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L'obligation d'adaptation des salariés à leur emploi doit-elle peser uniquement sur l'employeur ?

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 07.10.2008 |

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L'obligation d'adaptation des salariés à leur emploi doit-elle peser uniquement sur l'employeur ?

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Dans le cadre des licenciements économiques, l'objectif du législateur est d'assurer la protection du salarié de façon accrue, notamment son reclassement. L'employeur doit tenter de reclasser le salarié dans un emploi équivalent ou de catégorie identique, voire inférieure si le salarié l'accepte.

Dans cette optique, est intervenu l'arrêt Expovit (Cass. Soc. 25 février 1992) qui crée, à la charge de l'employeur, l'obligation d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi. La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a repris cette jurisprudence en la codifiant à l'article L321-1 alinéa 3 (devenu article L1233-4).

Visant pour la première fois cet article, l'arrêt du 28 mai 2008 (Cass. Soc. Sté Textilia) apporte des précisions à la fois sur le contenu (1) et sur l'étendue (2) de cette obligation. En l'espèce, une cadre commerciale «court terme» avait été licenciée pour motif économique. Elle saisit le conseil des prud'hommes en soutenant qu'il existait un poste disponible de cadre commercial «long terme» qu'elle aurait pu obtenir à la suite d'une formation préalable.

1- Le contenu de l'obligation d'adaptation pesant sur l'employeur

L'obligation d'adaptation constitue une modalité de l'obligation de reclassement en cas de licenciement. Par conséquent, son manquement est sanctionné par un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En revanche, elle doit être différenciée de l'obligation générale de l'employeur d'adapter les salariés à l'évolution de leur emploi durant toute la durée du contrat (article L6321-1 du Code du travail). L'employeur doit également présenter des offres sérieuses de formation aux salariés (Cass. soc. 7 juillet 2004 Libert et a. c/Braillard et a.). Ainsi, l'obligation de reclassement ne se résume pas à la recherche d'un emploi identique, mais doit augmenter les chances de reclasser le salarié en lui offrant une formation adaptée.

2- L'étendue de l'obligation d'adaptation

L'obligation d'adaptation constitue une obligation de moyens. Il ne peut être reproché à l'employeur de ne pas avoir trouvé un emploi disponible au salarié, dès lors qu'il démontre qu'il a pris toutes les mesures nécessaires pour tenter de le reclasser. Afin de délimiter l'étendue de l'obligation d'adaptation, la jurisprudence a opéré une distinction entre plusieurs types de formation : ainsi, l'employeur n'est pas tenu de permettre au salarié d'accéder à un poste de catégorie supérieure par le biais d'une formation qualifiante ni de lui assurer une formation initiale qui lui fait défaut (Cass. Soc. 3 avril 2001 Mazourk c/SA Aptargroup Holding). En revanche, il doit assurer au salarié une formation complémentaire qui lui permettrait de se maintenir dans son emploi ou d'être reclassé.

Dans l'arrêt du 28 mai 2008, la cour d'appel avait donné raison à l'employeur, estimant que celui-ci ne pouvait proposer le reclassement sur le marché «long terme» au prétexte que la salariée ne disposait pas des « formations, expériences et compétences spécifiques » nécessaires à cette activité. La Cour de cassation, au contraire, reprenant l'expression « absence de connaissances approfondies des techniques », considère que la salariée disposait de la capacité de les perfectionner et que cela incombait à l'employeur.

Les employeurs doivent donc non seulement apporter un soin particulier à la formation proposée à leurs salariés durant l'exécution de leur contrat, mais aussi veiller à proposer une formation complémentaire en cas de licenciement pour motif économique.

Mais, ne conviendrait-il pas que les salariés eux-mêmes prennent davantage conscience de leur propre obligation d'assurer le perfectionnement continu de leurs connaissances et aptitudes ? L'une des désillusions de l'impact de la réduction de la durée du travail (outre l'absence significative de création d'emplois) a été la non-utilisation du temps ainsi libéré pour accroître la formation !

Jacques Brouillet, avocat, directeur associé Fidal, membre d'Avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social.