logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Les pratiques

Les entreprises offrent un podium à leurs athlètes olympiques

Les pratiques | publié le : 16.09.2008 |

A l'occasion des JO de Pékin, les entreprises, principalement publiques, n'ont pas manqué de capitaliser, en termes d'image, sur le succès de leurs salariés athlètes de haut niveau, à qui elles proposent, depuis 1982, des parcours professionnels aménagés dans une perspective post-carrière sportive.

Les journalistes présents au sein de leur rédaction en août dernier peuvent en témoigner. A chaque médaille française remportée à Pékin, les entreprises qui comptaient dans leurs rangs des sportifs de haut niveau (RATP, SNCF, La Poste, EDF...) ne manquaient pas de rédiger des communiqués triomphants. Objectif : lier leur image à celle de leurs athlètes. A l'instar de la RATP qui s'enorgueillit d'avoir rapporté la première médaille d'or dans l'escarcelle française. C'était le 13 août, dans la pourtant peu médiatique épreuve de lutte gréco-romaine. Steeve Guénot et son frère Christophe raflaient respectivement l'or et le bronze dans la même discipline (1). « Les qualités physiques et humaines exceptionnelles qui sous-tendent votre exploit sont celles que nous souhaitons tous partager au sein de la RATP, s'enthousiasmait, le jour même, Pierre Mongin, le Pdg. C'est-à-dire, la détermination, le courage, le respect des autres, la maîtrise de soi en toutes circonstances et, surtout, un travail continu pour l'entraînement. » « Dans un bel élan de fierté collective, nous avons diffusé la nouvelle sur les quais du métro, quasiment en temps réel », précise Isabelle Ockrent, directrice de la communication.

Fierté collective

Dans le même esprit, le cabinet d'Eric Woerth, ministre du Budget, rédigeait un communiqué laudatif (le 10 août) pour féliciter Benjamin Darbelet, médaillé d'argent en judo, sous contrat avec la Douane, en prenant bien soin de rappeler la liste des sportifs engagés à Pékin (2) sous les couleurs de cette administration. Le ministre recevait ces derniers le 27 août à Bercy « pour les féliciter de vive voix ».

«L'idéal sportif» mis en valeur

A l'image de la RATP ou de l'administration des Douanes, un grand nombre de ministères ou d'entreprises publiques signent, depuis 1982, des conventions avec le ministère de la Jeunesse et des Sports. But de l'opération : permettre aux athlètes de haut niveau de concilier pratique sportive et activité professionnelle grâce à un accompagnement personnalisé et des horaires aménagés. Création de dossiers de presse et de site Internet pour suivre les épreuves, communiqués, campagne de communication, newsletters, banque d'images-photos et vidéos, les entreprises concernées ne sont pas avares de moyens pour mettre en avant l'«idéal sportif» et les valeurs incarnées par ces sportifs. « Les entreprises publiques et les administrations s'inscrivent tout naturellement dans une logique de service public - la promotion de la France -, l'athlète jouant, en quelque sorte, le rôle d'ambassadeur sur tous les stades du monde », analyse Arnaud Benoit-Cattin, directeur de Quaterback, agence de marketing sportif.

Mi-temps annualisé

A la SNCF, par exemple, 27 athlètes de haut niveau sont en poste sous la forme d'un contrat d'insertion professionnelle (CIP) - le statut juridique utilisé communément - qui peut durer de quatre à dix ans selon les cas. Concrètement, il s'agit d'un mi-temps annualisé permettant aux athlètes de concilier la préparation aux grandes échéances sportives (entraînement), la vie dans l'entreprise, la carrière sportive et la reconversion professionnelle. « Nos athlètes conjuguent, ainsi, la pratique intense de leur discipline sportive et leur vie professionnelle », explique-t-on au service communication du groupe ferroviaire qui, dans le cadre du dispositif «Athlètes SNCF de haut niveau», organise des séminaires deux fois par an permettant à ces derniers « d'apprendre à se connaître, de dialoguer et de se former sur différents sujets - droit social, droit du sport, gestion du stress, media training... »

Même dispositif de soutien aux sportifs de haut niveau à La Poste (10 athlètes sous contrat, dont 4 qualifiés pour les jeux Olympiques et Paralympiques de Pékin) qui, en vingt-sept ans de partenariat avec le ministère des Sports, a conclu plus d'une centaine de conventions.

L'opérateur postier historique a choisi comme porte-drapeau pour Pékin le marcheur Yohann Diniz, vice-champion du monde 2007 du 50 km marche (qui a abandonné lors de l'épreuve olympique) et, à l'instar des autres entreprises publiques concernées, ne se prive pas d'utiliser ce dernier pour faire passer ses «messages» en interne. Le champion champenois s'implique donc régulièrement auprès de ses collègues postiers en faveur de la santé au travail, décrétée grande cause nationale par la direction du Courrier (l'un des quatre métiers de La Poste). « Yohann incite les facteurs à participer aux grandes compétitions de marche en partenariat avec la Fédération française d'athlétisme (FFA), signale la direction de la communication de La Poste. Il participe également à de nombreuses conventions sur l'hygiène de vie et la santé au travail au sein de l'entreprise. »

Dimension fédératrice

« Les sportifs de haut niveau possèdent incontestablement une dimension fédératrice au sein d'un groupe, analyse François Leccia, directeur de l'Institut sport et management à Grenoble Ecole de management. Les entreprises savent parfaitement les utiliser pour prôner les valeurs qui leur tiennent à coeur : solidarité, courage, dépassement de soi. Il s'agit d'une source de fierté et de motivation pour les autres salariés du groupe et d'un étendard utile dans une logique d'attractivité et de recrutement. » « Au sein de leur service ou de leur département respectifs, ces sportifs sont de véritables exemples de vie pour leurs collègues », confirme Catherine Lescure, directrice de la communication corporate d'EDF (6 médailles aux jeux de Pékin), qui salarie une vingtaine de sportifs de haut niveau.

Consciente de la spécificité des parcours et des contraintes qui incombent aux athlètes, la DRH du groupe a dédié un responsable RH pour suivre leur carrière et pour répondre à leurs moindres interrogations. « Nos athlètes réalisent de belles carrières après leur parcours sportif. A l'image de Jean-Christophe Rolland, ancien champion olympique d'aviron, aujourd'hui DRH dans une unité EDF à Lyon », poursuit Catherine Lescure.

Cartographie socioprofessionnelle

De plus en plus préoccupée par l'accompagnement extra-sportif des 400 athlètes étiquetés «haut niveau» qu'elle compte dans ses rangs, la Fédération française d'athlétisme a récemment publié une cartographie socioprofessionnelle, à l'occasion de la Coupe d'Europe d'athlétisme de juin dernier, à Annecy. Verdict : parmi les 14 athlètes français salariés (25 %) sur 55, 86 % travaillaient dans la fonction publique d'Etat (avec un aménagement de leur emploi du temps professionnel) ; 6 d'entre eux bénéficiant d'un statut professionnel accordé pour deux ans par la Ligue nationale d'athlétisme. D'où la question posée par la FFA : faut-il être fonctionnaire pour faire du sport de haut niveau ou le haut niveau conduit-il vers des professions de fonctionnaire ? Quelle place, en effet, pour des sportifs de haut niveau au sein des entreprises privées (à l'exception de certaines banques et de Bouygues Construction), pourtant très enclines à valoriser la performance individuelle et collective ?

(1) Tous deux sont salariés au sein du Service sécurité de la RATP en Ile-de-France et licenciés à l'US Metro, le club historique de l'entreprise.

(2) Barbara Harel, Gévrise Emane et Benjamin Darbelet (judo), Josselin Henry (tir), Boris Sanson (escrime), Anne Le Helley (voile) et Ronald Pognon (athlétisme).

L'essentiel

1 SNCF, RATP, La Poste, EDF... Les entreprises salariant des athlètes de haut niveau se servent de la notoriété de ces derniers pour communiquer sur leurs valeurs.

2 Les athlètes bénéficient d'horaires aménagés pour concilier vie professionnelle et compétition.

3 Malgré des valeurs prônant volontiers la performance et le dépassement de soi, les entreprises privées emploient peu de sportifs de haut niveau et privilégient le mécénat sportif.

Une expo photos «Des athlètes proches de vous» à Paris

Afin de mettre en valeur les athlètes de haut niveau qui exercent un emploi en parallèle, 24 sportifs de haut niveau, issus de différentes disciplines sportives, ont été photographiés par Vincent Ohl (voir ci-contre) pendant leurs séances d'entraînement, puis au sein de leurs entreprises respectives, la RATP, Bouygues Construction, EDF et La Poste, toutes liées par convention avec le ministère de la Santé, de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative. Les oeuvres de l'artiste sont exposées jusqu'au 19 septembre à la Rotonde de la station Saint-Lazare.

<www.desathletesprochesdevous.fr>

Peu de mobilisation dans le privé

Quatre collaborateurs de Bouygues Construction, sportifs de haut niveau, ont défendu les couleurs de la France aux jeux Olympiques de Pékin. Trois d'entre eux ont participé aux Jeux du 8 au 24 août : Anne-Lyse Touya (26 ans, escrime, cadre à la DRH) ; Delphine Racinet (34 ans, tir à la fosse olympique, cadre en gestion) ; Jonathan Coeffic (27 ans, aviron, ingénieur méthodes). Le quatrième, Serge Ornem, (30 ans, athlétisme, gestionnaire) a fourni son effort du 6 au 17 septembre dans le cadre des jeux handisport. Le géant du BTP est l'une des très rares entreprises privées (avec la BNP) à avoir signé une convention d'insertion professionnelle pour les athlètes de haut niveau avec le ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, prévoyant un aménagement du temps de travail pour ces salariés.

« Pour une entreprise publique qui, par définition, ne s'inscrit pas dans une logique de rentabilité, il est plus facile de faire accepter en interne des collaborateurs bénéficiant d'un emploi du temps «privilégié» que pour une entreprise qui évolue dans le secteur marchand, décrypte François Leccia, directeur de l'Institut sport et management à Grenoble Ecole de management. Ces dernières privilégient le sponsoring sportif même s'il n'est pas exclu qu'elles s'investissent aussi dans l'«humain» à l'avenir, tant le retour sur investissement peut être intéressant. A l'image d'un Zidane, qui, certes, dans un autre registre, contribue de manière éclatante à la notoriété de Danone. »

Articles les plus lus