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« Construire des repères RH dans chaque pôle de compétitivité »

Enjeux | Plus loin avec | publié le : 16.09.2008 |

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« Construire des repères RH dans chaque pôle de compétitivité »

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Les pôles de compétitivité rassemblent des salariés d'entreprises et d'organisations différentes autour de projets de longue durée à vocation d'innovation technologique. De nouvelles règles RH sont à inventer pour mieux faire vivre ces projets collaboratifs d'un nouveau genre.

E & C : Vous menez une action de recherche sur les RH dans les pôles de compétitivité. Pourquoi cette recherche ?

Didier Retour : Les pôles de compétitivité, créés en France en 2005 avec l'appui de l'Etat pour dynamiser l'innovation, constituent un nouvel objet de recherche en RH. Notre hypothèse est que le fait de faire travailler des salariés d'entreprises et d'organisations différentes sur des projets collaboratifs de longue durée va modifier un certain nombre de modalités d'actions, notamment en termes de management et de gestion des RH. C'est à partir de cette hypothèse que notre équipe de recherche* a convié les DRH des entreprises d'un pôle de compétitivité à vocation mondiale - Minalogic - à travailler sur le sujet. La moitié ont répondu à notre appel.

Nous suivons, en particulier, deux projets sur toute leur durée - quatre ans -, l'un piloté par Schneider Electric et rassemblant 12 partenaires - grandes entreprises, PME, laboratoires de recherche -, l'autre réunissant deux partenaires, Soitec, une entreprise high-tech de 1 080 salariés, et le CEA. Mais nous étudions aussi d'autres expériences, en France et à l'étranger : clusters et districts industriels.

E & C : Quelles sont les premières observations tirées de toutes ces expériences ?

D. R. : On constate que les enjeux RH sont rarement pris en compte, du moins au début. C'est la coopération informelle qui domine. Pourtant, il y aurait un énorme travail de partage de repères à construire. Car, si l'on travaille en mode projet, devenu un classique dans les entreprises, la grande différence, c'est que l'on doit faire travailler des salariés issus de sociétés et d'organisations de taille et de cultures diverses, avec des systèmes de GRH totalement différents. On a pu constater, par exemple, que des projets auraient gagné en efficience si les partenaires avaient investi au départ du temps en séquences de cohésion d'équipe.

E & C : Que se passe-t-il en matière de rémunération et d'évaluation des salariés ?

D. R. : Il peut y avoir des rémunérations sous forme de primes en fonction de l'avancement des projets. Mais les salariés restant sous l'égide de leur employeur respectif, les modalités d'attribution des primes diffèrent fortement, que ce soit en termes de montant ou de fréquence. Or, les salariés échangent entre eux et, même s'ils ont parfaitement conscience qu'ils appartiennent à des institutions très diverses, un écart trop important ne peut pas perdurer.

Dans l'un des exemples que nous suivons - Soitec/CEA -, des réflexions sont en cours pour parvenir à une certaine harmonisation de ces modalités. On est là face à une nouvelle pratique RH induite par le fonctionnement collaboratif interentreprises.

En matière d'évaluation, il conviendrait de demander systématiquement à une personne extérieure à l'entreprise - le responsable de projet - de donner sa vision sur le comportement professionnel du salarié d'une autre entreprise. Dans ce cas, c'est à la communauté de DRH de chaque entreprise impliquée dans le projet de s'accorder sur les règles d'évaluation à mettre en place.

E & C : Quelles autres nouvelles pratiques RH suggérez-vous ?

D. R. : On pourrait imaginer des chartes de bonne conduite entre partenaires du pôle pour bien clarifier comment se joue la collaboration, avec, en particulier, des règles concernant le recrutement des salariés.

Il serait intéressant également de mettre en place un suivi par un responsable mobilité et carrières. Les pôles de compétitivité créent nécessairement de la mobilité et du transfert de savoir-faire. Il est évident que, pour certains salariés, le fait de participer à des projets de cette nature va ouvrir des perspectives de carrière. Il faut donc assurer un suivi intelligent de ces mobilités dans le cadre d'une GPEC qui pourrait s'élargir au territoire.

E & C : Est-ce que le travail en pôle de compétitivité va apporter de nouvelles compétences aux responsables RH ?

D. R. : Grâce aux réunions et aux échanges avec les responsables RH des autres entreprises, il leur sera plus facile d'identifier des process RH dont ils n'avaient pas forcément connaissance. Ils devront aussi compter avec la pression des salariés, voire des organisations syndicales, qui compareront les pratiques RH de leur entreprise avec celles des partenaires du projet, ce qui permettra d'avancer. Au final, le travail en pôle de compétitivité peut constituer une formidable vitrine des pratiques RH. Notre intime conviction, c'est que les projets d'innovation technologique des pôles de compétitivité ne pourront réussir que si l'on met en place, en parallèle et en complément, des innovations sociales.

* L'équipe de recherche «RHPôles» est composée de membres de l'IAE de Grenoble, de l'université Pierre-Mendès-France et du Cerag (unité mixte de recherche 5820 CNRS/UPMF).

Pour en savoir plus : <http ://rhpoles.free.fr>

PARCOURS

• Didier Retour est professeur des universités à l'IAE de Grenoble et en a été le directeur de 1997 à 2004. Il est également secrétaire général de l'AGRH (Association francophone de gestion des ressources humaines). Il est membre de l'équipe de recherche «RHPôles» sur les pôles de compétitivité.

• Il a publié, sur le sujet, avec Christian Defélix, Jean-Denis Culié et Annick Valette, Travailler au sein d'un pôle de compétitivité : un défi pour la gestion des ressources humaines ?, paru dans Le travail, un défi pour la GRH (éd Anact, 2008). Il coordonne sur le même sujet un dossier à paraître prochainement dans la Revue française de gestion.

SES LECTURES

Un léopard sur le garrot. Chroniques d'un médecin nomade, Jean-Christophe Rufin, Gallimard, 2008.

Le capitalisme d'héritiers. La crise française du travail, Thomas Philippon, Seuil, 2007.

Le Christ philosophe, Frédéric Lenoir, Plon, 2007.

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