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« Les élections professionnelles doivent être pilotées directement par la DRH »

Enquête | L'entretien avec | publié le : 07.10.2008 |

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« Les élections professionnelles doivent être pilotées directement par la DRH »

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E & C : Vous conduisez actuellement des missions de conseil auprès des directions d'entreprise sur le thème de la réforme de la démocratie sociale. Dans quel état d'esprit vos clients l'abordent-ils ?

T. H. : Pour le moment, ils sont circonspects et fébriles. Ils abordent cette réforme moins comme une opportunité que comme une perturbation. Ils craignent de perdre la maîtrise de leur système social, de ne plus avoir en face d'eux leurs interlocuteurs syndicaux habituels, de voir le paysage syndical s'atomiser, dans un premier temps, au lieu de se simplifier. Ils se demandent également comment réunir la majorité d'engagement de 30 %, notamment pour les NAO salariales, alors qu'ils sont confrontés à une demande forte sur le pouvoir d'achat. Tous n'ont pas bien saisi le rôle du représentant de la section syndicale, ni sous quelles conditions signer des accords avec des élus ou des mandatés.

Enfin, ils prennent conscience que les élections professionnelles, compte tenu de leur importance, doivent être pilotées directement par la DRH, qui devra veiller à la sincérité de la campagne et à sécuriser le vote.

E & C : La représentativité n'étant plus irréfragable, certains employeurs ne vont-ils pas se saisir de cette disposition pour contester la représentativité des syndicats qui ne leur conviennent pas ?

T. H. : Aucun de ceux que je connais n'ira devant le juge pour contester l'ancienneté ou l'indépendance d'un syndicat déjà installé chez eux, car ils pensent qu'ils seront perdants de toute manière. S'ils devaient le faire, ils laisseraient un autre syndicat porter le conflit.

Mais pourquoi s'attaquer à un syndicat bien implanté dont la signature peut-être utile pour atteindre la majorité d'engagement (30 %) ? Pour les petites listes qui apparaîtraient, le raisonnement sera un peu différent. D'une part, où va-t-on avec des interlocuteurs inconnus et incontrôlables ? D'autre part, n'est-il pas risqué de s'en prendre à un syndicat local ou récent, mais qui répond à une demande des salariés que ne prennent pas en compte les autres syndicats ?

Je suis à peu près convaincu que les directions iront très rarement sur le terrain du contentieux et que c'est l'audience électorale qui servira de juge de paix.

E & C : Le premier tour des élections professionnelles est ouvert aux OS non représentatives. Comment les entreprises abordent-elles cette nouvelle disposition ?

T. H. : Je parlerais plutôt d'organisations n'ayant pas d'existence légale aujourd'hui et qui en auront une demain. Alors, le jeu est ouvert pour elles. Cette ouverture, ajoutée au fait que les résultats du premier tour doivent être décomptés, que le quorum soit atteint ou non, fait craindre à certaines directions un éparpillement syndical et l'arrivée de syndicats non souhaités.

Je connais le cas d'une entreprise dont les salariés de certains sites votent traditionnellement peu et où le quorum n'est jamais atteint au premier tour. Tant que cela n'avait pas d'impact sur la désignation des DS, cela ne dérangeait pas la direction, voire l'arrangeait. Mais elle se rend compte, maintenant, que quelques suffrages suffiront à un syndicat pour franchir les 10 % et avoir un DS. D'où cette réaction : pour tenter de garder le contrôle du système social, mieux vaut désormais inciter les salariés à voter dès le premier tour afin d'augmenter le prix du «ticket d'entrée» des syndicats.

Notons que le risque d'éparpillement syndical n'existe pas dans l'absolu, mais dépend du contexte de l'entreprise. Ce risque est d'autant plus important que l'entreprise a embauché, au cours des dernières années, des jeunes avec des attentes sociales fortes et non satisfaites - ils ne comprennent pas les tracts des syndicalistes de la vieille école -; qu'elle a subi des réorganisations ; et que les syndicats traditionnels sont décrédibilisés car absents ou instrumentalisés par la direction.

E & C : La validité d'un accord dépendra d'une double majorité d'engagement (30 %) et d'opposition (50 %). Y a-t-il un risque de blocage de la négociation ?

T. H. : L'introduction de la majorité d'engagement à 30 % inquiète les DRH, mais pas tellement la majorité d'opposition à 50 %. Ils sont, en effet, persuadés que les organisations syndicales continueront à ne pas y recourir.

E & C : Comment les directions imaginent-elles, à l'avenir, le jeu des acteurs ?

T. H. : Elles s'attendent à une relégitimation du DS et, plus généralement, du syndicat par rapport au CE. Elles estiment, en outre, que la majorité d'engagement va changer le rapport de force dans la négociation. Quant à l'électeur, elles croient qu'il va lui falloir quelques années pour prendre conscience de son pouvoir. A mon avis, un premier cycle électoral de trois à quatre ans leur suffira.