, pour autant, utiliser ces informations.

E & C : Comment rendre la veille RH plus opérationnelle ?

G. L. : Pour qu'un tel processus soit véritablement approprié, il faut d'abord qu'il y ait une demande. Elle peut provenir de la direction, mais aussi du management, qui a un certain nombre d'attentes. Par exemple, comment attirer et fidéliser des talents. Dans un deuxième temps, il faut savoir ce qu'on veut chercher. On ne va pas trouver directement quelque chose qui répond à une demande. Il faut que les diverses personnes concernées par une même problématique mettent en commun les représentations qu'elles en ont pour arriver à une représentation globale, une «carte mentale» de la problématique en question. Avec celle-ci, on sait dans quelle direction il faut pointer les capteurs parmi la masse d'informations dont on dispose. Pour reprendre l'exemple de la gestion des talents, on recherchera des informations aussi bien sur le repérage, la sélection, voire la présélection - les relations avec les écoles -, que sur les débuts de carrière, les parcours de développement de potentiel ou les modalités de négociation de divers avantages autour du contrat de travail. De cette façon, tous les aspects de la problématique sont abordés.

L'information prend son sens quand on possède cette carte mentale. Le problème, aujourd'hui, n'est pas d'accéder à l'information, mais de la trier, de la traiter et de mettre en évidence, même de façon schématique, ce qui est saillant et susceptible d'avoir un intérêt pour les décisions à prendre en matière de RH.

E & C : Vous préconisez aussi la méthode des scénarios...

G. L. : Oui, c'est une méthode indirectement inspirée des outils de la prospective. Elle consiste à élaborer deux scénarios bien tranchés et opposés, l'un favorable, l'autre défavorable. Ensuite, on cherche les signes avertisseurs de chacun d'eux. Avec ces indicateurs, on sait dans quelle direction chercher.

Par exemple, sur le sujet de l'évolution de la rémunération : va-t-on vers du tout collectif ou du tout individuel ? Il ne s'agit pas seulement de savoir ce que fait votre concurrent. Il faut bâtir les deux scénarios. Dans le cas du tout individuel, les indicateurs doivent montrer que ce mode de rémunération s'étend à des catégories de personnels de plus en plus proches du niveau de base. Dans le cas du tout collectif, on voit, au contraire, apparaître les premiers symptômes avertisseurs, comme les chiffres de l'Insee. Ils montrent un retour de plus en plus évident à des systèmes davantage collectifs. Face à ces deux scénarios, on est beaucoup plus en alerte pour repérer ce qui se fait, aussi bien en France qu'à l'étranger.

E & C : Pourquoi la veille RH, à la différence de la veille économique ou technologique, est-elle négligée ? Est-ce un problème de coût ?

G. L. : Mettre en place une veille RH n'est pas un problème de coût. C'est davantage un problème de temps : il faut pouvoir y passer un certain nombre d'heures de façon régulière. Il y a peut-être aussi une certaine gêne pour les équipes de direction à aborder des questions RH. Les RH, c'est subjectif, peu objectivable et quantifiable. Pourtant, on entend de nombreux dirigeants parler du capital humain, de la compétitivité liée aux facteurs immatériels. Si c'est vrai, il faut pouvoir protéger ce capital comme on protège les brevets, innover en RH comme on innove grâce à la R & D.

On peut très bien imaginer de mettre en place un système flexible avec un temps de rencontres entre les RH et un autre, régulier, entre les RH et le comité de direction, au cours duquel un point serait fait sur l'anticipation RH. La veille jouerait alors un rôle d'alerte afin que les décideurs agissent en connaissance de cause. Les DRH donneraient, ainsi, une autre dimension à leur fonction : ils seraient non seulement garants de l'allocation des ressources humaines et de la paix sociale, mais aussi porteurs d'une vision de la pérennité de l'entreprise.

PARCOURS

• Gérard Layole est directeur d'études à Entreprise & Personnel, réseau de réflexion sur le management des RH. Il a été auparavant formateur dans le domaine du management.

• Il est l'auteur de plusieurs études d'E & P, dont la plus récente, Veille RH : un dispositif à construire, est parue en septembre 2008 (sur <www.entreprise-personnel.com>).

• Il est responsable de la newsletter électronique E & P veille, qui compte 2 000 adhérents (directeurs et responsables RH).

LECTURES

Alice au pays du langage. Pour comprendre la linguistique, Marina Yaguello, Seuil, 1981.

Si c'est un homme, Primo Levi, Pocket, 1988.

A la courbe du fleuve, V. S. Naipaul, Albin-Michel, 2001.