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La structure conventionnelle de la rémunération constitue un avantage individuel acquis

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 09.09.2008 |

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La structure conventionnelle de la rémunération constitue un avantage individuel acquis

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Par deux arrêts en date du 1er juillet 2008, la chambre sociale de la Cour de cassation vient d'opérer un revirement de jurisprudence concernant la délicate notion d'avantage individuel acquis. Lorsqu'une convention collective est régulièrement dénoncée ou mise en cause et qu'aucun accord de substitution n'a été conclu dans le délai de douze mois suivant le préavis de dénonciation, les salariés conservent le bénéficie des avantages individuels acquis au jour de la dénonciation ou de la mise en cause (article L. 2261-13 du Code du travail).

Si la notion d'avantage individuel acquis, non définie par la loi, est toujours d'une appréciation délicate, il n'en reste pas moins que, pour la chambre sociale, la rémunération constitue un avantage individuel. Toutefois, seul relevait de cette qualification le niveau de la rémunération perçue par le salarié au jour de la dénonciation ; en revanche, étaient considérées comme des avantages collectifs les règles de revalorisation ou la structure de la rémunération. C'est cette dernière solution qui se trouve remise en cause par les deux arrêts en étendant la notion d'avantage individuel acquis à la structure de la rémunération.

Dans ces affaires, à la suite de la dénonciation d'accords collectifs et en l'absence d'un accord de substitution, la banque Caisse d'épargne avait décidé, à l'issue de la période de survie des accords, de maintenir deux primes - une prime d'ancienneté et une prime de durée d'expérience -, mais en les intégrant dans le salaire de base. Des salariés avaient alors saisi les prud'hommes d'une action tendant à ce que les bulletins de salaire fassent distinctement apparaître le salaire de base, d'une part, et les primes, d'autre part. Ces derniers ayant obtenu gain de cause devant la cour d'appel, l'employeur a tenté d'obtenir la cassation de l'arrêt. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l'employeur en affirmant que « la structure de la rémunération résultant d'un accord collectif dénoncé constitue, à l'expiration des délais prévus par le troisième alinéa de l'article L. 132-8 du Code du travail, alors en vigueur, un avantage individuel acquis qui est incorporé au contrat de travail des salariés employés par l'entreprise à la date de la dénonciation ».

Ainsi, la solution dégagée par la Cour de cassation oblige, désormais, l'employeur à maintenir non seulement le montant de la rémunération antérieure mais encore sa composition. Toutefois, le maintien de la rémunération dans sa structure conventionnelle antérieure n'emporte nullement celui des règles de revalorisation, qui demeurent des avantages collectifs.

Le fondement juridique de la décision de la chambre sociale doit, semble-t-il, être recherché du côté de l'article 1134 du Code civil. En effet, la rémunération est composée du salaire de base ainsi que des primes qui sont, en elles-mêmes, des avantages individuels qui peuvent être acquis. Passé le délai de survie de la convention dénoncée ou mise en cause, ces avantages sont incorporés dans le contrat de travail en l'absence d'accord de substitution. Chaque élément de la rémunération est, ainsi, contractualisé et ce, de manière individuelle. Il s'ensuit que, devenue un élément du contrat de travail, la structure de la rémunération doit apparaître en tant que telle dans le bulletin de paye.

L'identification précise de chacune des composantes de la rémunération a le mérite de permettre au salarié de s'assurer du suivi de son salaire de base et, notamment, de vérifier son évolution au regard de la politique de rémunération arrêtée dans l'entreprise.

En attendant, les Caisses d'épargne devront refaire les bulletins de paie de dizaines de milliers de salariés, depuis novembre 2002, en distinguant les avantages individuels acquis, soit plus de 2 millions de bulletins à rééditer.

Si la solution dégagée par la Cour de cassation est favorable aux salariés concernés par le maintien des avantages individuels acquis, elle l'est moins pour les salariés embauchés après la dénonciation. En effet, la Chambre sociale a eu l'occasion de préciser que les salariés engagés après la dénonciation de l'accord ne peuvent prétendre à la rémunération résultant, pour les salariés recrutés avant cette dénonciation, du maintien de leurs avantages individuels acquis (Cour de cassation, chambre sociale 11 juillet 2007).

En exigeant le maintien de la rémunération dans sa structure conventionnelle antérieure, la Cour de cassation enlève définitivement aux nouveaux salariés la possibilité d'invoquer l'application du principe du «à travail égal, salaire égal» dans la mesure où la différence de traitement résulte du maintien, clairement identifié, des avantages individuels acquis par les salariés engagés avant la dénonciation.

Un tel principe aurait sans doute trouvé à s'appliquer si les primes avaient été incorporées dans le salaire de base. Il n'est pas possible de gagner sur tous les tableaux.

Rémi Dupiré, avocat, cabinet DAEM Partners, membre d'Avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social.