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Les entreprises remettent aux retraités les clés de leur couverture

Dossier | publié le : 14.10.2008 |

Une à une, les entreprises qui continuaient à financer la couverture santé de leurs retraités mettent un terme à cet engagement coûteux, tout en maintenant des garanties similaires dans le cadre d'un contrat individuel. Mais une récente décision de la Cour de cassation pourrait amener à la révision des modalités de ces contrats.

Les entreprises sont nombreuses à faire le ménage dans leurs contrats de prévoyance. La nouvelle réglementation, issue de la loi Fillon de 2003, est passée par là : à partir du 1er janvier 2009, les contributions financières des entreprises à un régime facultatif seront soumises à charges sociales. Du coup, la tendance forte est à la transformation des contrats facultatifs en contrats obligatoires.

Chemin faisant, les entreprises multisites ou issues de fusions successives en profitent pour harmoniser leurs régimes... et en sortir les futurs retraités. Arkema, par exemple, vient d'en finir avec 42 régimes différents de couverture de frais de santé. Un accord, signé le 8 septembre, met en place un régime harmonisé de remboursement pour les 6 300 salariés du groupe en France. Le financement est assuré par une cotisation forfaitaire dont la moitié est prise en charge par l'employeur.

Une aide de leur ancien employeur

Pour prendre en compte le passé de certains établissements, dans lesquels une contribution directe d'Arkema finançait la mutuelle des retraités, ces derniers sont constitués en groupe fermé et continuent à bénéficier d'une aide de leur ancien employeur. Les salariés encore actifs, comptant plus de dix-huit ans d'ancienneté dans l'entreprise, bénéficieront de cette disposition.

Financement personnel

« Par contre, les futurs retraités qui ont aujourd'hui moins de dix-huit ans d'ancienneté financeront seuls leur adhésion, pour un niveau de garantie similaire, conformément à la loi Evin de 1989, qui exige de maintenir une couverture équivalente dans le cadre d'un contrat individuel avec le même organisme assureur », explique Jean-Michel Martin, directeur rémunération et organisation d'Arkema.

Résultat : l'entreprise en termine avec une participation financière dont elle était incapable de maîtriser le montant. Les retraités étant, par ailleurs, davantage consommateurs de frais de santé, les traiter dans le cadre d'un contrat fermé permet d'éviter un déséquilibre du régime, qu'il aurait fallu, à terme, compenser par une hausse des cotisations.

Evaluation des passifs sociaux à long terme

Autre effet positif : en allégeant ses engagements financiers, elle soulage son compte de résultat. « Les normes IFRS ont renforcé, pour les entreprises, l'obligation comptable d'évaluation de leurs passifs sociaux à long terme, avant et après rupture du temps de travail, comme, par exemple, le financement du régime de prévoyance pour les retraités. Pour être en conformité, elles doivent faire figurer ces engagements dans leurs comptes et les provisionner jusqu'au décès de l'assuré qui, à 60 ans, a une espérance de vie de 20 à 25 ans. Cela coûte cher à l'entreprise », explique Camille Fabian, du cabinet ONP.

Une pilule amère

Pour les partenaires sociaux, la pilule peut être amère. Pour compenser partiellement, ADP a créé un régime de retraite supplémentaire à cotisations définies (lire p. 39). Arkema s'est engagé à « ouvrir la négociation d'un Perco, qui sera abondé par l'employeur, et qui permettra aux salariés de se constituer une épargne en vue, notamment, de financer sa couverture santé une fois à la retraite », indique Jean-Michel Martin.

« Effectivement, les entreprises commencent à mettre en place des plans d'épargne santé pour aider leurs salariés à financer leur santé de demain, quand ils ne travailleront plus. Mais cela représente tout de même un certain budget pour l'entreprise que toutes n'ont pas forcément envie de dépenser, qui plus est dans le contexte économique actuel », relève Mario Vallerotonda, associé du cabinet de consultants Kadris.

Un contentieux en cours autour de la loi Evin agite, par ailleurs, le marché de l'assurance santé. Dans un arrêt de février 2008, la Cour de cassation a estimé que l'entreprise et son organisme assureur doivent maintenir des garanties strictement identiques et non pas équivalentes. Un nouvel appel devrait être jugé fin octobre. Les organismes assureurs l'attendent avec impatience.

Multiplication excessive des contrats individuels

« Si l'arrêt de la Cour de cassation était confirmé, cela conduirait à la situation extrême suivante : nous devrions créer autant de types de contrats individuels qu'il existe de types de garanties collectives au sein de nos entreprises clientes. La standardisation des contrats individuels serait alors remise en cause et, du même coup, l'industrialisation des process et des systèmes de gestion. L'augmentation des coûts de gestion risquerait de générer des augmentations de cotisation », analyse Bruno Liger-Belair, directeur commercial grands comptes de Malakoff-Médéric.

Impact relatif

Ce dernier relativise cependant l'impact de ce scénario à l'aune du comportement des retraités, tout comme Mario Vallerotonda. Celui-ci rappelle que « plus de 70 % des personnes qui partent à la retraite ne conservent pas la garantie dont elles bénéficiaient dans le cadre du contrat de groupe, à la fois parce qu'elle n'est plus adaptée à leurs besoins, et parce qu'elles doivent payer seules une cotisation qui devient élevée du fait du désengagement de l'employeur. » Affaire à suivre.